| action | | | Le décrochage entre le rêve et l'action, qui s'en revendique ; le court-circuit dans notre isolation du monde, conducteur d'un troupeau courant. « Il n'y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve, ou on l'accomplit »** - R.Char. Tsvétaeva et Cioran disaient la même chose. | | | | |
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| action | | | L'action ne traduit rien, seul le choix d'inaction, face à un défi, est éloquent. Mon (in)action est ma race et mon refuge, à l'opposé du Bouddha. C'est dans des étables qu'on parle traces et subterfuges ; l'absence de toits est propre du solitaire dans ses ruines, où il peut « agir en primitif et prévoir en stratège » - R.Char. | | | | |
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| action | | | Ce ne sont pas les traces - ni, à plus forte raison, les preuves ! - qui me font rêver (R.Char), mais l'imagination de brisées non battues, que je ne profanerais pas non plus avec mes pas affairés. Une mélodie n'est ni trace ni preuve, mais épreuve et race. | | | | |
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| action | | | L'échelle descendante de la valeur éthique : l'acte, le verbe exprimant l'intention, l'intention non-dite. Dans le premier pas de l'action, le verbe expire ; l'intention s'inspire du dernier, celui qui ne nous appartient pas. « Qui n'a pas rêvé d'un monde, qui, au lieu de commencer avec la parole, débuterait avec les intentions »** - R.Char. | | | | |
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| action | | | C'est en rêve qu'un bon outil produit l'œuvre. Se fier aux précipitations d'un premier jet céleste plutôt qu'à l'entretien de sillons et de bonnes graines. « Restez près du nuage. Veillez près de l'outil. Toute semence est détestée » - R.Char. | | | | |
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| action | | | L'action, la réflexion, l'image modernes débordent d'extériorité ; finie, la race d'Empédocle, de Hölderlin ou de R.Char, qui vivait de « l'excès d'intériorité ». | | | | |
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| action | | | Au pays du rêve, l’action, même très entreprenante, doit être vue comme stérile ; et la sainte superstition devrait la déclarer vierge, pour priver sa progéniture remuante du droit de cité. « L’acte est vierge, même répété »* - R.Char. | | | | |
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| action | | | La honte, c’est ce que, immanquablement, j’éprouve, quand, tout en ayant mon étoile au-dessus de mon âme, je laisse mes mains accomplir une action, sans même provoquer l’éclipse de mon astre. « Quand le soleil commande, agir peu »** - R.Char. | | | | |
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| kafka f. | | | Zwei Möglichkeiten : sich unendlich klein machen oder es sein. Das zweite ist Vollendung, also Untätigkeit, das erste - Beginn, also Tat.
Le choix : se rendre infiniment petit ou bien l'être. Le second cas, c'est le dernier pas, donc inaction ; le premier cas - le pas premier, donc action. | | | | |
| | action | | | La démesure et l'immobilité égalisent ces deux choix par l'action de Dieu et ma propre inaction. Si je crée ou j'admire, comme si c'était pour la dernière fois, je me libère du prurit de l'action ; le vrai commencement n'est pas une action continue, mais une initiation discrète. « Tout ce qui nous aidera à nous dégager de nos déconvenues s'assemble autour de nos premiers pas »** - R.Char. | | | | |
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| char r. | | | Jeter bas l'existence laidement accumulée et retrouver le regard, qui l'aima assez à son début, pour en étaler le fondement. | | | | |
| | action | | | En renonçant au poids des pas accumulés, un bon regard n'étale pas les fondements du début et de la fin (du premier et du dernier pas, qui ne sont jamais à nous), il les rehausse. Trois voies libèrent de l'épaisseur : la profondeur (la maîtrise), l'étendue (le savoir), la hauteur (le regard). L'existence est attachement aux concepts ; elle ne serait une honte (Cioran) que si les points d'attache sont fixes ou communs ; la philosophie, n'en est-elle pas la recherche, elle, qui « n'a de points d'attache ni dans le ciel ni sur la terre » - Kant - « ihre Begründung weder im Himmel, noch auf der Erde nehmen kann » ; le plus bel universel s'appuie sur l'inexistentiel. | | | | |
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| char r. | | | Toute action engageant l'âme, aura pour épilogue le repentir. L'homme est capable de faire ce qu'il est incapable d'imaginer. | | | | |
| | action | | | L'âme et l'action écrivent, chacune son propre livre. L'âme vit d'enthousiasme, et son ironie, c'est de ne pas aller au-delà des épigraphes. | | | | |
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| amour | | | Pour que son amour dure, l’amoureux devrait prendre l’exemple du mathématicien – apprendre l’art de substitution de variables aux constantes, sacrifier le permanent par fidélité à l’intemporel. Par ailleurs, le poète le comprend déjà : « La poésie est l’inconstance dans la fidélité »* - R.Char. | | | | |
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| char r. | | | Les femmes sont amoureuses et les hommes sont solitaires. Ils se volent mutuellement la solitude et l'amour. | | | | |
| | amour | | | L'espérance ne peut se maintenir que nourrie d'illusions ; l'illusion de son authenticité, c'est dans la solitude que l'homme la vit le plus intensément, et la femme - dans l'amour. S'unir, pour eux, c'est échanger leurs illusions ; sur l'autel de cette double infidélité naît la plus grande des illusions - que le feu sacrificiel monte plus haut que tout solitaire ou toute amoureuse. | | | | |
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| art | | | Le sentiment, rehaussé par la noblesse et élargi par l'intelligence, fut au centre de la poésie de Rilke, R.Char et Pasternak. Cette poésie est morte pour laisser la place à la poésie des dictionnaires, vocabulaires ou onomatopées. | | | | |
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| art | | | Narrer, en littérature, c'est recoller les morceaux. Acceptable tant que la colle du style ne sert que la qualité de la mosaïque. Je préfère des collections de pierres précieuses, où chaque pièce surgit comme une perle, sans trace de mains affairées. Mais veiller à ne pas tourner en un kaléidoscope soumis au hasard des tournis ambiants. Fuir les continents, rester insulaire, pratiquer une « écriture en archipel » (R.Char). | | | | |
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| art | | | Le bruit, dans la littérature, ce sont des objets trop criards ; on le réduit en leur préférant des relations entre innommables ; la poésie est une dissolution musicale de représentations ; avec la seule intensité on atteint le stade suprême, en découvrant, que « l'intensité est silencieuse » - R.Char. | | | | |
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| art | | | L’esprit d’espèce, esprit prosaïque, scrute l’Être philosophique, l’âme de genre, âme poétique, cerne le Devenir poétique. « Né de l’appel du devenir, le poème s’élève de son puits de boue et d’étoiles »** - R.Char. | | | | |
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| art | | | Le poète s’impose des contraintes, portant sur le choix de rythmes, de verbes, d’images essentiels, et de choses et d’événements inessentiels. La beauté naît de beaucoup d’exclusions. « Le poète se reconnaît à la quantité de pages insignifiantes qu'il n'écrit pas »* - R.Char. | | | | |
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| art | | | Un fort écho, nous entraînant vers la hauteur, c'est une définition de la poésie qui froisserait un alpiniste, mais enchanterait un ironiste. « Ô mon avalanche à rebours ! » - R.Char. | | | | |
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| art | | | C’est la crédibilité égale de leurs contraires qui prouve la médiocrité des poses ou des pensées. La médiocrité des négations, en revanche, est souvent signe d’intelligence, d’élégance et de noblesse. La beauté poétique ou intellectuelle se repose sur un flagrant déséquilibre - qui est en même temps une fermeté - entre ce qui s’affirme et son opposé. « Le poète est l’homme de la stabilité unilatérale »** - R.Char. | | | | |
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| art | | | La création est un contraire du rêve : celle-là vaut, surtout, par la qualité de ses nets commencements, et celui-ci – par l’inaccessibilité de ses buts vagues. Mais aussi bien les commencements que les buts y servent de lumière, pour projeter nos ombres intellectuelles ou sentimentales. « L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne »** - R.Char – tu y parles du rêve immobile, tandis que la création est l’art du possible animé. | | | | |
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| art | | | Je ne pus jamais être éponge ou fontaine. « Le poète est la genèse d’un être qui projette et d’un être qui retient »** - R.Char. Ce que j’absorbe descend dans une sèche profondeur, et ce que j’émets est une haute source, ignorant ses destinées en aval. | | | | |
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| char r. | | | La souveraineté de l'art est une valeur, qui ne s'évalue pas. | | | | |
| | art | | | La souveraineté sans royaume comme le sacré sans temple ou l'amour sans possession. Toute évaluation résulte en substitutions, mais dans l'art, c'est la formule même qui porte la valeur. | | | | |
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| char r. | | | Le poème est un amour réalisé d'un désir demeuré désir. | | | | |
| | art | | | La poésie est donc un désir réussi de figer l'émotion première. La poésie est l'art de faire durer une intensité première et initiatique. | | | | |
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| bien | | | La vie, c’est ce qu’il y a de plus proche ; et le rêve – ce qu’il y a de plus lointain. Le Mal est toujours sous tes pieds, dans tes muscles, en ton cerveau ; et le Bien n’est qu’une cible inaccessible, au-delà des rêves. Et la langue de R.Char a fourchu : « Le mal vient toujours de plus loin qu’on ne croit » - c’est, évidemment, le Bien qui s’y réfugie, intraduisible, immatériel et immatérialisable. | | | | |
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| bien | | | Les sacrifices (comme les fidélités) ne sont que des actes, ils ne peuvent pas servir de support à la consolation, qui ne devient crédible qu’en nous renvoyant au rêve. « Dans la fidélité, nous apprenons à n’être jamais consolés » - R.Char – dans l’intemporel, demeure de la consolation, il n’y a ni jamais ni toujours. | | | | |
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| cité | | | Si tu veux te battre pour une forme collective, que sont la liberté et l’égalité, trouve-lui un fond personnel ; mais la fraternité, elle, n’est qu’un fond personnel, auquel tu dois trouver une forme collective, si tu veux échapper à la solitude. « On ne se bat bien que pour les causes qu’on modèle soi-même » - R.Char. | | | | |
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| cité | | | L’arbre communiste, avant d’être planté, mise, enthousiaste, sur sa future cime lumineuse ; mais ses racines se plongent déjà dans la boue du dogmatisme, ses ramages témoignent de l’absence de sève, ses ombres deviennent vite des ténèbres. R.Char y mêle la justice et la vérité : « L’arbre communiste, s’il est juste à sa racine, est faux à son sommet », qui n’ont pas cours dans la forêt communiste. | | | | |
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| char r. | | | Tout en nous appelle, hélas, la tyrannie. Question de masse et de volume, plus que de surface. | | | | |
| | cité | | | La surface s'accommode de la hauteur des gestes, le volume en ambitionne la profondeur et s'y embourbe. | | | | |
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| doute | | | L'un des invariants sublimes est le sens et l'intensité du rêve humain. D'Héraclite à R.Char – la même ivresse des visions poétiques. La connaissance balaye les démocraties d'ignorances et d'erreurs, elle ne pénètre jamais dans l'aristocratie des rêves. | | | | |
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| doute | | | Jadis, la médiocrité se réfugiait dans le vague, aujourd'hui elle se sent plus à l'aise dans la clarté. Être « l'ombre : ou trace des ténèbres dans la lumière ou trace de la lumière dans les ténèbres » - G.Bruno - « l'ombra : o traccia di tenebra nella luce, o traccia di luce nella tenebra ». Maîtriser la répartition des ténèbres et des lumières est le signe d'un artiste. Par exemple, la clarté de ce qui s'éteint, l'obscurité de ce qui éblouit. « Il faut souffler sur quelques lueurs, pour faire de la bonne lumière »** - R.Char. | | | | |
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| doute | | | Dans ma Caverne du nécessaire, la lumière du possible me fait admirer les ombres de l'impossible. À R.Char, l’impossible sert de lanterne ; à Derrida - de matériau : « La seule invention possible, l'invention impossible ». | | | | |
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| doute | | | Même la lumière n'est recherchée aujourd'hui que pour une navigation en toute sécurité : « L'ombre d'un arbre exprime aussi l'azimut et la hauteur du soleil » - Alain - n'importe quelle poubelle aurait rendu le même service ! Mais l'arbre représente le mieux le zénith incertain et la hauteur angoissée de mes ombres. « J'aime l'homme incertain de ses fins, comme l'est l'arbre » - R.Char. | | | | |
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| doute | | | La Caresse fut le commencement de l’homme angélique ; l’Angoisse – celui de l’homme bestial ; nous sommes condamnés à les assumer toutes les deux. « Au Commencement était la peur, puis la résistance, ensuite le Verbe, le secret » - R.Char – l’Étrange, le mystère ou le secret, n’apparurent qu’avec le poète, c’est-à-dire avec l’homme de culture. | | | | |
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| doute | | | Là où mon regard est absent, toutes mes négations sont fades ; et c’est la première de mes contraintes – ne m’impliquer que dans le divin, dans l’intensité de mon acquiescement. « Que ma seule négation soit de regarder ailleurs ! »*** - Nietzsche - « Wegsehen sei meine einzige Verneinung ! ». La négation n'a de sens qu'en tant que position, tandis que la résignation ne vaut qu'en tant que pose. La résignation a donc plus de ressources en expressivité, comme la négation - de sources d'ennui. Mais, en restant dans l'immédiat, « l'acquiescement éclaire le visage, le refus lui donne la beauté » - R.Char. | | | | |
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| doute | | | Mon soi connu agit dans l’horizontalité ; mon soi inconnu rêve dans la verticalité : dans la profondeur se forment ses joies, dans la hauteur tendent ses mélancolies. Et puisque le soi connu donne rendez-vous à l’inconnu en hauteur, il n’en retire que de la souffrance. « Atteindre la jouissance de mon soi profond, l’on touche à la plaie muette » - R.Char. | | | | |
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| char r. | | | Qui croit renouvelable l'énigme, la devient. | | | | |
| | doute | | | Dans le domaine du vrai cela s'appelle énigme, dans celui du beau - mystère. Les chances de renouvellement sont dans le langage ou dans l'inspiration. Renouveler, c'est suivre le cycle : mystère, problème, solution, mystère. | | | | |
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| char r. | | | Le fruit est aveugle. C'est l'arbre qui voit. | | | | |
| | doute | | | Mais celui-ci finit généralement par s'éclipser au profit de la forêt qui le cache. | | | | |
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| char r. | | | On ne bâtit multiformément que sur l'erreur. | | | | |
| | doute | | | Et on y est sûr de bâtir des ruines, où l'armature de la vérité n'est qu'un détail pittoresque. Les vestiges du fond défient l'uniformité de la vérité formelle. | | | | |
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| char r. | | | Signe ce que tu éclaires, non ce que tu assombris. | | | | |
| | doute | | | Pourtant c'est dans l'ombre qu'on est le plus tenté d'être soi-même. Éclairer, c'est rendre petit. | | | | |
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| char r. | | | Le seul maître, qui nous soit propice, c'est l'éclair, qui tantôt nous illumine et tantôt nous pourfend. | | | | |
| | doute | | | Bien que le court-circuit m'attire plus que la course au QI, je préfère la voltige au voltage. | | | | |
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| hommes | | | Le désintérêt pour les commencements, l'incapacité de les réinventer, l'obsession par la routine de l'intermédiaire ou par la prose des finalités calculables. « Il est si difficile de trouver le commencement. Ou mieux : il est difficile de commencer au commencement »** - Wittgenstein - « It is so difficult to find the beginning. Or better : it is difficult to begin at the beginning » - ce n'est pas une question d'effort mais de goût, de talent et d'intelligence : « Fais cortège à tes sources » - R.Char. | | | | |
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| hommes | | | L'humanisme : trouver tout homme - irremplaçable ; heureusement pour le rêveur et le créateur « il n'y a pas d'absences irremplaçables »** - R.Char. | | | | |
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| hommes | | | En politique, en économie, en art – il n’y a plus de commencements, puisqu’il n’y a plus de bonnes contraintes, qui voueraient nos yeux calculateurs au présent et notre regard rêveur – à l’éternité. L’enchaînement de pas mécaniques, au lieu de l’élan initiatique. Ni valeurs ni ardeurs ni grandeurs – que la pesanteur, que notre époque préféra à ces grâces. « La grandeur réside dans le départ qui oblige »** - R.Char – le valoir dictant le devoir. | | | | |
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| hommes | | | J’ai traversé toutes mes rencontres avec les hommes – l’azur à l’âme ou le rouge au front. « Je n’ai jamais marché, mais nagé, mais volé parmi vous »*** - R.Char. | | | | |
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| hommes | | | La modernité : sans nous faire rêver, la philosophie nous endort avec ses litanies sur le savoir et la vérité ; la science ne nous rappelle plus que la beauté et la vie finissent par s’éteindre. « Échec de la philosophie et de l’art tragique, échec au seul profit de la science-action » - R.Char. | | | | |
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| hommes | | | Les choses les plus fascinantes - l’univers, la vie, l’esprit - furent créées ex nihilo. Certains tentèrent d’imiter ce prodige : « Tu feras de l’âme, qui n’existe pas, un homme meilleur qu’elle » - R.Char – le créateur, rejoignant le penseur et l’amoureux, pour former une triade de rêve. | | | | |
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| hommes | | | Dans ce monde, il y a de pus en plus de justice et de vérité ; c’est la poésie qui s’en va. « Hors de la poésie, entre notre regard et le champ parcouru, le monde est nul » - R.Char. Le regard, toujours recommencé, est tout, et tout parcours est nul ! | | | | |
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| char r. | | | L'essaim, l'éclair et l'anathème, trois obliques d'un même sommet. | | | | |
| | hommes | | | Il n'y a plus de soucis d'éclairage, les anathématisants se cachèrent dans des souterrains et l'essaim prit l'allure de troupeau ou de meute. | | | | |
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| char r. | | | Ce sont les questions des anges qui ont provoqué l'irruption des démons. | | | | |
| | hommes | | | Quelle chance ont les contrées, où ne retentissent que les questions des bêtes, qui ne provoquent que la multiplication des moutons ! | | | | |
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| intelligence | | | « Les philosophes et les poètes d'origine possèdent la Maison, mais restent des errants sans atelier ni maison »** - R.Char - ruines, le nom que prend la Maison ainsi possédée et qui cesse d'être habitable. Ce qui réside légalement dans le langage porte un nom beaucoup moins ectoplasmique - la vérité cadavérique, réceptacle du désoubli de l'Être. Les ruines, cette vénérable demeure, hantée par le rêve et la caresse, où l'on héberge les invariants de tout mouvement (Goethe, n'y voyant aucune tour debout, ne reconnut pas les ruines discrètes). L'être n'habite que la réalité, il est la chose, qui est source des objets de la représentation et cible des mots du langage. | | | | |
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| intelligence | | | Dès qu'on prend pour pensées l'idée platonicienne, le cogito cartésien, le conatus spinoziste, l'éternel retour nietzschéen, on est charlatan. En reconnaissant leur vrai statut, celui des métaphores, nous devenons libres à les interpréter comme bon nous semble. Les pensées, c'est chez les poètes qu'il faut les chercher – Rilke, Valéry, Pasternak, R.Char. | | | | |
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| intelligence | | | L'invention face à la reproduction, le sacrifice d'un soi si insaisissable face à la fidélité à un soi bien déterminé, - dans cette opposition des poses philosophiques, la première l'emporte largement sur la seconde, en qualité et même en cohérence : il suffit d'imaginer Marc-Aurèle vanter les vertus de la force, ou Montaigne se lamenter sur la souffrance, ou Nietzsche faire l'apologie de la faiblesse, ou Tolstoï se vautrer dans l'érotisme, ou Cioran en appeler au rire ; en revanche, Spinoza, Schopenhauer ou Sartre sont dans leurs soi respectifs, ce qui les rend plus ternes. Je ne connus que deux cas, où l'écrivain et l'homme, tous les deux pleins de noblesse, vécussent main dans la main, regard sur le regard, talent du talent - R.Char et R.Debray. | | | | |
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| intelligence | | | Tant de transitions bourratives, dans des enchaînements narratifs, qui finissent par en oublier les sources et les finalités. Tout le contraire de la poésie : « Le poète, grand Commenceur, le poète intransitif »*** - R.Char. | | | | |
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| wittgenstein l. | | | Der Philosoph behandelt eine Frage wie eine Krankheit.
En philosophie une question se traite comme une maladie. | | | | |
| | intelligence | | | Et il y a, en philosophie, des experts en diagnostic - sociologues de tempérament, des spécialistes en pharmacopées - politiciens du geste, des gribouilleurs des histoires de maladies - chroniqueurs d'esprit. Quand on comprend, que le mal axial est incurable, on se détourne de la posologie désespérée et se voue à la nosologie pleine d'espérances. « Il en est qui laissent des poisons, d'autres - des remèdes. Difficiles à déchiffrer. Il faut goûter » - R.Char - chez les deux on subodore la fleur originelle, chez les autres - la grisaille des ordonnances ou des testaments. | | | | |
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| char r. | | | Où l'esprit ne déracine plus, mais replante et soigne, je nais. | | | | |
| | intelligence | | | L'esprit devrait savoir justifier toutes les saisons de l'arbre, de la graine au déracinement. « Le dégustateur pense que l'arbre se dévoue aux fruits, tandis que celui-ci se voit en graine »*** - Nietzsche - « Jeder Geniessende meint, dem Baume habe es an der Frucht gelegen ; aber ihm lag am Samen ». Et même en saison morte les emplois de l'arbre sont respectables : ne plus être du feu, mais du bois. | | | | |
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| ironie | | | Mon allergie à toute culture de l'avenir : je sens bien l'arôme des fleurs telles que « L'aigle est au futur » (R.Char) ou le langage « au nord du futur » - « nördlich der Zukunft » (Celan), mais c'est le cerveau, toujours « à l'est de l'oubli » (Semprún), qui en attrape le rhume. | | | | |
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| ironie | | | Chez les poètes modernes, les appels à l'éternité devinrent si soporifiques et pitoyables, que je me demande si l'on n'y tient pas là un sérieux concurrent à : « L'actualité est le pire ennemi de la poésie » - R.Char. | | | | |
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| ironie | | | En littérature, on reconnaît les lourdauds académiques par la gravité banale des questions, qu’ils se posent explicitement. On reconnaît le poète par la légèreté des réponses, qu’il peint sous forme d’obscures métaphores, que le lecteur illumine par la recherche de ses propres questions – Héraclite, Nietzsche, R.Char. | | | | |
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| ironie | | | Écrire, en se vouant à l’imaginaire plus qu’au réel, est comme ironiser, et donc ce genre d’écrivain devra s’absenter, c’est-à-dire la lumière de son soi connu devra se soumettre aux jeux d’ombres de son soi inconnu. « J’écris brièvement ; je ne puis guère m’absenter longtemps » - R.Char – car le soi inconnu ne se manifeste que dans des étincelles et s’éclipse dans une lumière continue. | | | | |
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| char r. | | | Il semble, que ce soit le ciel, qui ait le dernier mot. Mais il le prononce à voix si basse, que nul ne l'entend jamais. | | | | |
| | ironie | | | Mais c'est cela, l'art : se taire à l'avant-dernier mot et nous laisser fantasmer sur le dernier ! L'encryptage du dernier mot et de sa hauteur, telle pourrait être la définition même de l'art. La franchise littérale est l'attitude la moins artistique. | | | | |
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| mot | | | La plus forte joie de vivre m'est communiquée par ces faux sceptiques, chez lesquels le naïf lit une démolition de tout élan, tandis qu'ils ne font que reconnaître, humblement, l'impossibilité de trouver un mot aussi prodigieux que l'enthousiasme. La reddition du mot sonne souvent le triomphe de l'émotion. « Ne te courbe que pour aimer » - R.Char. | | | | |
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| mot | | | La musique apporte à tes mots – de la hauteur, et le sens – de l’ampleur ; mais tu ne le réussis que par un laconisme verbal. « Le resserrement de la parole provoque l’élargissement du sens » - R.Char. | | | | |
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| char r. | | | C'est bien l'arbre qui me parle. Mais il fallait qu'il trouve les mots de mon pauvre langage. | | | | |
| | mot | | | Quand le flux devient un arbre, il est vidé de ses mots d'origine ; je l'unifierai avec mon arbre et essayerai de comprendre l'union née avec mes mots à moi. | | | | |
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| noblesse | | | Choisir soi-même ses pierres d'achoppement, c'est l'art de ne pas faire un dernier pas, l'art de s'arrêter sur le plus beau des avant-derniers et laisser le point d'orgue à l'interprète divin. On ne finit pas ce qui est beau, on l'abandonne. Tout devenir réussi rejoindra immanquablement l'être, mais le poète ne s'y attardera pas. « En poésie on n'habite que le lieu qu'on quitte »* - R.Char. Le poète vibre du chercher, mais l'exhibe par le trouver : « La poésie est la trouvaille verbale de l'être » - Heidegger - « Das Dichten ist ein sagendes Finden des Seins ». | | | | |
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| noblesse | | | La hauteur : ne pas m'occuper des choses, mais des places qu'elles occupent, des topoi. Si bien que, pour chasser des idoles, je n'aurais plus besoin de marteau, qui de toute façon tourna déjà en encensoir (grâce à M.Luther, Nietzsche ou R.Char), mes ruines virtuelles suffiraient pour les faire fuir vers des murailles sans hauteur. | | | | |
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| noblesse | | | Une froide solitude d’âme t’accompagnera dans la hauteur ; avant de t’y installer, imbibe-toi de la chaleur des rencontres fraternelles d’esprit dans la profondeur. « Hauteur et profondeur – le froid croise l’ardeur »** - R.Char. | | | | |
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| noblesse | | | Espérer : ressentir un bénéfique élan vers la hauteur, élan dont on est incapable de désigner la source, la direction, la destination ou la matérialisation. L'espérance n'est qu'une noble contrainte. « Être du bond. Ne pas être du festin, son épilogue »** - R.Char. | | | | |
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| noblesse | | | Qu'est-ce que l'intensité ? - serait-ce l'aboutissement d'une flamme, transmise à la musique pour finir imprimée dans l'âme, sans traces d'objets, d'instruments et de finales ? L'énigme de l'esprit, qui se charge de cette trajectoire, - l'impulsion toujours tragique du commencement : « Le tragique commence avec la ruine de l'imitable » - Lacoue-Labarthe. Le commencement est découverte de tours d'ivoire ; à la fin, une démolition est inévitable ; deux issues possibles : servir de matériaux de construction ou devenir une ruine intouchable, un rêve naissant : « Si tu détruis, que ce soit avec des outils nuptiaux »** - R.Char. | | | | |
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| noblesse | | | La musique de ta vie ou de ta création naît du frisson, de celui de ton regard sur ton étoile ou de celui de tes métaphores, les deux – indispensables, pour faire vibrer tes cordes poétiques ou pour faire taire tout bruit prosaïque. « Il faut trembler pour grandir »** - R.Char. | | | | |
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| noblesse | | | Je devins vieux à l'âge de quinze ans ; je ne crus plus en la noblesse capable de triompher de la vulgarité. Toute la suite me donna raison ; je porte, intacte, ma démobilisation au fond de mes rides intempestives. Les aurores du soir me parurent plus nobles que les crépuscules du matin (Baudelaire). Je tenterai de mourir jeune à quatre-vingts ans (R.Char). | | | | |
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| noblesse | | | Le temps, c'est l'horizontalité même ; mais dans mes ruines, des colonnes abattues arrêtèrent le temps ; je peux m'élancer dans la verticalité de mon étoile. « Les ruines, douées d’avenir, les ruines incohérentes, avant que tu n’arrives, homme comblé » - R.Char – je ne quittais jamais mes ruines, qui, nuitamment, retrouvent la cohérence de son origine, de sa tour d’ivoire, jamais dans l’avenir, toujours près de l’éternité. | | | | |
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| noblesse | | | Des avantages de la hauteur : non seulement le Oui à la merveille du monde y résonne plus majestueusement, mais les Non mesquins n’y ont pas de place. Dans la hauteur il n’y a pas d’adversaires proches – que des frères lointains. « Il faut affronter l’ennemi - horizontalement »** - R.Char. | | | | |
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| noblesse | | | Derrière les horizons visibles se tapissent les buts, gris ou noirs ; vis plutôt du bleu des commencements, préoccupe-toi du recueil de l’azur (R.Char). | | | | |
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| char r. | | | Les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri. | | | | |
| | noblesse | | | Mais ce n'est pas le silence qui envahit nos rues, mais le bruit des cadences mécaniques. Le cri, comme le sanglot, est de la musique organique. Il ne reste plus d'objet, qui n'ait pas été exploité, et rendu muet, par nos yeux, nos mains ou nos cerveaux. On ne peut plus élever sa voix qu'à coups de regards musicaux. | | | | |
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| char r. | | | Si l'homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut à être regardé. | | | | |
| | noblesse | | | Un beau frisson a plus de chances de naître, quand je choisis de garder mes yeux - fermés. D'autres suivent les sots et infaillibles conseils soit du Bouddha : « ouvre les yeux, et toute agitation cessera », soit de Kipling : « si tu veux que ton rêve devienne réalité - réveille-toi » - « if you want to make your dreams come true, wake up ». Les paupières et les œillères, aussi bénies que les bouchons dans les oreilles et les filtres dans la cervelle. Plus haut le tribut que je paye à mon âme, plus souverain le regard de mes yeux inféodés. | | | | |
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| proximité | | | Le ciel ne doit pas entendre mes pas, si je veux continuer à l'avoir pour compagnon ; si je ne cherche pas à l'illuminer, il m'offrira peut-être mon étoile. Mais si j'en fais le séjour de mon âme, je ne dois pas oublier qu'il est aussi la demeure des dieux morts ; qu'il soit ma haute ruine : « Demeure le céleste, le tué » - R.Char. | | | | |
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| proximité | | | Les ailes sont sur notre surface ; le plomb, l'acier et surtout l'or se déposent aux fonds. Les surfaces se tournent vers l'infini, tandis que tout fond finit dans la platitude. Nous sommes des Ouverts sur l'infini, mais qui n'est pas à nous. C'est du côté du ciel que « nous sommes pigmentés d'infini » - R.Char. | | | | |
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| proximité | | | La philosophie n'aurait aucun sens, si l'on déniait à la vie le sacré (toujours inexistant dans le réel) et le terrible (bien existant partout, même dans le réel) ; prière et testament sont donc les contenus les plus naturels d'un discours philosophique et dont poésie serait la forme. Mais les philosophes cathédralesques d'aujourd'hui commencent leurs litanies par une désacralisation quolibetale. Je préfère un testament non suivi d'un héritage à « l'héritage, qui n'est précédé d'aucun testament » - R.Char. | | | | |
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| proximité | | | Ne profane pas ton esprit avec ce qui existe - « Comment vivre sans inconnu devant soi ? » - R.Char. On pense, que même l'action devrait se vouer aux fantômes : « La justice n'existe pas, c'est pourquoi il faut la faire » - Alain. Seuls ceux qui acceptent le pari risqué socratique ou pascalien, ont le droit d'aimer Dieu, qui, probablement, n'existe pas. | | | | |
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| proximité | | | Celui qui ne croit pas en l’inexistant ne sera jamais consolé. « On naît avec les hommes, on meurt, inconsolés, parmi les dieux » - R.Char. | | | | |
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| char r. | | | Les dieux ne meurent que d'être parmi nous. | | | | |
| | proximité | | | Quand on connaît ses saints, ce n'est plus ses saints qu'on honorera. Dieu est mort, car nous l'avons vu. « En disant 'Dieu existe', on le perd » - Chestov - « Сказавший : 'Бог существует' - теряет Бога ». Dans les nues ou sous les toits, notre pensée l'atteint et par-là, le piétine. Il faut confier Dieu aux mots, le reléguer dans les formules. La vitalité de Dieu se mesure en nombre de mystères vénérés : les Anciens admettaient tout mystère, pour s'adresser à Dieu ; les Chrétiens n'en gardèrent qu'un seul ; les modernes les exclurent, tous, pour conclure, que Dieu est mort. | | | | |
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| char r. | | | La perte du croyant, c'est de rencontrer son Église. | | | | |
| | proximité | | | Sa superstition perdra une plate attache, mais sa foi pourrait gagner en hauts détachements. Je ne gâche pas le régal du foie gras, en rencontrant une oie entière. Il ne faut pas confondre l'Être (le soi inconnu) avec sa maison, qui est le Langage (le soi connu). Tout chemin est un sentier battu, s'il mène à l'étable ; laisse à tes impasses le soin de ton credo nocturne (« troupeau d'étoiles vagabondes » - Du Bellay). | | | | |
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| char r. | | | Obéissez à vos porcs qui existent. Je me soumets à mes dieux qui n'existent pas. | | | | |
| | proximité | | | Quand on s'attache à quelque chose qui existe, on finit par se plaire dans le fumier, que tout existant déjette. | | | | |
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| russie | | | Combattre l’ange, avec la férocité de la bête, ne peut laisser saintement boiteux que l’ange. En Russie, des anges annoncent de glorieux combats contre le diable ; à cet appel seules sortent des bêtes qui s’entre-déchirent entre elles. Des observateurs n’arrivent qu’au dernier moment, pour se chagriner : « Au combat des aigles succède le combat des pieuvres » - R.Char. La verticalité angélique, invisible dans l’horizontalité bestiale, n’est visible que du lointain. | | | | |
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| solitude | | | Ce n'est pas au ciel que je trouve spontanément la hauteur la plus proche ; elle se présente dans mon souterrain, troué par des soupiraux des profondeurs, et me propose de déménager nuitamment dans ses ruines. « L'homme du souterrain, qui creuse dans les profondeurs, veut garder sa propre obscurité, car il sait, qu'il aura son propre salut, sa propre aube » - Nietzsche - « Der Unterirdische, der in der Tiefe Grabende, will seine eigne Finsternis haben, weil er weiß, daß er seine eigne Erlösung, seine eigne Morgenröte haben wird ». Souterrain, l'âme du château en Espagne ; « l'esprit du château fort, c'est le pont-levis »* - R.Char. | | | | |
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| solitude | | | Ma prétendue parenté avec des volatiles ne vise ni aigles ni rossignols ni chouettes. Je me sentirais sien en compagnie de la chauve-souris, à la généalogie douteuse, tenant la tête plus bas que le cœur, surtout dans une bonne Caverne. Sa solitude m'est plus chère que la hauteur de l'Albatros ou même l'ampleur du Martinet aux trop longues ailes (R.Char). Zarathoustra, survolé soi-disant par un aigle portant au cou un serpent, fut myope : vu d'une bonne hauteur, ce serait un corbeau dégustant un ver de terre. | | | | |
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| solitude | | | Plus on est conscient de l'Éden solitaire de notre âme, plus impénétrable et captivante devient la jungle tribale de notre esprit. « Dans nos jardins, se préparent des forêts » - R.Char. L'âme contemple et engendre l'arbre, l'esprit l'unifie, propage et relie. | | | | |
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| solitude | | | J'ai beau chercher des complices en écriture – je n'en trouve que deux – Héraclite et R.Char. Mais seraient-ils bons éditeurs de mes maximes ? « Ces notes n’empruntent rien à la maxime ; un feu d’herbes sèches eut tout aussi été leur éditeur » - R.Char. | | | | |
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| char r. | | | La faveur des étoiles est de nous inviter à parler, de nous montrer, que nous ne sommes pas seuls, que l'aurore a un toit, et mon feu - tes deux mains. | | | | |
| | solitude | | | Ce qui fait aboutir la vie à un beau livre, écrit sous un toit étoilé et caressé par la main, qui bénît ta plume. Où trouver ce feu et ce toit ? Si c'est mon étoile qui les guide, ils ne peuvent se trouver qu'au fond de mes ruines vespérales. | | | | |
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| souffrance | | | On élève le niveau du débat en s'adressant au public de plus en plus abstrait. Et l'on s'aperçoit, que tout bon discours débouche sur un soliloque, où une larme prend des contours d'une aporie. « La sagesse aux yeux pleins de larmes » - R.Char. | | | | |
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| souffrance | | | Pourquoi du changement incessant du réel n’émane que la sensation de monotonie ? Et pourquoi le rêve immobile donne la sensation d’élan ? Dans le réel on s’ennuie, dans le rêvé on souffre : « Je souffre de l’irréel intact dans le réel dévasté » - R.Char. | | | | |
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| souffrance | | | Plus je m'approche du Pôle Nord, plus j'y oublie l'absence de longitudes et mieux j'y fête la hauteur du feu boréal, visible même des épaves. « Être soi-même, c'est le pôle, où il n'est plus d'horizon » - A.Suarès. Ce n'est pas un brise-glaces que j'appellerais, mais un sous-marin, car, sous ces latitudes, même si le naufrage est profond, le bonheur est vaste et le regard est haut : « Je vis au fond de lui comme une épave heureuse » - R.Char - le poète laisse voguer ses poèmes ; la forme leur donna la voile, mais c'est du fond qu'on contemple mieux leur étoile. | | | | |
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| souffrance | | | La vraie consolation n’élimine pas la souffrance, fatale, incurable ; elle rend tenable sa cohabitation avec un élan, même vers des étoiles éteintes. « Juxtapose à la fatalité la résistance à la fatalité ; tu connaîtras d’étranges hauteurs »** - R.Char – résistance, réconciliée avec résignation, s’appellera consolation. | | | | |
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| souffrance | | | L’ignorance étoilée se maintient, tant que notre regard ne quitte pas notre étoile, comme notre savoir s’étend, tant que nos yeux ne se referment pas définitivement. Avec le savoir grandit non seulement le doute paisible sur la profondeur, mais aussi la tragique certitude, celle de la chute de ce qui fut grand et haut. « Nous sommes écartelés entre l’avidité de connaître et le désespoir d’avoir connu »** - R.Char. | | | | |
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| souffrance | | | La consolation ne peut être que tragique : par la beauté d’un rêve faire triompher l’âme noble sur l’impitoyable esprit, la vérité métaphorique l’emportant sur la vérité mécanique. « La vérité est noble, et l’image qui la révèle, c’est la tragédie » - R.Char. | | | | |
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| souffrance | | | Avoir sous les yeux l’horrible et chercher à le neutraliser par le beau est l’une des tâches de la consolation philosophique. En sens inverse, la poésie s’enivre du beau, sans se dégriser par l’horrible qui en surgit. « Le beau n'est qu'un seuil du terrible » - Rilke - « Das Schöne ist nichts als des Schrecklichen Anfang ». Ou R.Char : « La beauté traverse notre champ radieux et l’allume de notre gerbe de ténèbres ». | | | | |
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| souffrance | | | Le rêve, en entretenant tes meilleures soifs, fait entrevoir l’espérance ; la réalité, en prétendant assouvir tes désirs, ne fait qu’intensifier ton désespoir. R.Char est trop optimiste : « Le réel quelquefois désaltère l’espérance ; c’est pourquoi l’espérance survit ». | | | | |
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| souffrance | | | La consolation est la réanimation ou la résurrection d’un rêve sur le déclin, c’est-à-dire réduit à une mémoire. Consoler est donc presque le contraire de vivre : « Vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir »** - R.Char. | | | | |
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| vérité | | | Ne peut être vrai que ce qui se prouve (que Gödel me pardonne cette identité approximative entre le vrai et le démontrable), mais les moyens de démonstration sont toujours personnels ; donc, il n’existe pas de vérités valables pour tous ; toute vérité est personnelle. La vérité est un enfant légitime, fruit du calcul et non pas de l’amour. « Ô vérité, infante mécanique reste terre au milieu des astres » - R.Char - qui sont des rêves, enfants illégitimes d’un amour astral. | | | | |
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