Shakespeare W.
 
 
 

action
Le stratagème d'aboulique : fouiller dans les significations du problème au lieu d'en tâter la solution. Le stratagème de radoteur : renversé par un juste problème, se réfugier dans un faux mystère. « On met son honneur non pas dans l'inaction, mais dans le mystère »* - Shakespeare - « Their best conscience is not to leave't undone, but keep't unknown ».
conscience,mystère

action
L'action contribue aussi peu à la qualité de la pensée que l'oralité à l'écriture. L'inverse est encore plus flagrant : « Nos pensées sont à nous, mais non pas leurs conséquences » - Shakespeare - « Our thoughts are ours, their ends none of our own ».
art,élite,idée,négation

action
Tant de miraculeuses immunités protègent la vie, mais c'est l'incurable qui inquiète, intrigue et anime les grands ; les mesquins ne savent pas quoi en faire : « Ne te soucie pas de ce qui est sans remède » - Shakespeare - « Things without all remedy should be without regard ».
grandeur,souffrance,vie

action
La beauté devrait être statuaire, figée ; tout mouvement du grand annonce une grande chute : « C'est par l'action que la douceur tourne en aigreur » - Shakespeare - « Sweetest things turn sourest by their deeds ».
beauté,caresse,défaite,grandeur,immobilité

action
L'esprit est âme, tant qu'il écoute la voix du bien plus que celle du vrai ; le devenir est création, tant qu'il suit la voie du beau plus que celle du juste ; le regard est musique, tant qu'il est émis par le rêve de ton soi inconnu, plutôt que par la raison de ton soi connu. « La pensée n'est que songe, tant qu'elle n'est traduite en acte »** - Shakespeare - « Thoughts are but dreams till their effects be tried ».
âme,beauté,bien,création,esprit,idée,inconnu,justice,musique,raison,…

action
Après chaque dépôt de bilan, ils s'interrogent : est-ce faute de moyens ? faute de buts ? faute de routes ? J'accumule mes faillites faute à l'étoile, qui convertit en regards tout ce qui aurait pu s'investir en choses. « Si tu ne fais qu'obéir, la faute en est à toi et non à tes étoiles » - Shakespeare - « The fault is not in the stars, but in ourselves, that we are underlings ».
auteur,chemin,contrainte,défaite,étoile,liberté,réalité,regard

action
Je cherche à confondre la volonté de puissance, et voilà que surgit au bout de mes lèvres, tout de raccroc, - la volupté en puissance, à laquelle peut-être avait pensé Shakespeare : « La volupté en action ruine l'esprit »* - « Th'expense of Spirit, the lust in action », tandis que la volupté en puissance l'élèverait !
auteur,caresse,esprit,force

action
Vu du côté des actes, que les mots sont incolores ! Mais vu du côté des mots, que les actes sont inexpressifs ! La première fonction du mot est la musique, et de bonnes oreilles et de bons yeux y distingueront toujours des climats et des couleurs. « Et c'est ainsi que les couleurs innées de l'acte sont affadies par la pâleur des mots » - Shakespeare - « And thus the native hue of resolution is sicklied o'er with the pale cast of thought ».
mot,musique,ouïe,platitude,voix

shakespeare w.
The hand of little employment hath the daintier sense.

Moins la main se met à la pâte, et plus sa touche est délicate.
action
C'est bien dans de basses cuisines que se réalisent de grands banquets, mais c'est aux hautes heures qu'ils se conçoivent et qu'ils se fêtent.
goût,grandeur,hauteur

byron g.
In commitment, we dash the hopes of a thousand potential selves.

Tout engagement barre l'espérance de tant des moi en puissance.
action
Et si le moi se traduisait mieux dans mes hésitations et abstentions que dans mes prises de position ? Shakespeare : « nos doutes nous trahissent » - « our doubts are traitors » - le comprit bien : notre soi le plus proche et le plus secret se cache dans l'indétermination, le soi inconnu.
doute,espérance,immobilité,inconnu,mystère,pose,proximité,soi

amour
Ce ne sont ni gouffres ni falaises qui brisent l'élan amoureux, mais, le plus souvent, la platitude. « La barque de l'amour se brisa contre la platitude » - Maïakovsky - « Лодка любви разбилась о быт ». Le plus shakespearien poète du siècle dernier savait traiter son époque comme Shakespeare - l'Antiquité. Au siècle suivant on comprendra qu'on puisse voir en Lénine ce que Shakespeare discernait dans Antoine ou Rimbaud dans le roi Ménélik.
antiquité,art,défaite,modernité,platitude,réalité,russie

amour
Il est facile de trouver une place, au milieu des hommes, où je trouverais une paix, un soulagement, une chaleur provisoires. Le drame humain, c’est la précarité de cette place, sa dépréciation, sa vétusté, sa ruine. Il faut la chercher, ou, mieux, la bâtir ailleurs, dans l’imaginaire, où vibrent mes penchants les plus secrets et sacrés, comme l’amour ou la création. Le lieu, qui défierait le temps et ne connaîtrait que naissances et trépas, et qui hébergerait ma consolation. « Heureux, j’aime et je suis aimé, au lieu, inaltérable ni par moi ni par autrui »* - Shakespeare - « Then happy I, that love and am beloved where I may not remove nor be removed ».
acquiescement,auteur,bonheur,commencement,consolation,création,hommes,mort,ruines,sacré,…

pétrarque
Chi può dir cosi egli arde é in piccol fuoco.

Celui qui peut dire de quel feu il brûle, ne brûle que d'un petit feu.
amour
Montaigne : « Toutes passions qui se laissent gouster et digerer ne sont que mediocres » et Shakespeare : « L'amour qu'on peut compter ne vaut plus rien »* - « There is beggary in the love that can be reckoned » - t'ont plagié. J'aime, tant que j'ignore et le souffle et l'aliment, qui entretiennent mon feu. À la source pure, c'est à dire sans fond, - le feu sans tache.
ange,balance,éléments,intensité,raison,valoir

art
Ce que j'attends de la littérature : soit de la matière intelligente, relevée par le talent (Valéry), soit un ton, qui se prêterait, à la fois, à la lecture à travers les pleurs ou à travers les rires (Shakespeare et Cervantès). Mais ces deux sources, apparemment, ne se croisent jamais.
esprit,intelligence,matière,musique,style,tragédie

art
Une curiosité psychologique : plus quotidienne est l'œuvre - plus grandiloquent est son commentaire par l'auteur, plus haute est l'envolée - plus cafouilleuse est sa défense. Shakespeare commentant son œuvre - inimaginable ou pitoyable ! Flaubert, ce Molière moderne, se rattrape magistralement en gloses, qui surpassent l'œuvre. Les Werther et Nouvelle Héloïse ne se trouvent aujourd'hui que dans des journaux intimes.
élan,grandeur,hauteur,interprétation,platitude

art
Les Chateaubriand et les J.Joubert (les Goethe et les Lichtenberg, les Nabokov et les Chestov) semblent être incompatibles. Le second se serait mis à imiter le premier - le rire de l'auteur nous empêcherait de nous émouvoir. Le premier se serait aventuré dans le genre du second - le rire du lecteur compromettrait toute estime. Il est clair qu'entre Chateaubriand et rien il y ait moins d'espace qu'entre Joubert et n'importe qui. Des exceptions : Shakespeare, Voltaire, Nietzsche, Tolstoï.
école,esprit,ironie,maxime

art
Les passions vécues par Shakespeare lui-même, si l'on en juge d'après ses sonnets, furent médiocres ; une raison de plus d'admirer celles, bellement inventées, que vivent ses personnages, aussi loufoques que ceux de Dostoïevsky.
artificiel,création,sentiment,vie

art
Gide, A.Schlegel et Pasternak traduisent Shakespeare : le premier en retient surtout les images, le deuxième - les pensées, le troisième - le ton. Seul l'original met ces trois facettes à une même hauteur.
création,hauteur,style

art
Les Français pensent avoir créé la tragédie plus parfaite que chez les autres, mais la perfection n'est pas une catégorie artistique, elle appartient à la réalité. La présence du vouloir rapproche de la réalité, mais éloigne de la tragédie, qui, comme chez Shakespeare, est dans le devoir sans le vouloir.
hommes,réalité,tragédie,valoir

art
Trois sortes d'audace font reconnaître un maître : l'audace pré-langagière (Cioran), l'audace de langue (Rilke, Pasternak), l'audace de concepts (Valéry). Et Shakespeare en est le plus grand, car il a l'audace de les pratiquer toutes les trois, même sans posséder la profondeur des premiers. Le talent veut gloser sur les autres, le génie peut oser la confiance en son propre soi inconnu.
audace,esprit,grandeur,hauteur,idée,inconnu,langue,représentation,soi

art
Prêcher la créature - Goethe, Nietzsche, le créateur - Tolstoï, Cioran, la création -Shakespeare, Valéry. Polir, pâtir, bâtir.
création,souffrance,style

art
Le contraire de la caresse, c’est la violence – verbale, musicale ou gestuelle. La caresse est unique, la violence est commune. La violence rend la tragédie de la vie - banale, la caresse lui apporte de la consolation. Quand on découvre la poésie par Shakespeare ou J.Racine, on pense que « la violence, en poésie, est tout » - G.Steiner - « violence is all in poetry ». Quand on comprend Tchékhov, on ne cherche que la caresse.
action,caresse,consolation,interprétation,mouton,musique,poésie,tragédie,vie

art
Se rendre compte de l'ineptie de tout système apriorique, c'est renoncer à la synthèse dialectique, laisser polyphonique toute partition ; l'art, dans lequel ne réussissent que les plus forts : Shakespeare, Dostoïevsky, Nietzsche.
école,force,négation,système

art
Les philosophes insensibles à la poésie (les légions de professeurs), ou les poètes impuissants en prose (comme Baudelaire, Rimbaud ou Mallarmé) font douter de l'universalité de leur don. Les poètes complets mettent de la poésie en tout, y compris dans la prose : Shakespeare, Goethe, Pouchkine, Lermontov, Hugo, Rilke, Valéry, Pasternak. La poésie comme genre ayant sombré, la poésie comme tonalité discursive ne peut plus se pratiquer qu'en philosophie.
modernité,philosophie,poésie,style,universel

art
De Sophocle à Corneille, en passant par Shakespeare, la tragédie suivait la recette aristotélicienne – se traduire par l’action et non pas par le récit. Seul Tchékhov dépassa – en hauteur ! - cette vision bien primitive, l’illusion d’une profondeur événementielle ; il devina (inconsciemment !) la grande tragédie dans l’impermanence, la vulnérabilité ou l’extinction des plus beaux états d’âme, de ceux d’un amoureux, d’un artiste, d’un rêveur – bref, non pas d’un acteur mais d’un spectateur. Il faudrait peut-être ne pas oublier L.Sterne : « La plus délicieuse de nos jouissances s’achèvera dans la terreur »* - « The loveliest of our pleasures ends with a shudder ».
action,âme,amour,création,discursif,hauteur,rêve,tragédie

art
Les Anciens inventèrent tous les genres littéraires, que la modernité ne fait qu’imiter. Le seul genre, où une réelle nouveauté fut introduite, c’est la tragédie, dont le vrai sens fut découvert par Tchékhov. Ni Dante ni Shakespeare ni Descartes ne peuvent prétendre à de telles trouvailles. Nabokov ne trouvait chez Tchékhov : «  que des trébuchements continus, mais c’est l’homme, qui ne quitte pas des yeux les étoiles, qui trébuche »** - « непрерывное спотыкание, но спотыкается человек, заглядевшийся на звёзды ».
antiquité,défaite,étoile,modernité,style,tragédie

bien
Le Bien n'est jamais dans l'œuvre ; il est irrémédiablement entaché par toute forme de force, que ce soit dans le geste ou dans la pensée. C'est l'âme coupable et non pas l'esprit capable qui colore nos actes, et Hamlet cherche des couleurs du mauvais côté : « il n'existe ni le Bien ni le mal, c'est la pensée qui les crée » - « there is nothing either good or bad, but thinking makes it so ». Le Bien est l'émoi silencieux, pudique, humble et immobile de l'âme, bien que son objet puisse être altier, grandiose et remuant.
acquiescement,action,âme,esprit,force,grandeur,hauteur,honte,idée,immobilité,…

bien
Le Bien est l'essence de l'homme, entourée d'inévitables accidents, dont le nom est - le Mal. Mais toute définition doit se fonder sur la nécessaire essence et non pas sur la contingence des accidents : « À quoi te sert ta philosophie, si tu t'attardes au mal accidentel » - Shakespeare - « Of your philosophy you make no use, if you give place to accidental evils ».
être,inconnu,jeu,mal,nécessité,philosophie

bien
Le premier calmant des troubles de la conscience est l'action, avec ses illusions sur le droit (consistant en connaissance des lois et des codes) et la puissance (se réduisant de plus en plus à l'appui sur un bouton). « Que nos bras forts soient notre conscience »** - Shakespeare - « Our strong arms be our conscience » - la cécité des muscles se compléta par la surdité des cœurs et le mutisme des âmes.
action,âme,cœur,conscience,force,robot,silence

bien
L'angoisse et le fanatisme s'associent mieux avec la vertu que le courage et la paix d'âme. Ce sont des scélérats qui disent, que « la vertu est sans peur et la bonté - sans crainte » - Shakespeare - « virtue is bold and goodness never fearful ». Le mal, lui, se fait, le plus souvent, dans la sérénité, justifiée par une raison sans faille et accompli par une main sans crainte.
âme,angoisse,audace,doute,fanatisme,mal

bien
Le vrai Bien m'est donné avant même que je lève mon bras ; viser le mieux, cet ennemi du bon, c'est déjà engager un combat : « Tu gâches le bon, en luttant pour le mieux » - Shakespeare - « Striving to better, we mar what's well ». Même les anges sont contraints parfois à la lutte. Pour chuter. Déchus, ils font la bête et se servent de leurs ailes, pour marcher, au lieu de danser.
action,ange,commencement,danse,lutte

bien
Le Mal réside dans l’action, et donc dans les choses ; le Bien ne quitte jamais le cœur. Il faut avoir une âme bien perspicace, pour percevoir le Bien dans les choses : « Une âme de bien perce en vilaines choses » - Shakespeare - « There is some soul of goodness in things evil ».
action,âme,cœur,mal

shakespeare w.
Some rise by sin, and some by virtue fall.

Les uns s'illuminent dans le péché, dans la vertu s'assombrissent d'autres.
bien
Parfois, c'est le même personnage : maître de son équilibre altier et de sa lumière tournée vers l'intérieur.
hauteur,mal,mélancolie,ombre,style

doute
Dès que je me dote de bonnes contraintes, mon chemin devient forcément oblique :  « Tout est oblique ; rien n'est droit dans notre fichue essence, si ce n'est la franche bassesse » - Shakespeare - « All is oblique ; there's nothing level in our cursed natures, but direct villainy ». Les droits chemins et l'avance vers un but net sont déjà à portée des machines. La vie, jadis organique, devient mécanique. « La vie nous pèse tel un chemin droit sans but » - Lermontov - « И жизнь уж нас томит, как ровный путь без цели » - c'est la droiture qui pose problème, puisqu'elle nous prive de mystères.
auteur,bassesse,chemin,contrainte,étonnement,hommes,nature,robot,vie

hommes
Avec mon potentiel de transfuge vers patries éphémères et de renégat de causes gagnantes, j'aurais dû naître Britannique ; aucun autre pays ne dispose d'autant d'exilés intérieurs : Shakespeare - Romain, Byron - Allemand, Lawrence d'Arabie - Oriental, Wilde - Français, Philby-Wittgenstein - Russes.
allemagne,angleterre,auteur,défaite,exil,france,russie

hommes
La barbarie d'aujourd'hui est due à la mort du rêve. Plus précisément, à son handicap mental, dès sa prime enfance. Le discrédit du conte de fées, le merveilleux étouffé par le mielleux, le jeu électronique expulsant le jouet anachronique. Les lieux, qui ont le plus besoin de rebelles aujourd'hui, sont les crèches, et leurs noms sont Andersen et Ch.Perrault. Shakespeare, Pouchkine et Montaigne en savaient quelque chose : « Notre principal gouvernement est entre les mains des nourrices ».
enfance,mort,rêve,révolte,vie

hommes
Le nécessaire de la populace ne cesse de s'élargir ; le superflu aristocratique reste toujours à la même hauteur : « N'accordez à la nature que le nécessaire, et le prix d'homme sera aussi bas que celui des bêtes » - Shakespeare - « Allow not nature more than nature needs, man's life's as cheap as beast's ».
balance,bassesse,nature,nécessité,noblesse

hommes
Une triste et impardonnable crédulité de mon professeur de Mathématique, V.Arnold : « L’homme bien éduqué, consomme moins, se met à préférer Mozart, Shakespeare ou les théorèmes » - « Образованный человек меньше покупает, начинает предпочитать Моцарта, Шекспира или теоремы ». L’homme moderne fit de Mozart et de Shakespeare – les mêmes articles de consommation que les lessives ou les voitures, et les théorèmes seront bientôt traités par le robot plus efficacement que par l’homme.
création,culture,intelligence,modernité,robot,science

hommes
L'utilitaire, au détriment de l'imaginaire, cette dérive peut frapper même les artistes eux-mêmes. Les mêmes sentiments troubles furent à l'origine des boutades platoniciennes contre Homère ou des grognes tolstoïennes contre Shakespeare (Goethe et Nietzsche, deux autres de ses frères, subirent les mêmes foudres – qui aime bien punit bien) : « Une paire de bottes vaut mieux que tout Shakespeare » - Tolstoï - « Пара сапогов ценней всего Шекспира ». Soit on y voit l'ennoblissement du bottier, soit l'un des plausibles ressorts de la plume shakespearienne, la honte. Les besoins des pieds seraient-ils plus vitaux que ceux des narines : « J'ai essayé de lire Shakespeare, et je l'ai trouvé si niais, que j'en ai eu la nausée » - Darwin - « I tried to read Shakespeare, and found it so dull that it nauseated me » - et Wittgenstein fut aussi intraitable, face à l'immoralisme shakespearien.
art,honte,intelligence,ironie,utilité

hommes
Le nombre des contemporains, admirateurs des belles plumes, est le même, aujourd’hui, qu’aux époques d’Homère, de Shakespeare, de Nietzsche, de Valéry. C’est le nombre des candidats et, surtout, les critères d’excellence qui changèrent : le marchand, le footballeur, le chanteur, le journaliste évincèrent le poète, le philosophe, l’intellectuel.
argent,art,beauté,esprit,grandeur,modernité,philosophie,poésie

hommes
Non seulement les noms mêmes d'Homère ou de Shakespeare seront, un jour, oubliés, mais on ne comprendra plus les raisons de leur ancien prestige, puisque tout souci de la forme sera entièrement remplacé par celui du format.
art,gloire,mémoire,reconnaissance,robot,style,temps

hommes
Être moderne devint synonyme d’être plus évolué que les autres. Et dire que pour Shakespeare le mot ‘moderne’ signifiait ‘ordinaire’. Dans l’art d’aujourd’hui, le répugnant, obtenu le grade de moderne, attire les critiques, marchands et badauds.
art,mouton,temps

cicéron
Suum cuique.

À chacun son dû.
hommes
Pour Shakespeare, il s'agit du fouet ('who should 'scape whipping') ; pour Frédéric le Grand ou Pouchkine, c'est la devise de leurs patries ; pour Himmler - celle des camps ; pour le boutiquier - celle du monde raisonnable. Condamné à profaner ce qui m'est dû, je dois en limiter le mésusage, en ne m'en souhaitant qu'un minimum vital (car 'abusus optimi pessimus').
auteur,élite,gloire,grandeur,justice,platitude,raison,russie,vie

shakespeare w.
And this our life, exempt from public haunt, finds tongues in trees, books in the running brooks, sermons in stones, and good in everything.

Et notre vie, loin des forums, trouve langue en arbre, livres en torrents, sermons en pierres et du beau en tout.
hommes
Sur les forums, la langue est en bois, le livre - en eau courante, le sermon - en béton et le beau - nulle part.
arbre,beauté,éléments,intensité,langue,mouton,platitude,style

ironie
On ne peut se détourner de la vie, tout en la respectant, qu'en devenant théâtral (où l'on « se pavane ou se tracasse » - Shakespeare - « struts or frets »). Peut-on imaginer une tragédie au naturel ? Être théâtral, c'est avoir la sensation de la scène, le trac du spectateur, la foi dans une vie née du mot, l'aide du souffleur, l'appel des coulisses.
jeu,mot,nature,tragédie,vie

ironie
Aucun auteur ne se tire aussi bien de l'épreuve de modernité que Shakespeare ; qui, avant Marx, aurait encore pu dire : « La distribution devrait corriger l'injustice » - « Distribution should undo excess » ? Bien que d'Artagnan résiste à la transposition en représentant en transistors, la princesse de Clèves s'effondre en secrétaire de direction.
argent,justice,modernité

ironie
L'ironie est une fuite, une absence. En tant que telle elle fut à l'origine de la plupart des grandes littératures européennes modernes ; en Italie, avec Boccace, elle devint comique, en France, avec Montaigne, - abstraite, en Espagne, avec Cervantès, - chevaleresque, en Angleterre, avec Shakespeare, - charnelle, en Allemagne, avec Goethe, - romantique, en Russie, avec Pouchkine, - humanitaire. Curieusement, à l'opposé, les Romains n’eurent pas leur Socrate, et le glas de l'Antiquité sonna avec les ironiques Lucien et Juvénal.
allemagne,angleterre,antiquité,commencement,espagne,europe,france,italie,romantisme,russie

ironie
On est tellement habitué à conspuer le paraître, qu'on oublie, que c'est pourtant le seul moyen de faire entrevoir l'être, le créatif non le reproductif. L'authenticité traduit l'espèce, l'apparence exprime le genre. « Pour vouloir paraître, il te faut un sacré être  » - Beethoven - « Man muß was sein, wenn man was scheinen will ». Ce qu'on est ne se livre ni à l'apparence ni à la bona fide, donc « il faudrait être tel que l'on paraît » - Shakespeare - « Men should be what they seem ».
authenticité,création,être,révolte,voix

ironie
C'est par le genre de l'édifice à ériger qu'on reconnaît la stature de son artiste. Aujourd'hui, dominent les bureaux, aéroports, hôtels, bistrots. Disparaissent les châteaux en Espagne et les prisons : « Ne fais pas de tes pensées une prison » - Shakespeare - « Make not your thoughts your prison ». Moi, avec mon rêve (dont nous sommes faits !), je continue à bâtir, au passé, une tour d'ivoire, qui, au présent, se présente comme des ruines.
art,auteur,esprit,grandeur,intelligence,rêve,ruines,temps

ironie
L'humour enlève de la pesanteur à la comédie, mais l'ironie n'ajoute pas de grâce à la tragédie. C'est pourquoi le Tchékhov anti-ironique est plus tragique que le Shakespeare ironique.
grâce,tragédie

ironie
Le XVI-me siècle, c’est la fête de l’ironie dans la littérature – Cervantès, Shakespeare, Montaigne et même Luther. Le siècle suivant, celui des dramaturges et des philosophes, étouffa cette vitalité ; et le phénomène Voltaire n’est qu’un chant du cygne de l’ironie agonisante. Notre époque vit sous le signe de la gravité, de la lourdeur, de la pédanterie. Rappelons-nous que les chutes de la Grèce et de Rome furent annoncées par leurs derniers ironistes, Lucien et Juvénal.
art,grèce,histoire,modernité,mort,philosophie

shakespeare w.
The readiness is all.

N'être que prêt, tout est là.
ironie
Ce n'est qu'un tiers, le tiers des scouts, l'autre tiers serait prêt pour l'action contraire et le dernier, le meilleur, pour reconnaître sa défaite (ce que tu résumes bien : « Être mûr, tout est là » - « Ripeness is all »), quand vient l'heure de l'acte lui-même (à rebours de « l'antériorité de l'acte sur la puissance » d'Aristote ou du Docteur angélique). Du Faire au Fait - on s'abaisse, du Dire au Dit - on s'élève. L'opposé de l'opiniâtreté ou du risque. Saluer l'énergie, sans la traduire en mouvement, se contenter de désirer. Tenir à son regard, qui accompagne l'action, est plus instructif qu'agir en le suivant. Savoir ce que je fais, plutôt que faire ce que je sais. Ne pas redouter de n'être que prêt à vivre, à pied d’œuvre. Faire ses sélections, sans faire de choix. Avoir à sa disposition, sans disposer. La disponibilité serait le bonheur à proprement parler du Chinois. « La possibilité est vie, et tout le reste - déchet » - Valéry. Caresser l'idée, sans l'habiller en concept. Je peux rater le but, mais je l'aurai bien perçu ou bien nommé.
action,auteur,bonheur,caresse,chine,contrainte,défaite,flèche,force,hauteur,…

baudrillard j.
Prophétiser la catastrophe est banal. Considérer qu'elle a déjà eu lieu est plus original.
ironie
En plus, il ne faudrait donner ni dans les remèdes, ni dans le diagnostic, mais dans la tentative de faire des ruines une thébaïde. Mais, en bon pessimiste (ce que tu es plus bas), j'ajouterais (avec Shakespeare) : « the best is still to come ».
défaite,enthousiasme,ruines,souffrance,voix

mot
Pour nous nourrir de mots, le talent fait appel aux deux ressources de goût – l'intelligence du solide et la noblesse du liquide. Le solide est évident, et le liquide est fantaisiste. Le mot délicat sera suspendu entre la profondeur et la hauteur, entre la pesanteur et la grâce, entre le savoir et le valoir. Et le talent n'y a pas besoin d'un ordre chronologique : « Donne du poids au mot, avant de lui donner le souffle » - Shakespeare - « Weighest thy words, before thou givest them breath ».
esprit,goût,grâce,hauteur,intelligence,noblesse,savoir,valoir

mot
Sénèque et J.Racine écrivent pour la déclamation, Shakespeare et Corneille - pour la lecture ; Molière et Tchékhov - pour la scène. Les métaphores déclamatoires ou livresques ont l'univers entier pour source ou cible, les métaphores scéniques - le hasard des planches.
flèche,jeu,métaphore,vie

mot
Toute descente vers la profondeur suppose des pensées, qui creusent ou enracinent. Mais aucune pensée ne m'accompagne, dans ma prise de hauteur ; je n'y aurai besoin que du mot qui déracine. « Le mot me promet la hauteur ; la pensée reste avec la profondeur »*** - Shakespeare - « My words fly up, my thoughts remain below ».
hauteur,idée

mot
Le nom est l'épiderme des choses. L'arôme est sur les épidermes des asphodèles et des nénuphars. En dessous, presque tout est insipide. Le nom est promesse (« Nomen est omen » - Plaute). Ce que « nous nommons rose sous un tout autre nom sentirait aussi bon » - Shakespeare - « we call a rose, by any other name would smell as sweet ». Aimer la rose, rose absente de tous les bouquets (Mallarmé contre Ronsard), chassée du jardin (« l'être-rouge de la rose est absent du jardin »** - Heidegger - « das Rotsein der Rose steht im Garten nicht »), mais aussi de son propre nom (U.Eco).
ange,être,goût,inconnu,platitude,solitude

mot
Mauvaise tactique : « Bouche les fuites du chagrin avec des mots » - Shakespeare - « Patch grief with proverbs ». Il vaut mieux le boire frais et plein, avec un calice des mots, sinon ce chagrin se transformera en lie d'indifférence, à consommer par des idées peu exigeantes, c'est à dire se contenant de ne trouver dans ce breuvage que de la vérité.
filtre,idée,mélancolie,vérité

lichtenberg g.
Bei Shakespeare zeugt immer der Gedanke das Wort.

Chez Shakespeare, c'est toujours la pensée qui engendre le mot.
mot
Il eût été aussi ennuyeux que Molière, si ç'avait été vrai ! La liberté, avec laquelle Shakespeare extrait les mots des tiroirs imprévisibles, prouve, qu'il se désintéressait des pensées aux clefs toujours trop précises. Je ne connais pas une seule pensée de Shakespeare, mais ses intrus de mots me mettent au seuil des pensées subtiles.
ennui,goût,idée,liberté,simplicité

shakespeare w.
We are such stuff as dreams are made of,
And our little life is rounded with a sleep.

Tu es de l'étoffe, dont on tisse le rêve,
Ta vie s'enveloppe du voile du sommeil.
noblesse
Ce qu'enracinent les yeux ouverts, les yeux fermés le munissent d'ailes. Où est-on plus près de la vie la vraie ? - dans la veille de la raison sédentaire ou dans le rêve vagabond ? Et l'écriture, n'est-elle pas les sens détournés de la vie pour la rencontrer ailleurs ?
art,élan,proximité,raison,rêve,vie

proximité
L'étoile est l'un de ces rares objets, dont on ne mesurait, jadis, que la hauteur : « C'est l’astre, guidant des barques errantes : ignorant sa valeur, on connaît sa hauteur »** - Shakespeare - « It is the star to every wand'ring bark, whose worth's unknown although his height be taken ». Aujourd'hui, on ne s'y intéresse que pour mesurer des distances.
axe,balance,étoile,hauteur,modernité

proximité
Au commencement était le couple l'Amour - la Haine (Empédocle), la Monade (Pythagore ou Leibniz), l'Apparence (Pyrrhon), l'Idée (Platon), le Verbe (le Christ), l'Action (Thomas l'Aquinate, Goethe, après avoir opté pour le Sens et la Force, Valéry, avant de lui préférer l’Étrange, Proudhon), la Violence ou la Lutte (Pascal ou Darwin), le Soupçon (Marx et sa Classe, Freud et sa Perversion, Nietzsche et sa Musique, Berdiaev et sa Liberté), la Donation (Gegebenheit de Heidegger), l'Étrange (à partir des fantômes et spectres : « Shakespeare genuit Marx, Marx genuit Valéry » - Derrida). Chacun au commencement de sa discipline : l'Idée (le Nombre, la Monade, la Force) - pour représenter le mystère, le Verbe (l'Amour, le Sens, la Donation) - pour formuler les problèmes, l'Action (la Haine, la Lutte, le Soupçon) - pour tester les solutions, la Perversion et l'Étrange - pour confondre ou embellir les passages de l'un à l'autre de ces trois niveaux.
action,amour,christianisme,commencement,doute,esprit,force,haine,idée,liberté,…

russie
Une excellente illustration de la place de l'intelligence ou de la sensibilité, en Russie ou en Occident, cette sentence de Claudius : « Le mot ne monte aux cieux que porté par la pensée » - « Words without thoughts, never to heaven go », traduite (Pasternak) par : « Le mot sans émotion n'est pas entendu par les cieux » - « слов без чувств вверху не признают ».
esprit,mot,sentiment

russie
Comment le Français, l'Allemand ou le Russe lisent la volonté de puissance ? - volonté de (seulement) pouvoir (à la Shakespeare), de faire (die Macht, à la Valéry) ou de posséder (власть, à la Nietzsche) ? Leur seul dénominateur commun s'appelle intensité.
allemagne,force,france,intensité,mot,valoir

steiner g.
The reserves of irony, in Akhmatova, in Mandelstam, in Pasternak, have been preserved in the personal memory. Stalin condemned a poet for having cited Shakespeare, the Prague police killed a philosopher because he had taught secretly Plato.

Les réserves d'ironie d'Akhmatova, de Mandelstam, de Pasternak ont été préservées par la mémoire individuelle. Staline condamnait un poète pour avoir cité Shakespeare, la police pragoise tuait un philosophe, parce qu'il avait clandestinement enseigné Platon.
russie
Pourquoi les voir sous cet angle sinistrement pittoresque ? Ces auteurs sont de la famille de Yeats, Valéry et Rilke. Quand est-ce que vous les envisagerez, comme vous voyez Shakespeare sans Elizabeth, J.Racine sans Louis XIV, Goethe sans le grand-duc de Weimar ? Et c'est bien en Russie soviétique que Shakespeare et Platon eurent les plus gros tirages !
art,école,ironie,cité,mémoire

solitude
Je connus de l'intérieur la hideur soviétique. Paria, vagabond, seul comme un chien parmi des troupeaux d'esclaves. Je suis en Europe : la compétition, rien d'excessif, ni pitié ni honte, ni larme chaude ni cœur d'ami. Là-bas, une malédiction jetée par le goujat ; ici, une déréliction infligée par le robot. « Que le Tsar de toutes les Russies voie la platitude misérable de ma vie avec des yeux pleins de pitié » - Shakespeare - « That the Emperor of Russia did but see the flatness of my misery with eyes of pity » - même sans être étouffé par la platitude, j'accueille humblement une pitié, surtout en compagnie d'une ironie. « Les plus hautes formes de la compréhension sont le rire et la pitié humaine »*** - R.Feynman - « The highest forms of understanding are laughter and human compassion ».
acquiescement,auteur,bassesse,beauté,cœur,europe,honte,ironie,liberté,lutte,…

solitude
J'aime la triade, qui manqua à l'enfance de Sartre : sans hériter ni l'ombre ni le regard, presque sans nom - en effet, ce sont les premières choses à inventer pour avoir droit au soi. Orphelin de nom, ignorant la première lumière et livré aux choses - telle fut mon enfance, d'avant le premier conte de fées, qui me débarrassa et de choses et de noms et me voua à leur réinvention : « Une chose perdue cherche un nom perdu » - Shakespeare - « A lost thing looks for a lost name ».
auteur,création,enfance,mot,ombre,regard,rêve,soi

solitude
Des notes solitaires, c’est ce qui manque le plus à la musique shakespearienne et ce qui ne permet pas de considérer son art comme une perfection. Ils sont rares, ceux qui émettent ces notes : Bach, Pascal, Byron, Leopardi, Nietzsche, Tchékhov.
art,grandeur,musique

souffrance
Submergé de bonheur, on perd l'image de Dieu ; accablé d'une souffrance, comme illuminé par une beauté, on assiste à l'émergence d'un Dieu en majesté. Pourtant, d'après les hommes : « Le bonheur et la beauté découlent l'un de l'autre » - Shaw - « Happiness and beauty are by-products ». Dieu, qui est peut-être dans une étrange rencontre du beau et de l'horrible (« fair is foul and foul is fair » - Shakespeare, en lecture traumatologique et non pas météorologique), pour la bonne raison, que la douleur et l'harmonie n'appartiennent à personne. Un masque étincelant de l'art, sur le visage horrible de la vie – telle serait la destinée d'artiste.
art,beauté,bonheur,commencement,dieu,force,grandeur,hommes,maîtrise,mélancolie,…

souffrance
Le beau et le terrible, sans pouvoir cohabiter, alternent, se succèdent et vivent de leur mutuelle attraction. Il est temps de peindre et temps de geindre ; si je cherche à faire les deux, je serai défiguré, « entaché de douleur, cette peste du beau » - Shakespeare - « stain'd with grief, - that's beauty's canker ».
art,beauté

souffrance
Tchékhov comprit mieux que Shakespeare l'essence de la tragédie – il ne peint que les souffrances incurables.
inconnu,tragédie

souffrance
Apprécie les sommets pour leur panique et leur désespérance, pour mieux y cultiver ta sérénité et ton espérance. N'écoute pas Shakespeare : « Dans les hauteurs te guette le danger, à leurs pieds tu vivras d'espérance » - « The lowest stands still in esperance, lives not in fear ».
angoisse,audace,espérance,hauteur,sentiment

souffrance
Si l'on farcit une pièce tragique avec des renvois aux concepts pompeux, cérémonieux et abstraits – la gloire, le péché, la grandeur – on obtient du Racine ou du Corneille, qui inspiraient à Valéry « le dégoût de ces confusions entre la mystagogie, la falsification du rêve » - la plus dégoûtante des falsifications étant le langage conventionnel, monotone, évident, clanique, codifié. Toute vraie tragédie doit pouvoir se dérouler sur une île déserte, dans la conscience d'un homme solitaire, et ne rien devoir aux chutes des ambitions ou aux manigances des méchants ; de la poésie ou de la compassion, c'est ce qu'on trouve chez Shakespeare ou Tchékhov.
art,défaite,gloire,grandeur,haine,idée,mal,mouton,pitié,poésie,…

souffrance
La tragédie, ce ne sont pas des vicissitudes du parcours, mais le crépuscule des fins, assombrissant et dramatisant l'aurore des commencements : l'affaiblissement pressenti de toute la gamme de l'âme : l'émotion, l'espérance, le talent, la volonté, la jeunesse. C'est pourquoi le meilleur tragédien, ce n'est pas Shakespeare, mais Tchekhov. Ni l'action ni la réflexion, mais la pitié et l'impuissance.
action,âme,art,commencement,enfance,espérance,force,mélancolie,pitié,sentiment,…

souffrance
La Bible sanguinaire, la tragédie grecque et la tragédie shakespearienne comportent trop de cruautés ou de perfidies, ce sont des vaudevilles. La vraie tragédie, la tragédie optimiste, est celle de Tchékhov, où il n'y a ni bourreaux ni victimes, et la convulsion nostalgique est vécue par un amour, une jeunesse, un talent, un rêve, une grâce, soumis à la loi, terrible et fastidieuse, de la pesanteur et de la raison.
amour,enfance,enthousiasme,grâce,grèce,mort,raison,rêve,tragédie

souffrance
Les auteurs tragiques grecs et latins s’adressaient aux héros tourmentés ou aux dieux capricieux (trop de grandes malchances), Shakespeare – à lui-même (trop de grandes malveillances), les Espagnols et les Français – aux courtisans (trop de grandes minauderies), Tchékhov – au seul personnage vraiment tragique, par la hauteur de sa souffrance, - à l’homme sensible, blessé, solitaire, inspirant une pitié ou une compassion.
âme,antiquité,dieu,espagne,france,grèce,hauteur,pitié,solitude,tragédie

shakespeare w.
But words are words ; I never yet did hear
That the bruised heart was pierced through the ear.

Les mots ne sont que des mots et je n'ai jamais ouï dire
Que dans un cœur on pénétrât par l'oreille.
souffrance
Un mot mérite son nom, quand il s'adresse avec la même insistance à l'oreille, aux yeux et à l'âme (qui est un cordon entre la cervelle et le cœur). Sinon il n'est qu'une entrée du dictionnaire.
âme,cœur,mot,ouïe,raison,regard

vérité
Tant de sophismes n'auraient jamais vu le jour, si la manipulation de la négation n'avait pas été si malaisée : Platon, incapable de nier une relation ternaire (par ex., ressemblance dans son Parménide) ; Shakespeare (« Nothing is but what is not »), ne distinguant l'universel d'avec l'existentiel ; Kant se ridiculisant avec froid et obscur en tant que des négations de chaud et de lumineux ; Hegel, confondant la complémentaire et la négation (tout comme Jankelevitch : « La négation exprime une altérité, mais non point un néant ») ; Le plus lucide est peut-être Sartre, faisant de variables rien et personne des instances de néant.
arbre,concept,être,fanatisme,négation,raison,simplicité,universel

vérité
Dans une vérité soigneusement enterrée s'installe un sain ver de doute, idéal appât, pour pêcher la fameuse carpe shakespearienne.
doute,ironie,mort

vérité
L'impossible synonymie des matérialistes : réel = nécessaire = vrai. Le réel s'applique aux faits de la réalité, le nécessaire - aux faits du modèle, le vrai - aux jugements, formulés dans une langue et évalués dans un modèle. Toute réduction à un monisme quelconque mène vers un charabia linguistique, conceptuel ou logique. Il faut beaucoup de sobriété, pour répondre à la question : « Où réside la vérité, dans la subtilité verbale ou dans la réalité ? »*** - Chestov - « Где правда, в словесной ли мудрости или в действительности ? » - par le premier terme (le verbe étant et le mot et le modèle), ce que savait déjà l'excellent cogniticien Shakespeare : « La vérité devient vraie au bout d'un calcul » - « Truth is truth to the end of reckoning ».
absurde,idée,interprétation,langue,matière,mot,nécessité,question,raison,réalité,…

vérité
N'importe qui connaît ce sage et plat conseil : « Avant toute chose : soit vrai à toi-même » - Shakespeare - « This above all : to thine own self be true ». On en abuse, pour garder sa fichue ligne droite. Savoir se lover en pointillés, se falsifier, pour dénicher un nouvel égarement, est plus urgent pour qui se cherche.
chemin,continuité,doute,soi

shakespeare w.
Your bait of falsehood takes this carp of truth.

Avec l'amorce d'un mensonge on pêche une carpe de vérité.
vérité
Quand le but n'est que farcesque, l'envie de pêcher en eaux troubles, le bon feu de ton ironie fera oublier la scélératesse du hameçon.
contrainte,éléments,ironie,mensonge
Shakespeare W.