Feuerbach L.
 
 
 

amour
Tout amoureux devient poète et en adopte la langue, incompatible avec les vérités du langage commun. Là où chante l’amour, ces vérités se taisent ; son arbitraire exclut la logique, et L.Feuerbach : « Pas de vérité où il n’y a pas d’amour » - « Wo keine Liebe ist, ist auch keine Wahrheit » - confond l’amour avec la raison, la représentation idolâtre avec l’interprétation, seulement iconoclaste. Ce qui surgit de l’amour est non seulement au-delà du Bien, mais aussi au-delà du vrai.
bien,interprétation,langue,poésie,raison,représentation,vérité,voix

bien
La paix d'âme devint une épidémie, tempérée par l'indignation réglementaire. La résignation et la honte quittèrent les hommes d'aplomb et sans péché. Tous les écrivains prient sur la science, aucun n'interpelle les consciences. « Les bons écrivains sont les remords de l'humanité » - Feuerbach - « Die echten Schriftsteller sind Gewissensbisse der Menschheit ». La bonne écriture part de l'aveu honteux, que nos rêves ne se laissent reproduire ni en un geste ni en un acte ni même en un mot, qui est cependant leur ultime chance. La mauvaise littérature se dévoue à l'enterrement du rêve et à la proclamation des droits de l'acte.
action,angoisse,art,conscience,hommes,honte,mot,rêve

bien
Tous nos organes ont leur fonction et leur objet ; il est facile de juger de leur état de marche. Sauf le cÅ“ur, cette source de doute sur tout : le bonheur, la douleur, l'honneur. « Là où il n'y a pas de différence entre bonheur et malheur, souffrance ou volupté, là il n'y a pas non plus de différence entre le Bien et le mal » - Feuerbach - « Wo kein Unterschied zwischen Glück und Unglück, zwischen Wohl und Wehe, da ist auch kein Unterschied zwischen Gut und Böse » - au contraire, cette perplexité est un symptôme de présence du Bien dans le cÅ“ur. Le mal vient si souvent de la netteté de ces frontières.
action,bonheur,cœur,doute,frontière,honte,mal,souffrance

thomas d'aquin
Nihilominus tamen compositionem et divisionem enuntiationum intelligit, sicut et ratiocinationem syllogismorum, intelligit enim composita simpliciter.

Le besoin de la composition logique, de la division ou de détour inférentiel tient à la faiblesse de l'esprit humain.
intelligence
C'est pourtant sur cette faiblesse que l'homme se pencha si fort qu'il s'éloigna dangereusement de l'ange et se rapprocha outrageusement du robot. Être robot, c'est, en toute occasion, suivre la métronomie de la vérité, ne pas entendre la musique alogique du rêve et proclamer, docte et bête : « Je préfère être un diable en pacte avec la vérité qu'un ange en pacte avec le mensonge » - Feuerbach - « Ich bin lieber ein Teufel im Bunde mit der Wahrheit, als ein Engel im Bunde mit der Lüge ».
ange,force,musique,proximité,raison,robot,vérité

mot
Surprenante – et juste ! - opposition, que Kant crée entre la raison pure et la raison pratique. Et Feuerbach, en l’appliquant au regard, la rend encore plus propre : « Le regard pratique est un sale regard » - « Die praktische Anschauung ist eine schmutzige Anschauung ».
ange,négation,raison,regard

noblesse
Constat désabusé : toute tentative de réduire la source d'enthousiasme au feu (le geste), à la terre (la mémoire), à l'eau (la vie) - échoue. Il ne reste, pour tout ce qui se veut ailé, que son élément naturel - l'air (le rêve), pour être porté non pas comme la lumière, mais comme le son. « L'élément de la parole est l'air, le médium vital le plus spirituel et le plus universel » - Feuerbach - « Das Element des Wortes ist die Luft, das spirituellste und allgemeinste Lebensmedium ». L'air, symbole de la verticalité, représenté, dans l'Antiquité, par une ligne verticale, les autres éléments étant réduits à la plate géométrie de carré, de zigzag et de spirale ; l'air de la hauteur, l'air tonique (eine Luft der Höhe, eine starke Luft - Nietzsche).
bonheur,commencement,éléments,enthousiasme,intensité,mémoire,musique,nature,ombre,universel

proximité
La vérité sacrée ou le sacré véridique n'émeuvent ni convainquent que l'idiot du village. La religion ne crée que dans le rite, et la philosophie - que dans le sophisme. « Pour la religion n'est vrai que le sacré ; pour la philosophie n'est sacré que le vrai » - Feuerbach - « Der Religion ist nur das Heilige wahr, der Philosophie nur das Wahre heilig ». Le sacré et le vrai réunis ne s'entendent que chez le poète.
art,fanatisme,philosophie,poésie,religion,sacré,simplicité,vérité

proximité
La nature est divine, mais Dieu n'est certainement pas naturel - telle peut être la réplique à nos contemporains, pour qui le monde n'est ni divin ni naturel, mais exclusivement - mécanique ; ce qui, à son tour, est à l'opposé de deus sive natura (Spinoza – l'Horloger confondu avec Son horloge) et de aut deus aut natura (Feuerbach – aime l'horloge ou l'Horloger). Jadis, le poète discourait sur les merveilles de la nature, et l'on aboutissait tout naturellement à Dieu ; aujourd'hui, le robot discourt de Dieu comme s'il s'agissait des faits de la nature.
dieu,hommes,nature,poésie,robot
Feuerbach L.