Rimbaud A.
 
 
 

action
Quand la vie bat son plein, on doit choisir : être recteur de ses départs ou vecteur de son regard, être affairé ou effaré. Mais quand le regard commence à manquer de voix, on doit choisir la voie du départ, comme le firent Rimbaud et Tolstoï.
axe,commencement,regard,vie,voix

action
Le raté, contrairement à un simple incapable, ne saurait pas se servir de la force, qui lui fût donnée, pour rejoindre la meute de ceux qui tirèrent leur épingle du jeu. « Par délicatesse j'ai manqué ma vie »* - Rimbaud.
défaite,force,goût,mouton,vie

rimbaud a.
L'action n'est pas la vie, mais une façon de gâcher quelque force.
action
L'inaction, en réhabilitant la faiblesse, peut t'éloigner encore davantage de l'ironie, c'est-à-dire de l'absence, du courage de se contenter d'être prêt. « Prends-y garde, ô ma vie absente ! ».
audace,force,ironie,maîtrise,vie

rimbaud a.
Ma vie n'est pas assez pesante, elle s'envole et flotte loin au-dessus de l'action, ce cher point du monde.
action
Et l'inaction est son orbite elliptique.
étoile,vie

rimbaud a.
La main à plume vaut la main à charrue. Quel siècle à mains !
action
Au siècle à boutons et à claviers, qui est le nôtre, on peut se contenter de son doigt, à moins qu'on retourne à la vraie baguette magique, le doigt d'une femme en mouvement.
amour,femme,robot

rimbaud a.
En avant, route !
action
« En avant » veut dire « Hors de ma vue ! », car marcher m'est insupportable (aux autres : « être, c'est être en route » - G.Marcel). Devant la majorité des itinéraires, il faut pratiquer la fuite en avant. Laisse-moi, au milieu du désert, danser en compagnie de ma déroute.
chemin,danse,défaite,désert,être

amour
Ce ne sont ni gouffres ni falaises qui brisent l'élan amoureux, mais, le plus souvent, la platitude. « La barque de l'amour se brisa contre la platitude » - Maïakovsky - « Лодка любви разбилась о быт ». Le plus shakespearien poète du siècle dernier savait traiter son époque comme Shakespeare - l'Antiquité. Au siècle suivant on comprendra qu'on puisse voir en Lénine ce que Shakespeare discernait dans Antoine ou Rimbaud dans le roi Ménélik.
antiquité,art,défaite,modernité,platitude,réalité,russie

amour
L'art d'écriture au féminin consiste à mettre derrière les mots un doigt en mouvement. Là où l'homme s'ingénie à mettre une main entière - pour enfermer, serrer, accaparer. « Je n'aurai jamais ma main »* - Rimbaud.
caresse,femme,maîtrise,mot

nietzsche f.
Wen ich liebe, den liebe ich Winters besser als Sommers.

Si je t'aime, que ce soit plutôt en hiver qu'en été.
amour
En été assourdissant, je confondrai souvent ma voix avec celle des autres. Le printemps hymnique et l'élégiaque automne me mettront en mouvement, tandis que je cherche une immobilité. Avec les chutes du mercure, il est plus facile de vivre ma chute dans la funèbre solitude. Mettre les naissances en berne, mettre les morts en transe - tâches d'une sombre ironie. « Loin des gens qui meurent sur les saisons. L'automne » - Rimbaud. Porteur d'un climat ne compte pas, non plus, sur l'éternel printemps, promis par Zarathoustra.
auteur,climat,commencement,enthousiasme,immobilité,ironie,mélancolie,mort,solitude,voix

art
Deux écoles de la littérature française : celle de la liberté ou celle de la contrainte, le XVI-ème licencieux ou le XVII-ème cérémonieux, aboutissant à Rimbaud ou à Valéry. Il faut choisir entre siat et fiat, entre une vie donnée et une vie à donner. L'universalité semblant être dans la liberté, le second courant finira par n'être apprécié que des élites cosmopolites.
contrainte,création,école,élite,hommes,liberté,élite,modernité,représentation,universel

art
Quand on perd pied, dans un livre, on a, au mieux, la panique, pas le vertige. Il faut que le livre, qui emmène dans des éléments nouveaux, donne des moyens d'un nouvel équilibre ou d'une nouvelle respiration (fixer des vertiges - Rimbaud).
commencement,éléments,étonnement,ordre

art
La science définit la nature d'une inconnue, qu'elle finit par affecter d'une valeur connue. Le poète fait l'inverse : « Le Poète devient le suprême Savant, car il arrive à l’inconnu »*** - Rimbaud.
arbre,axe,poésie,savoir,science

art
Les philosophes insensibles à la poésie (les légions de professeurs), ou les poètes impuissants en prose (comme Baudelaire, Rimbaud ou Mallarmé) font douter de l'universalité de leur don. Les poètes complets mettent de la poésie en tout, y compris dans la prose : Shakespeare, Goethe, Pouchkine, Lermontov, Hugo, Rilke, Valéry, Pasternak. La poésie comme genre ayant sombré, la poésie comme tonalité discursive ne peut plus se pratiquer qu'en philosophie.
modernité,philosophie,poésie,style,universel

art
La poésie – l’enveloppement musical d’une image, d’un état d’âme, d’une impression, d’une mélodie ou d’un rythme. Leur développement discursif, inévitablement, sera de la prose, qui est un métier à part ; c’est dans ce piège que tombèrent Baudelaire et A.Rimbaud, dans leurs exercices hors rimes et mesures.
âme,balance,défaite,discursif,musique,poésie

rimbaud a.
Le poète épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences.
art
Du feu et de l'eau, de la terre et de l'air, il arrive à la cinquième essence, la quintessence de tout, l'homme !
éléments,hommes,poésie

rimbaud a.
Le poète est voleur de feu.
art
Il est plus près du Trismégiste que de Prométhée, du mystère hermétique que du problème prométhéen. Ce sont ses verbes ardents qui font penser au feu volé. Il est plus attiré par la lumière, pour mieux projeter ses ombres.
éléments,grèce,mystère,ombre,poésie

pasternak b.
История культуры есть цепь уравнений в образах, попарно связывающих очередное неизвестное с известным.

L'histoire de la culture est une chaîne d'équations en images, reliant des variables connues à une inconnue nouvelle.
art
Contrairement à la mathématique, cette substitution (comme aurait dit Valéry) n'est suivie d'aucune démonstration en règle de l'art. L'art comme Dieu ne produit que des axiomes. « Les inventions d'inconnu réclament des formes nouvelles » - Rimbaud.
arbre,création,culture,dieu,fanatisme,histoire,style

bien
Ce n’est pas la bonne mais bien la mauvaise conscience qui nous rapproche davantage de l’ange : St-Augustin, Rousseau, Mozart, A.Rimbaud, Nietzsche, Tolstoï. L’homme content fricote avec le Satan.
ange,mal,proximité

rimbaud a.
La morale est la faiblesse de la cervelle.
bien
L'humanité, ces temps derniers, progressa surtout côté cervelle, et là-dessus elle est désormais invulnérable. Elle se souviendra, un jour de nostalgie, que l'amour était une faiblesse du cœur, l'ironie - celle de l'esprit (« Ma pensée m'échappe ; cela me fait souvenir de ma faiblesse » - Pascal). Mais il sera trop tard.
amour,cœur,esprit,force,hommes,idée,ironie,mémoire,raison

cité
Les faux rebelles : Hugo, Flaubert, Dostoïevsky, le Nietzsche du surhomme, Mallarmé, les surréalistes, les nouveaux de tout poil des années 60-90 du siècle dernier. Les vrais : Rousseau, Rimbaud, Tolstoï, le Nietzsche du trop humain.
grandeur,révolte

rimbaud a.
Le drapeau va au paysage immonde.
cité
Dès qu'on baisse le drapeau, c'est l'enseigne, et non pas le panache, qui prend sa place et qui rend immonde le climat même. La vexillologie est incompatible avec l'héraldique.
climat,défaite,hommes,noblesse

doute
Les copies et les certitudes finissent par nous ennuyer, tous ; le besoin de métaphores est propre à toute l'humanité : les uns trouvent leur source dans la vie, d'autres - dans le savoir, d'autres encore - dans l'esprit, mais tous s'alignent de plus en plus sur le goût machiniste américain : « Même les métaphores, chez les Américains, sont mécaniques » - Rimbaud.
amérique,ennui,esprit,métaphore,robot,savoir

rilke r.-m.
Wir leben wahrhaft in Figuren.

La vraie vie est dans des métaphores.
doute
Il ne suffit pas de savoir, que la vraie vie est absente (Rimbaud), il faut la peupler de fantômes métaphoriques. La vie évidente, la plate, se déroule en casernes et étables ; la vraie, la haute ou la profonde, - en châteaux hantés et ruines.
art,château,hauteur,métaphore,mouton,platitude,ruines,vie

intelligence
Ce n'est pas la négation qui est le mouvement le plus prometteur d'une pensée, mais la réduction (élévation ? ) de constantes au rang d'inconnues (ce que d'autres qualifient, à tort, de négation ou de dénégation). Dans le meilleur des cas, cette inconnue prendra la structure d'arbre à unifier. On n'a pas besoin d'un dérèglement des sens, le bon sens suffit : « Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens » - Rimbaud.
arbre,idée,intensité,négation,raison

intelligence
Tout ce qui ne se convertit pas en formules est nul. La poésie est une formule. Toute passion est germe d'une formule. Le reste n'est que fatras et prétention des borborygmes. « Moi, pressé de trouver la formule » - Rimbaud.
amour,esprit,maxime,mot,poésie,représentation

intelligence
Le médiocre cherche le complexe, l'énumération de parties constantes et grossières d'un tout. Le profond oppose le multiplexe (Leibniz) du réel à la pauvreté de l'imaginaire. Le subtil trouve l'implexe (Valéry), un modèle s'ouvrant à l'unification par substitutions de variables délicates. Le fou se déverse dans l'explexe (Rimbaud), où tout n'est qu'opérandes symboliques sans structure d'arbre unificateur. Le robot optimise le simplexe. Ce que je prône, moi, pourrait s'appeler exciplexe - recherche d'une stabilité dans l'excitation.
arbre,auteur,enthousiasme,folie,goût,ironie,platitude,réalité,représentation,rêve,…

rimbaud a.
Je pense : on devrait dire on me pense. Tant pis pour le bois, qui se trouve violon.
intelligence
La seule pose, qui autorise de dire je suis, serait, donc, celle d'un traducteur ou d'un interprète, mais non de choses visibles ou de causes intelligibles, qui, toujours, se valent quoi qu'en pense Montaigne : «  ils laissent les choses et courent aux causes » ; quelle que soit leur cible, sans bonne pose, sans être ramenards, ils n'arriveront qu'aux positions ou postures grégaires.
création,être,interprétation,mouton,pose,raison,soi

ironie
Qui est encore plus raseur que le bougon passif, pestant contre son temps et vénérant une époque révolue ? - le terrien dynamique, béat et résolument moderne ! L'intemporel devint translucide aux yeux, privés de regard. Le poète ne devient absolument moderne (Rimbaud) qu'une fois son regard éteint par le souci du temps.
amour,ennui,modernité,regard,temps

ironie
L'authenticité, ou la présence, est ce qui se constate par les yeux ou les mains ; mais le rêve, ou l'absence, se donne au regard ou à l'âme, qui ne peuvent que t'inventer. L'invention est absence. « La vraie vie est absente »*** - Rimbaud.
âme,authenticité,bien,création,regard,rêve,vie

mot
Tous les poètes français d'avant Aragon furent terrorisés par l'orthographe, dans la recherche de leurs rimes ; ils vous parlent de musique (Verlaine), de voix (Valéry), de chant (Musset), d'ivresse (Rimbaud), tandis qu'on dirait, que c'est la présence de ces misérables e muets ou de consonnes imprononçables, qui les préoccupe au premier chef…
art,france,intensité,musique,ouïe,poésie

mot
Quand la pensée n'est qu'une structure, la géométrie suffit pour la représenter. Mais lorsqu'elle est un arbre, il faut m'unir à elle par mes propres racines ou ombres, qui poussent ou s'intensifient en mots. N'éclosent que les mots. « J'assiste à l'éclosion de ma pensée » - Rimbaud - réduite au feuillage des mots. La pensée est la fête de l'arbre des mots. Chez l'auteur du Dit d'Igor - la coulée des pensées dessinait un arbre (растекашется мыслию по древу).
arbre,idée,intensité,représentation

mot
J'ai une tendresse particulière pour l'initiale I (même si Rimbaud se trompa de sa couleur – elle est bleue et non pas rouge), elle forme l'anneau de la création : idée, icône, idole (que la mauvaise hiérarchie platonicienne associait à Dieu, à l'artisan, à l'artiste). Tous en créent, mais seul l'artiste rend l'idée – palpitante, l'icône – vivifiante, l'idole – sacrée. Dieu nous munit d'instruments, pour les représenter, et d'organes, pour les interpréter.
art,auteur,création,dieu,élite,idée,interprétation,représentation,sacré

mot
Le sens logique, extra-langagier, du mot vrai est rarement employé. Qu’est-ce que la vraie vie ? Elle ferait partie du monde, dont nous ne sommes pas (Rimbaud), puisque nous sommes dans le rêve sans langage et, donc, sans vérités, et ce rêve est le contraire de ce monde, saturé de langages et, donc, de vérités.
langue,nature,rêve,vérité,vie

noblesse
Être concerné par toutes les choses, c'est le credo de ces touche-à-tout de Rimbaud, Hofmannsthal, Mallarmé, Keats, Kafka, A.Breton ; ils n'ont pas de filtres, que des amplificateurs ou transformateurs leur assurant une hygiène de l'ennui (Baudelaire). Le travail filtrant : approche, attouchement, vibration - éliminer, maîtriser, vivre. Celui qui a un regard vibrant a rarement des yeux vibrionnants, contrairement à ceux qui pratiquent un « nomadisme intellectuel : les yeux, qui partout se nourrissent » - Emerson - « the intellectual nomadism : the eyes which everywhere feed themselves ». Je préfère les ascètes et les esthètes : « J'ai un goût sans prétention : les meilleurs me suffisent » - Wilde - « I have a modest taste : the best of the best is enough for me ».
élite,ennui,filtre,goût,regard,sentiment,universel

proximité
Quand Rimbaud ou les Trois Sœurs placent leur vraie vie ailleurs, ce n'est pas en coordonnées géographiques, sur la platitude terrestre, mais en hauteur céleste, qu'il faut chercher cette vie intemporelle et fantomatique. Les pauvres âmes ne sont ni au monde ni à Moscou ; elles sont absentes là où ne règnent que le temps et l'espace, et s'étouffe le rêve. Ces absents sont des anges ou des démons.
ange,hauteur,platitude,rêve,vie

maistre j.
L'esprit de liberté, l'obéissance passive, les raffinements du luxe et les rudesses de la sauvagerie, ce goût de nouveauté, qui forme le trait le plus saillant de votre caractère.
russie
On prend souvent le refus d'une solution définitive pour l'attirance pour de nouveaux problèmes. Dire, avec Rimbaud, « la vraie vie est ailleurs » (ou l'essentiel est ailleurs, ce qui est moins fort, car « navigare necesse, vivere non necesse » - Plutarque) débouche, chez les Russes, sur la stérilité dans la vie de hic et nunc (où s'éploie, cependant, le Bouddha), la vie, qui est désormais sans ailleurs
asie,immobilité,liberté,mystère,révolte,vie

rimbaud a.
Par une route de dangers ma faiblesse me menait aux confins de la Cimmérie, patrie de l'ombre et des tourbillons.
russie
La force, dévitalisant le danger, dissipant les ombres et pacifiant les houles, conduit aux confins de l'étable. Moi, venu de Cimmérie, porteur des tourbillons élyséens et de l'ombre tartare, je me suis aussi confié à ma faiblesse, mais c'est pour ne pas quitter mes ruines, qu'aucun danger routier ne guette.
audace,auteur,chemin,force,frontière,mouton,ombre,ruines,sentiment

solitude
Fuga mundi, la fuite devant la vie (Rimbaud ou Tolstoï), c'est peu. Je dois m'attraper, c'est-à-dire jouer au chasseur et au gibier, simultanément. Celui qui fuit a un chemin, celui qui poursuit - une centaine ; vivre tantôt la fatalité, tantôt l'exemption ou l'épreuve du choix. Savoir boucher les échappatoires, pour que l'espoir de retour soit mince en permettant d'aller d'autant plus loin.
auteur,chemin,espérance,fanatisme,ironie,soi

souffrance
Il ne me déplairait pas, que ma trajectoire se rapproche, à rebours, de celle de Rimbaud : les tribulations et la sauvagerie du début, et vers la fin - avoir dessiné quelques Enluminures et séjourné pendant quelques Saisons au Paradis. Et pour seul point commun entre ces vies extrêmes, les mots : « N'écrivez pas Arthur sur les enveloppes… Comme je suis malheureux… Assez vu, assez eu, assez connu – j’irai sous la terre ».
auteur,bonheur,commencement,mort,mot,retour,vie

souffrance
Sous la torture, nous apprit Soljénitsyne, on ne peut que gémir, sans dignité, comme un cochon qu’on égorge, la saleté souillant toute pureté. Rimbaud, en revanche, nous apprend, que les soi-disant torturés, les blasés, entonnent une musique savante, la tête haute, l’âme pure, le regard illuminé. Aucune illumination pour celui qui aurait séjourné dans un camp de concentration ; les ténèbres ne le quitteront plus.
âme,ange,grandeur,musique,noblesse,ombre,regard

vérité
La vérité se réduit à sa formule et à sa démonstration, les deux se réalisant dans le contexte d'une représentation. Donc, le lieu de la vérité est la représentation, et la formule de la vérité est dans le langage (Rimbaud fait preuve d'une belle intuition : « moi, pressé de trouver le lieu et la formule »). Le démonstrateur est complètement collectif, le langage l'est en grande partie, la représentation est plutôt individuelle. La subjectivité et l'objectivité s'y entre-croisent.
interprétation,langue,représentation,voix
Rimbaud A.