Gide A.
 
 
 

gide a.
Le chemin droit ne mène jamais qu'au but.
action
Le but delphique serait-il également coranique : « Qui suit le chemin droit se dirige vers soi-même » ? Les méandres, au moins, permettent d'éprouver les moyens, mais seule l'immobilité nous apprend les délices des contraintes, coercitions et compulsions.
chemin,contrainte,immobilité,soi

amour
De tous les désirs, le moins bien articulé quoique le plus vital, est le désir d'être aimé. Et le seul échec irréconciliable est de définitivement ne pas l'être. Le meilleur en nous ne s'articule guère ; on ne peut être aimé que pour la face cachée de notre être. Je suis mon épiderme et ma cervelle ; je NE suis ni mon invention ni mes pulsions. C'est pourquoi il est inepte de dire : « J'aime mieux être haï pour ce que je suis que d'être aimé pour ce que je ne suis pas » - Gide.
auteur,caresse,création,défaite,doute,élan,être,haine,raison,sentiment,…

art
Type de livre, qui me plaît : débouchant sur déshérence plutôt que source à résonances et encore moins à conséquences. Je veux sentir davantage ce qu'on exclut, que ce qu'on enferme. « Je trouvai chez Nietzsche, non point une incitation, mais bien un empêchement » - Gide.
action,auteur,continuité,contrainte

art
Gide, A.Schlegel et Pasternak traduisent Shakespeare : le premier en retient surtout les images, le deuxième - les pensées, le troisième - le ton. Seul l'original met ces trois facettes à une même hauteur.
création,hauteur,style

art
Tout est cerné, ravagé, occupé par le journalisme. Aucune trace de Gide ni de Valéry dans les lettres françaises. Cioran, dans une ultime convulsion, clôt l'agonie de la lettre, qui n'est plus qu'un cimetière comblé, sans renouvellement de concessions crédible.
défaite,modernité,mort,platitude

art
Une règle infaillible : chaque fois que je m'absente de mon opus, ce ne sera ni le bon Dieu ni l'éternité ni la beauté qui occuperont ma place, mais bien l'ennui, le mouton et l'inertie. Libre aux Flaubert ou Gide de penser le contraire.
auteur,beauté,continuité,ennui,éternité,mouton,soi

art
Tous les sots proclament leur attachement infaillible au fond, tout en faisant preuve de leur impuissance dans la forme. Ils ne comprennent pas, que le fond humain est commun, et mieux on le comprend, plus on cherche à le réduire à la banalité, tout en cultivant son propre style. Et Gide le comprend de travers, confondant le fond et la forme : « Le grand artiste classique travaille à n'avoir pas de manière. Il s'efforce vers la banalité » - puisque la manière commune (introduite par des romantiques) est aussi une manière (que le classique consacre).
platitude,romantisme,style

art
Du soi inconnu émanent des élans fous, que le soi connu métamorphose en musique rationnelle. « Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu’écrit la raison »** - Gide.
beauté,élan,folie,inconnu,musique,raison,soi

gide a.
L'art naît de contrainte, vit de lutte et meurt de liberté.
art
(Volé chez Léonard.) Cet arbre s'unifie avec le mien : l'art naît de liberté, vit de contraintes et meurt de lutte. Dans l'arbre unifié, la mort s'identifie avec contrainte, la naissance - avec lutte, la vie - avec liberté.
arbre,contrainte,liberté,lutte,mort,vie

gide a.
Tout ce que tu ne sais pas donner te possède.
bien
Pire - « Ce que tu possèdes te possède »* - Pétrone. Comment donner ce qu'on ne possède pas ? Le savoir-donner est mieux que donner, comme le savoir-faire est mieux que faire. La fidélité à ce qui possède mon âme est plus haute et noble que le sacrifice de ce que je possède en esprit.
action,âme,esprit,maîtrise,noblesse,sacrifice

cité
Je classe, vaguement, les écrivains en fonction de leur prise de regard face aux châteaux en Espagne. La prise de position, pendant la guerre d'Espagne, fut un critère autrement plus net : Claudel, Brasillach, Drieu La Rochelle, d'un côté, Saint Exupéry, Hemingway, Malraux, de l'autre. Il me manque, aujourd'hui, un cas intéressant et ambigu, celui d'un Gide.
art,château,nature,pose,regard

gide a.
Journalisme - tout ce qui sera moins intéressant demain qu'aujourd'hui.
cité
Rêve - ce qui était plus triste hier qu'aujourd'hui. Les rêveurs sont au moins des esclaves, les journalistes ne sont que des journaliers.
liberté,mélancolie,platitude,rêve

gide a.
On s'occupe tant de paraître, qu'on finit par ne plus savoir qui l'on est.
doute
C'est une ineptie. Paraître, c'est s'inventer ou se créer ; ceux qui en sont incapables pensent savoir ce qu'ils sont, à travers leur sincérité de robot agissant ou leur authenticité de mouton ruminant. Les meilleures inventions (c'est à dire des solutions du soi problématique) naissent de l'ignorance du soi mystérieux.
action,authenticité,création,mensonge,mouton,mystère,robot,soi

gide a.
On ne découvre pas de terres nouvelles sans accepter de perdre de vue la côte pour très longtemps.
doute
Le récit, c'est le long ennui de haute mer, justifié par la prétention, que la terre touchée serait nouvelle. La poésie, c'est de couler à pic ou de décoller en flèche, en vue des côtes trop terre-à-terre. La meilleure façon de perdre de vue la côte est encore de s'y assoupir et d'en rêver.
création,défaite,discursif,ennui,immobilité,platitude,poésie,rêve

hommes
Le culte de l'arbre naît avec cette découverte, qu'aucune racine ne puisse être naturelle. Le déracinement seul permet de n'être abattu ni par la chute de fleurs ni par la brisure des branchages et de continuer à croire en l'appel désespéré des cimes, à partir desquelles on se met à bâtir un arbre artificiel, au cours d'un dialogue : « J'avais besoin d'un poumon, m'a dit l'arbre : alors, ma sève est devenue feuille. Puis, ma feuille est tombée ; et mon fruit contient toute ma pensée sur la vie »** - Gide. Un autre destin de la feuille : devenir inconnue, pour s'unifier avec d'autres arbres : « Comme est la nature des feuilles, telle est celle des hommes » - Homère.
arbre,artificiel,défaite,espérance,étonnement,exil,idée,nature

gide a.
La science ne progresse qu'en remplaçant partout le pourquoi par le comment.
intelligence
Le quoi inépuisable est chasse gardée de la philosophie, les et quand imprévus - de l'art.
art,commencement,philosophie,science,universel

gide a.
Il n'y a pas de problème, il n'y a que des solutions. L'esprit de l'homme invente ensuite le problème.
intelligence
C'est vrai, le meilleur cycle est : mystère, problème, solution, mystère. Une fois la solution sous la main, l'homme aurait dû retourner au mystère au lieu de faire du sur place avec des problèmes. Remarquez qu'on n'est pas invité ici à ne vivre que de solutions… La tête d'homme s'absorbe dans la collection de solutions et de problèmes, et son âme atavique n'exhibe plus le moindre mystère.
âme,création,mystère,raison,retour,vie

noblesse
La profondeur et le fiel, c'est le cloaque, où aboutissent ceux qui perdent la hauteur et le ciel. « La hauteur de l'orgueil se mesure à la profondeur du mépris » - Gide - tu te trompes de règle ! La profondeur est continue et la hauteur est en pointillé.
continuité,erreur,gloire,haine,hauteur

noblesse
Ma préférence va plus souvent aux ruines, au détriment des chemins, puisque j'ai deux locataires à héberger : le sentiment sédentaire et la pensée nomade, un aveugle et un boiteux, le premier accédant tout de même au regard, le second - à l'humilité. Séparés, ils se prennent pour voyant ou métronome. Je les laisse ensemble : le sentiment-maître apportant des images, la pensée-servante - un contact avec la réalité. L'imaginaire d'Homère, le réel de Byron - se fraternisent. « Dans le domaine du sentiment, le réel ne se distingue pas de l'imaginaire » - Gide.
balance,chemin,fraternité,idée,réalité,ruines,sentiment,style

noblesse
La chose vue n'est qu'un prétexte, pour que mes yeux calculent la pesée et que mon regard en soit le peseur. « Que l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée » - Gide.
balance,regard

noblesse
Dans le rêve, il n’y a ni matière ni esprit, ces composants de la réalité ; le rêve est immatériel et ne repose que sur l’âme. Il est absurde de dire : « Je n'aime le rêve que tant que je le crois réalité » - A.Gide.
absurde,âme,esprit,matière,réalité,rêve

gide a.
Je n'aime pas l'homme, j'aime ce qui le dévore.
noblesse
C'est un regard de mécréant. L'homme n'est que ce qui le dévore aux heures astrales, aux heures superflues ; le reste n'est que de la nourriture terrestre à avaler aux heures nécessaires.
étoile,nécessité,sentiment

emerson r.w.
A man is a god in ruins.

L'homme est un Dieu parmi les ruines.
proximité
Non pas qu'il soit mauvais architecte, mais parce qu'il ne bâtirait ses demeures que dans sa vraie patrie, le ciel, où il ne serait jamais menacé de surpopulation : « L'affaire de l'artiste est de construire la demeure : pour ce qui est du locataire, c'est au lecteur de le fournir » - Gide. Les ruines n’attirent que les habitués des châteaux d’ivoire.
art,château,dieu,étoile,ruines,solitude

gide a.
Il me paraît monstrueux, que l'homme ait besoin de l'idée de Dieu, pour se sentir d'aplomb sur terre.
proximité
C'est pour cette excellente raison que les hommes raisonnables préfèrent la reptation. L'idée de Dieu est ce qui nous fait croire, que notre bosse peut cacher de belles ailes. Les meilleurs croyants sont sans Dieu, comme les meilleurs héros (Bakounine : « les anarchistes - héros sans phrases » - « анархисты - герои без фраз »). Tandis que chez les pires « la foi consiste à ne pas croire (aux sens, à la raison) » - Valéry.
dieu,éléments,étoile,gloire,idée,mot,platitude,raison,religion

russie
Savoir ce qu’est la liberté, vouloir se libérer, savoir se libérer, être libre, agir en homme libre – il faut avoir franchi ces étapes, pour pouvoir parler sérieusement de la liberté. Or, le Russe n’a point entamé ce parcours, il est très loin de l’homme évolué, pour lequel : « Savoir se libérer n'est rien ; l'ardu, c'est savoir être libre » - A.Gide.
action,chemin,cité,hommes,liberté,valoir

russie
Jamais le tableau de la Russie du XXI-me siècle ne fut aussi précis que celui qu’en produisit, un siècle plus tôt, A.Gide : « De cet héroïque et admirable peuple, il ne restera plus que des bourreaux, des profiteurs et des victimes ».
cité,histoire,hommes,justice,liberté

gide a.
Nous, Français, nous nous dessinons nous-mêmes selon un idéal balzacien. Les personnages de Dostoïevsky, sans aucun souci de demeurer conséquents avec eux-mêmes, cèdent à toutes les contradictions.
russie
À quoi voulons-nous rester fidèles ? - à la longueur d'onde d'une raison infaillible ou à la hauteur incertaine d'une âme ? Que pouvons-nous sacrifier ? - un chaud chaos ou un ordre froid ?
france,hauteur,idée,négation,ordre,raison,sacrifice

solitude
Pour bien parler, l'illusion d'une oreille d'ami doit être aussi irrésistible qu'un mirage. « Que l'on parle bien, quand on parle dans le désert ! »** - Gide.
désert,mot,ouïe

solitude
L’ange muet fraternise avec mon soi inconnu, cachottier et divin ; la bête bavarde s’insinue dans mon soi connu, ouvert et humain. Pourtant, l’amoureux et l’artiste, dans leurs rêves, écoutent l’ange, et dans leurs réalités, se soumettent à la bête. « Il n'y a pas d’œuvre d'art sans collaboration du démon » - A.Gide.
acquiescement,amour,ange,art,hommes,inconnu,ouvert,réalité,rêve,soi

gide a.
Seule la pensée insuffisamment belle doit craindre la parfaite nudité.
vérité
Les pensées parfaitement nues ne s'exhibent qu'en édifices géométriques, où ni âge ni appâts ne sont de mise. La vérité ne vaut que par l'étincellement, avec lequel les mots joueurs tantôt l'habillent et tantôt la déshabillent.
audace,caresse,beauté,enfance,goût,jeu,mot,style
Gide A.