Valéry P.
 

préface
Langue française, accueille-moi dans ta sonorité lointaine et ta prometteuse étrangeté ; moi l'intrus de ton espace d'intuition dont ne s'est jamais nourrie mon enfance, écoulée à dix mille kilomètres de Paris. Depuis des années, je te fréquente, toi, lieu statufié que je me plais de prendre pour une noble ruine. Car aucun réflexe d'images ne cimente tes murs, aucun courant spontané de mots ne m'amène une viabilité décente et aucune épreuve d'impression ne consolide ton toit troué devant le bon scintillement des étoiles moqueuses, suspendues au-dessus des demeures plus durables. Je revis le cauchemar des exercices poétiques de Rilke, s'aventurant dans les scansions françaises ou russes (sans parler de Casanova, Tchaadaev, Wilde et même de Nabokov ou G.Steiner, tous plus à l'aise avec le français que moi), ce ratage flagrant me met en garde. N'importe quel cornichon a le pressentiment de ce magnétisme intérieur qui oriente et débrouille les mots, même décousus, d'une langue maternelle. La maîtrise du clair-obscur n'est possible que si toute la gamme lumineuse est apprise déjà au berceau. Je ne peux, hélas, atteindre ni l'éclairage direct de Joubert, ni la lumière tamisée de Valéry, ni même l'étincelle soudaine de Cioran. Je suis condamné à me contenter du déclaratif risquant ne déboucher sur rien de procédural. Que d'élans n'aurais-je cherché à greffer ou insuffler aux mots convalescents et qui, en retour, m'alarment par une réaction de rejet de corps étrangers !
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préface
Le français n'étant que mon faux ami, un outil d'emprunt, tant d'écorchures de métèque seront visibles sur les mots habitués au polissage d'autochtones ! Mais la tentation est si grande d'épeler ma musique dans la langue de Montaigne, La Rochefoucauld, Chamfort, Joubert, Valéry. Je ne suis pas dupe, l'aphorisme, genre autrefois aristocratique, n'attire aujourd'hui que des plébéiens, prêtant plus d'attention à l'actualité qu'à ce qui échappe aux actes des hommes. Ce livre est un ennemi de la gazette. Je n'ai aucune envie d'étaler ma biographie en en mettant en relief des recoins rugueux et exotiques. La seule curiosité que j'accueillerais volontiers serait celle pour mon ton, non pour mes raisons. Mes expériences - le langage mathématique, la mathématique du langage, l'art intellectuel, l'intelligence artificielle, la plume qui me trahit, l'ordinateur qui me ressemble - n'apportèrent rien au choix de mes vocables. Que j'aie connu les pires misères, subi les pires humiliations au pays marqué par la grandeur du malheur - tout s'efface devant le bonheur de sentir le souffle d'une vie inaboutie animer un livre achevé.
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préface
Périodiquement, pendant les quatre siècles précédents, Pascal, Hegel, Nietzsche et Valéry nous proclamaient déjà orphelins de Dieu, mais celui-ci revint en force, plus jovial et sain que jamais, incarné dans des idoles socio-économiques et confirmé par des miracles en béton. Les annonciateurs optimistes comptaient sur la résurrection de Dionysos, c'est Mercure qui plante partout ses lieux de culte. Le Mercure des marchands et non le Mercure des messagers et des interprètes. Avec la puissance des messageries les messages se dévitalisent, et les interprètes, qui nous inondaient jadis de rimes et de rythmes, sont à leur tour submergés par le déferlement de protocoles et de modes d'emploi, les genres qui sont aujourd'hui au service aussi bien des platitudes surfaciques que des profondeurs volumiques. À l'ampleur impassible et toute robotique qui envahit tous les livres de la cité, je veux opposer une hauteur sans échelle ni fondations, séjour d'ironie et de honte, substitut des déserts disparus. Mais que devient son destinataire ? - l'homme est à l'agonie, tandis que ses héritiers putatifs, le mouton et le robot, égarèrent sa dernière volonté.
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préface
Le lecteur que je vise serait de l'espèce de plus en plus rare : c'est un amoureux de la noblesse de Nietzsche, de l'intuition de Valéry, du ton de Cioran, c'est un Européen, raté et orgueilleux. L'Europe se tourne vers un avenir transcontinental, la société dépêtre les plus gauches, seule la réussite fait rehausser l'âme de l'homme moderne. Le nombre de lecteurs d'un livre est proportionnel au nombre d'écrivains capables d'en relever l'enjeu. Cioran parti, je ne vois pas qui, dans ce monde dépeuplé, aurait pu s'atteler à la tâche que je me suis imposée, ce qui ne présage pas un grand succès de librairie.
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action
Les actions sont des tumeurs de l'espace, comme le bon sens est une tumeur du temps. Ce sont les échecs de parcours, il faut les laisser crever, mourir de leur propre mort. Les échecs de départ, échecs fondateurs (Sartre), ou les échecs d'arrivée, échecs d'implexe (Valéry), les seuls à pouvoir servir de leçons et donner la mesure à l'étendue ou à la durée de mon exaspération.
chemin,défaite,mort,réalité,temps

action
L'acte de Valéry est une rigueur naissante ; la rigueur de Spinoza est un acte né, stérile. Spinoza se nourrit de mots creux et usés (là où Heidegger, au bas mot, en trouve de pleins et neufs) ; Valéry - d'images réalisables, de concepts vitaux excitant l'intelligence.
esprit,idée,mot,représentation

action
Attendre de l'art, qu'il vous apprenne quelque chose, qu'il vous arme, - étrange obsession des meilleurs, y compris Valéry. Je n'apprends que dans des guides statistico-savants ; une œuvre d'art devrait donner aux inéluctables fuites de soi la fraîcheur des sources, nous démunir de pores ou munir d'a-pories vitales, nous décuirasser, pour rendre la débâcle moins humiliante et plutôt cérémonielle.
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action
Peser l'homme en fonction de ce qu'il veut (Nietzsche, l'acte-intensité), de ce qu'il peut (Valéry, l'acte-compétence), de ce qu'il doit (Tolstoï, Tagore, les francs-maçons, l'acte-performance) - je le réduirais à ce qu'il vaut dans l'art de fabrication de balances et de l'inaction.
auteur,balance,hommes,intensité,savoir,valoir

action
La liberté n'explique ni n'introduit rien dans nos rapports avec le mal. Le mal est inhérent à toute action ; l'homme le plus vertueux en commet autant qu'un robot, une hyène ou un mouton. C'est comme ces deux personnages de Valéry, l'un calculant tout et l'autre tirant ses choix au hasard - et arrivant au même résultat. Ne prouvent la liberté que des sacrifices ou fidélités irrationnels : « Agir de façon parfaitement rationnelle, ce n'est pas agir librement »** - Aristote. Et c'est encore Valéry qui parle de bassesse rationnelle et de hauteur irrationnelle.
hauteur,hommes,jeu,liberté,mal,mouton,sacrifice,souffrance

action
L'action selon Valéry va du sentiment à la forme, et selon moi - de la forme à son fond réel ; Valéry l'identifie avec l'enveloppement et moi - avec le développement. Son l'homme est action et mon l'homme s'arrête à l'action disent, en définitive, la même chose. Nous sommes d'accord, que la quête la plus passionnante de l'art concerne le cheminement imprévisible entre l'impression et l'expression. L'expression fixée doit rester sans prolongement.
art,auteur,discursif,question,réalité,sentiment,style

action
Valéry ne parle que de l'action, et je n'y entends que du rêve ; Nietzsche ne parle que du rêve, et le sot ne lui trouve qu'un appel à l'action.
auteur,rêve

action
Exercices de circonstances - c'est ainsi que Voltaire et Valéry voyaient la poésie. Bander, de temps en temps, mon arc et ne pas craindre de rejoindre l’au-delà sans vider mon carquois. L'essentiel n'est ni dans les flèches, ni dans les cibles, mais dans l'attouchement de certaines cordes et leur bonne tension. « L'espoir, c'est la flèche qui vole, tout en restant au fond du carquois »** - Kierkegaard.
audace,espérance,flèche

action
Créer résulte du devoir (le Christ) ; créer équivaut au vouloir (Nietzsche) ; créer traduit le pouvoir (Valéry). Créer, c'est une unification des trois ; créer, c'est le soi connu, la face lisible du soi inconnu, du valoir.
création,inconnu,valoir,soi

action
L'homme Nietzsche n'a rien à voir avec la puissance, comme l'homme Valéry - avec l'action ; mais, pour tous les deux, savoir est synonyme de vouloir, d'où un remarquable parallèle entre la volonté de puissance et le savoir-faire, qu'ils choisirent pour leurs emblèmes respectifs.
force,savoir,valoir

action
Sisyphe versait le trop plein de son cœur dans le vide de la vie. Le monde est vide, quand le but perd de son poids ; le cœur est plein, quand les contraintes lointaines emboîtent le pas au but immédiat. La souffrance de Sisyphe est supérieure à celle de Tantale (la souffrance tient en forme l'âme, et « Sisyphe se faisait les muscles » - Valéry), comme la contrainte suivie est supérieure au but poursuivi, pour maintenir notre fringance.
âme,balance,cœur,contrainte,force,souffrance,vide

action
C'est avec les graines du champ de l'impossible qu'il faudrait ensemencer celui du possible. Pour des récoltes immortelles, la génétique modifiée est sans danger. « Ô mon âme, n'aspire pas à la vie immortelle, mais épuise le champ du possible » - Pindare. Ne pas se laisser envahir par l'ivraie du nécessaire. C'est ainsi que t'avaient lu et mis en exergue, respectivement, Camus et Valéry. La vie, la beauté, le Bien, pour la raison mécanique, la machine, sont impossibles. Regardez, aujourd'hui, les champs du possible, en peinture ou en musique, - les distinguez-vous des décharges publiques ? Et l'écriture, elle aussi, subit chaque jour davantage cet urbanisme lugubre et aculturel, ennemi de la kénose vivifiante.
absurde,âme,art,audace,beauté,bien,culture,élan,musique,nécessité,…

action
À vue de nez, l'héroïsme est une camelote périmée, dont n'émane plus aucun parfum de renommée ou de mythe. Le pragmatisme pestilentiel remplit désormais le rayon des actions. La caducité est spatiale pour le sage (même pour le Sage du Café du Commerce - Valéry), temporelle pour les autres.
gloire,utilité

action
Maîtrise de son métier : donner à l'exercice l'intensité de la fatalité. Et quand, avec Valéry ou Kafka, on se dit, que la grande œuvre n'est qu'un exercice, on n'est plus fâché avec ces contre-maîtres de constructeurs, tout en retournant chez les architectes des ruines (le mot ascèse vient du mot exercice). Il se trouve, que leurs maîtres sont les mêmes que ceux qui bâtissent des châteaux en Espagne, mais leur style reste inconnu des apprentis : « Il n'y a aucune règle d'architecture des châteaux en Espagne » - Chesterton - « There are no rules of architecture for a castle in the clouds ».
château,intensité,maîtrise,rêve,révolte,ruines

action
Ce qui rend le commencement suffisant et tout développement – superflu, c'est la musique déterminant et le thème et le rythme. « Une action est rythmée, quand elle dépend uniquement de son commencement » - Valéry.
commencement,discursif,musique

action
Disposer de routes peut même dispenser de cheminement et calmer le prurit d'inquiétude : « Il n'y a pas de chemin vers la paix ; la paix, c'est le chemin » - le Bouddha. Et le tao chinois n'est qu'une voie, un commencement actif et un mouvement passif, les deux se passant de logos des fins, un concept à mi-chemin entre l'être et le devenir. Et Jésus ne connaît pas d'autres chemins que Lui-même. « Faire, c'est se faire » - Valéry.
angoisse,chemin,christianisme,commencement,être,idée

action
Qu'est-ce que l'acte, que devrait provoquer une maxime ? - une mise en mouvement de mes fibres poétiques, aboutissant à une impression musicale. Est-ce que Valéry : « La formule n’est jamais qu’un commencement – et il faut en arriver à l’acte » - voulait dire la même chose ? Le commencement est le tout de l'action de l'aphoriste, et l'acte n'est qu'une partie de la réaction du lecteur. Un résultat d'unification de deux arbres.
arbre,commencement,maxime,musique,poésie

action
Pascal, Nietzsche et Valéry sont d'accord, pour ne pas glorifier le soi connu, c'est à dire nos productions ; mais là où Pascal le proclame haïssable, et Nietzsche lui voue une haine farouche, Valéry, le plus intelligent des trois, se contente de le trouver insignifiant.
esprit,haine,intelligence,soi

action
Répudier une pensée ou une action est également facile ; on les garde faute de mieux ou grâce à une ignorance étoilée. « Nous ne ferions rien dans ce monde si nous n'étions guidés par des idées fausses » - Fontenelle. Ouverts dans l'action même, les yeux doivent se fermer dans sa justification : « Que de choses il faut ignorer pour agir ! » - Valéry. L'immobilité interne nous traduit plus fidèlement que l'action externe. L'action est manichéenne, la pensée ne doit pas l'être (Malraux et R.Debray). Avec le savoir, on trouvera toujours une contrainte, qui interdira à l'action d'être moyen et but. Refuser les contraintes de la raison, c’est vulgariser les commencements du cœur : « Pour faire du Bien, il faut que le cœur n’écoute plus l’esprit » - Pasternak - « Чтобы сделать добро, нужна некоторая беспринципность сердца ».
bien,cœur,commencement,contrainte,esprit,idée,philosophie,raison,savoir

action
Mes actions font appel à ma force ou à ma musique, à l'arc ou à la lyre. Je tends le mieux les cordes d'arc - dans une attitude malgré ou contre. La lyre se tourne vers le oui fraternel, elle n'a pas grand-chose à gagner avec des ennemis : « L'ennemi, lui aussi, fait vibrer ta corde sensible. Pour qu'elle casse »* - S.Lec. Tandis qu'avec l'arc « nos vrais ennemis sont silencieux »* - Valéry – pour nous faire relâcher nos cordes désœuvrées.
auteur,élan,flèche,fraternité,lutte,musique,négation,silence

action
Dans l'action, le corps défigure l'âme ; dans la réflexion, l'âme redessine le corps. « C'est la vie, et non pas la mort, qui sépare l'âme du corps »* - Valéry.
âme,caresse,mort,raison,vie

action
En littérature, l'action s'oppose à la reproduction. « Je prends la plume pour l'avenir de ma pensée, non pour son passé. Je parle bien, si je bâtis en même temps que je parle »** - Valéry. Les autres copient le présent des choses. La forme architecturale future du bâti résulte de la résolution de contraintes présentes, tandis que le passé du but n'en donne qu'un fond utilitaire. Dans la conception, charnelle ou poétique, on ne connaît point l'enfant à naître.
art,contrainte,création,poésie,style,temps,utilité

action
La valeur d'un discours est dans la qualité de son passage au non-verbal, à ce que Valéry appelle acte ; celui-ci peut avoir deux origines : la profondeur de la représentation sous-jacente (le savoir) et la hauteur de l'interprétation haute (l'imagination). Mais la philosophie académique, c'est de la traduction du verbal en verbal ; sans aboutissement à l'acte non-langagier, au logos, tout discours n'est que de la logorrhée.
hauteur,interprétation,langue,philosophie,représentation,savoir,valoir

action
L'humilité des buts, la neutralité des moyens, l'intérêt des contraintes profondes, la passion des hauts commencements. « Je suis fier de mes obstacles »** - Valéry.
acquiescement,amour,commencement,contrainte,grandeur,hauteur

action
La raison n’est pas la seule à dicter les motifs de nos actions : l’esprit en formule les raisons explicites, le cœur en souffle les implicites, et l’âme, chez les créateurs dans l’âme, en bâtit la mystique. « Les mythes sont l’âme de nos actions et de nos amours »** - Valéry.
âme,amour,cœur,création,esprit,mystère,raison

action
Le câblage des représentations, dans un cerveau humain, est une opération encore plus mystérieuse que la gestion de la mémoire. L’intelligence n’y est pas un pré-réquisit nécessaire. En revanche expliciter ces représentations, pour justifier tes assertions n’appartient qu’à l’intelligence. Valéry appelle ces justifications – actes, et dont le contraire seraient une intuition, pure ou naïve, ou des actes de perroquet.
intelligence,mémoire,mystère,négation,représentation,simplicité

action
Tout acte (comme toute pensée) est fruit d’une routine (sociale ou langagière) ou d’un hasard (l’état des muscles ou l’état d’âme) ; d’après le pénétrant Valéry, il serait un lapsus, tandis que le but d’un créateur (homme d’action ou homme de rêve) serait d’en faire entrevoir des invariants.
âme,création,force,idée,jeu,langue,rêve

action
Désirer l’inaccessible, c’est-à-dire rêver, c’est renoncer à l’action au profit du rêve. Pour l’accessible, on peut être d’accord avec Valéry : « L’action transforme le désir en possession de la chose désirée ».
élan,inconnu,maîtrise,rêve

alain
Qui est libre est désarmé.
action
Notre matière est double, elle est faite de ce qui est digne d'être sacrifié et de ce qui appelle notre fidélité ; être libre, c'est n'offrir aux regards envahissants des autres que la première composante et cacher, jalousement, la seconde, pour ne pas être contraint de se chamailler pour elle, c'est à dire de devenir esclave, piétaille hérissée. Toutefois, le premier emploi des armes n'est pas dans le fonctionnel, mais dans le rituel (« les armes - après la toge » - Cicéron - « cedant arma togae »). Des ruses des métaphores, d'impeccables relèves, d'élégantes parades - tant de raisons d'exhiber une martialité de mascarade. La vraie, il faut la réserver à soi-même : « Il faut entrer en soi-même armé jusqu'aux dents » - Valéry. Malheureusement, les sots, eux aussi, y croient : « La bêtise armée est le pire des maux » - Euripide. La neutralité armée (Kierkegaard) serait-elle le juste-milieu ?
contrainte,esprit,goût,hommes,liberté,matière,métaphore,regard,sacrifice,souffrance

valéry p.
Tout ce que nous pouvons a fini par s'opposer à ce que nous sommes.
action
Ce gouffre, que nos contemporains ne voient point, est la véritable origine de nos hontes et de nos désespoirs. Un robot pourrait désormais faire l'essentiel de ce que nous pouvons. Dans le désert, au moins, nous sommes dans un vouloir de la nature, et avec autrui - dans un devoir de la culture.
culture,désert,espérance,être,honte,nature,valoir

valéry p.
Tu ne m'apprends rien, si tu ne m'apprends à faire quelque chose.
action
Tu m'apprends beaucoup, si tu m'apprends à ne pas faire une chose, sur laquelle il valait mieux rêver. Au pays de l'action, être, c'est faire. Au pays du rêve, faire, c'est être.
être,réalité,rêve

valéry p.
Tout homme tend à devenir machine. Habitude, méthode, maîtrise, enfin - cela veut dire machine.
action
Même la sédition n'ajoute souvent que quelques boutons ou quelques écrans de plus. L'unité centrale se réduisant de plus en plus aux besoins des périphériques. La machine, au moins, dispose d'algorithmes, c'est à dire d'arbres de prises de décision, chargés d'inconnues, tandis que l'homme se réduit, de plus en plus, aux habitudes, à ces algorithmes dégénérés, puisque dépourvus de variables.
arbre,école,frontière,hommes,maîtrise,nécessité,robot

valéry p.
Le véritable orgueil est le culte rendu à ce que l'on voudrait faire, le mépris de ce que l'on a fait.
action
Autant ce mépris est louable, autant cet orgueil n’est qu’un vœu pieux – l’espérance hypothétique contre la consolation authentique. Je préfère une fierté qui t’interdit d’agir dans la platitude - une noble contrainte ! - pour rêver dans la hauteur. Mépriser les façades des actes, se réfugier dans des souterrains des rêves.
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valéry p.
Pour rendre la main libre au sens de l'œil, il faut lui ôter sa liberté au sens des muscles.
action
La course du regard doit beaucoup aux entraves de l'acte. La liberté surgit, lorsque je refuse non seulement la fidélité aux muscles, mais aussi la liberté à l’œil, pour n'écouter que le regard sacrificiel de l'âme.
âme,contrainte,liberté,regard,sacrifice

amour
Les plus sensuels de mes désirs ne sont assouvis ni réussis que par des crapules à la délicatesse des pachydermes. L'ascèse doit venir du dégoût plus souvent que de l'enthousiasme. « Le goût est né de mille dégoûts » - Valéry.
caresse,enthousiasme,goût,haine,intensité,platitude

amour
La basse liberté consiste à refouler ses passions et à ne suivre que ses intérêts ; pour les hautains, « la liberté est sensibilité » - Valéry. On ne prouve sa haute liberté qu'en agissant contre la voix de la basse raison ou en acceptant une haute servitude ; la liberté est un désordre, salué par l'âme ; les robots professent le contraire : « La liberté consiste à instituer hors de soi un ordre de raison » - Levinas. L'acte, appuyé sur le seul calcul et derrière lequel ne palpite aucune sensibilité, ne peut être libre : « Aimer et haïr, les deux choses les plus libres au monde »** - Sénèque - « amare et odisse, res omnium liberrimas ».
bassesse,haine,hauteur,liberté,raison,utilité

amour
Chez les écrivains, il y a une énigmatique relation entre la qualité de leurs amours secrètes et le degré de fébrilité de leur style ; mais je ne saurais déterminer où est la cause et où est l'effet. Les amours délicates favoriseraient les classiques (Goethe, Flaubert, Valéry), les amours banales réveilleraient les romantiques (Lamartine, Hugo, Pasternak), les amours vulgaires pousseraient les véhéments (Tolstoï, Nietzsche, Cioran). L'esprit, le cœur ou le corps y sont conducteurs de leurs émois. Mais il semblerait que le plus parfait organe de l'amour fût, malgré tout, l'âme (Goethe serait du même avis) ; et c'est l'exemple unique de Tsvétaeva, qui connut toutes les trois sortes d'amour et n'aima que de l'âme, et qui en est la plus belle et la plus tragique illustration.
âme,cœur,élite,esprit,romantisme,style,tragédie

amour
On reconnaît trois tons distincts dans la littérature : de ceux qui ne sont pas aimés, de ceux qui le sont, de ceux qui s'en fichent. Ceux-ci : Dostoïevsky, Flaubert, Valéry. Les deuxièmes : Montaigne, Tolstoï, Rilke. Les premiers : Pascal, Nietzsche, Cioran.
art,goût

amour
Le mystère est présent aussi bien dans l'être du réel que dans le devenir - devenir soit de l'inertie algorithmique (voulue par Dieu, sous forme de science ou d'apprentissage), soit de la création (artistique ou sentimentale). L'invention inspirée paraît se rapprocher davantage du fond du réel que de la représentation rigoureuse ; l'invention, c'est l'imagination non maîtrisée par la volonté ; et quand la poésie anime l'imagination, c'est le beau se fusionnant avec le bon et produisant l'amour, cette poésie de l'imagination. La poésie de l'intellect (Valéry), c'est également de l'invention heureuse. Aimer, c'est s'arracher à l'inertie de la cervelle et se laisser guider par l'invention du cœur. « L'amour est une espèce de poésie » - Platon.
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amour
L'amour fuit les preuves et les développements ; il veut réduire à la forme de maximes caressantes tout le fond écrasant de la vie ; la caresse, que la main lascive ou le verbe furtif m'offrent, c'est une maxime d'un bien suspendu. « Laisse-moi l'aphorisme ; j'attends l'arbre et l'amour »** - Valéry.
arbre,bien,caresse,discursif,maxime,style,vie

amour
Aujourd'hui, qu'est-ce qui aime et admire ? Avec le dépérissement du Bien, remplacé par les codes, le cœur devint inutile et légua ses fonctions à la raison. Avec l'extinction des âmes (l'agonie de l'âme européenneValéry), l'esprit reste le seul juge du Beau, devenu Joli, suite aux attentes de la foule raisonneuse et calculatrice.
âme,beauté,bien,cœur,esprit,europe,modernité,mort,mouton,raison

amour
Qui rêve le plus intensément d'une folie des sens ? - un maître du sens, un sage. L'érotisme est la folie la plus irréductible et, donc, la force d'esprit en est un adversaire, mais c'est à sa faiblesse consentie qu'appartient d'en résumer les égarements. « L'esprit a besoin de son impuissance pour faire l'amour » - Valéry – joli calembour !
caresse,esprit,folie,force,intelligence

amour
Une attitude qui, par la volonté bien bête d’être original en tout, répugne à l’instinct charnel (le Nietzsche frustré et le Valéry comblé y succombent), cette attitude ne voit pas qu’on n’est en partage avec les autres que par l’esprit et non pas par le cœur. Et l’ivresse d’un cœur débordant ou d’un corps palpitant est semblable à l’ivresse de l’âme enchantée, à l’écoute d’une musique. L’esprit devrait se taire ou s’éclipser devant toute ivresse incompréhensible ou cachottière.
absurde,âme,caresse,cœur,défaite,élan,esprit,mouton,musique,silence,…

amour
Qu’on soit de tempérament monacal, narcissique ou donjuanesque, quand on veut passer pour artiste, on cherche la séduction : « Qui séduire, seigneur Auteur, est-ce Mammon, Démos, César, Dieu ? » - Valéry. César et Démos, désormais, sont au service de Mammon ; il reste Dieu, ce guide des amoureux et des poètes.
argent,art,dieu,mouton,poésie

amour
Même l’amour le plus indubitable ne saurait nommer ce qui l’attire vraiment dans l’être aimé ; et cette source inconnue est peut-être inconnaissable ou introuvable. « L’amour s’adresse à ce qui est caché dans son objet »** - Valéry.
doute,inconnu

amour
Oui, comme tout au monde, l’amour est un arbre, dont le premier don, cette fois-ci, ce sont ses ombres, dans lesquelles se love la volupté. L’austère Valery apprécie surtout ses racines : « L’amour croît comme une plante, et ce qu’on en voit, à savoir les feuilles et les fleurs et les fruits et la tige, n’est rien sans ce que l’on ne voit pas, les racines ». Pourquoi croître là où il s’agit de s’ébattre ? Ne pas voir est bon pour rêver ; voir est préférable pour se river.
arbre,bonheur,intensité,mystère,ombre,regard,rêve

amour
L’amour et l’art sont les seules activités, où l’ange et la bête, en nous, se fusionnent, se détachent de la réalité et se livrent au rêve. « Le mélange d’amour avec esprit est la boisson la plus enivrante »** - Valéry.
ange,art,esprit,folie,réalité,rêve

amour
Même dans l’amour, les contraintes valent plus que la liberté : « L’intimité véritable repose sur le sens mutuel des pudenda et des tacenda »** - Valéry.
contrainte,honte,liberté,silence

amour
L’ange et la bête, en toi, se regardent, d’habitude, en chiens de faïence, mais leur entente contre nature peut te rendre narcissique. « L’ange et la bête se regardent par les mêmes yeux et finissent par s’aimer » - Valéry.
ange,regard

valéry p.
Un sentiment bien circonscrit est un sentiment mutilé.
amour
Laissons-le dans l'incertitude de la convalescence, hésitant entre ailes et béquilles, entre rayon et circonférence. Fuyant ses limites, vers son centre introuvable, il deviendra ouvert, c'est à dire incurable ou immortel.
défaite,étoile,inconnu,mot,ouvert,sentiment,souffrance

valéry p.
Je t'aime, donc, je ne te sais pas. Donc je te bâtis.
amour
Et plus cette architecture s'inspirera des ruines, et son confort - d'une auberge espagnole, plus délicieuse y sera l'illusion d'un château en Espagne.
château,création,rêve,ruines,savoir

valéry p.
Je comprends ce que l'amour pourrait être. Excès du réel ! Les caresses sont connaissances. Les actes de l'amant seraient des modèles des œuvres.
amour
Deux sommets humains opposés, le rêve et la caresse, laissent le savoir et l'amour en état de manque. Le réel n'en est que la partie débordante ; l'art, c'est à dire le rêve traduit en caresses, en étant le contenu.
caresse,inconnu,réalité,représentation,rêve,savoir

valéry p.
On demande des modifications, car on n'aime jamais qu'un fantôme.
amour
La face réelle de l'aimé devrait ne servir que de contrainte facilitant le glissement vers le but fantomatique. Le contraire de l'artiste, dont le but est réel et les contraintes - fantomatiques.
art,contrainte,création,négation,rêve

tsvétaeva m.
Чувство всегда начинается с максимума, а у поэтов на этом максимуме и остаётся.

Le sentiment est au maximum à sa naissance et, chez les poètes, il ne va pas plus loin.
amour
Nietzsche veut remplir toute forme avec une même intensité, ce qui en constitue l'éternel retour ; Tsvétaeva va en sens inverse : étant donnée l'intensité, lui trouver une forme, ce qui en constitue la création : « À toute intensité, venue d'ailleurs, imaginer ce qui la forcerait, de nouveau, à se remplir » - Benjamin - « Jeder Intensität als Extensivem ihre neue gedrängte Fülle zu erfinden ». C'est dans le sentiment que Valéry place et le départ et le retour : « Je cherche le calcul du sentir - penser - agir, qui définit l'Éternel Présent ». L'homme fade attend tout de l'accroissement, du passage du simple en expression au complexe en sentiment. Du complexe en expression au simple en sentiment est peut-être le seul cheminement, qui préserve la hauteur. Le vrai sentiment sait, qu'il est condamné, et n'attend rien de l'expérience. « Tu seras simple si, sans t'impliquer dans le monde, tu l'expliques » - St-Augustin - « Eris simplex, si te non mundo implicaveris, sed ex mundo explicaveris ».
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art
Trois races d'écrivain-éponge : ceux qui s'adressent aux contemporains (solution temporelle), aux pairs (problème spatial), à soi-même (mystère vital). Le message universel ne naît que chez les derniers : Nietzsche, Valéry, Cioran. Et leurs morts, étrangement espacées chaque fois d'un demi-siècle précis…
mort,mystère,soi,temps,universel,vie

art
On comprend ce qu'est un bon écrivain, en confrontant les plaisirs comparables à la lecture de Nietzsche ou de Valéry : le premier écrit avec son corps, sans se soucier du mental ; le second occulte le corps et ne fait que sonder les états mentaux, mais j'y retrouve le même homme, hors tout cadre temporel ou spatial, l'homme seul, résumant tout l'univers.
esprit,solitude,temps,universel

art
Les sources du beau sont en nous, mais nos traductions n'étant pas en chaque occasion assez artistiques, devant le beau réussi des autres nous éprouvons l'envie de nous taire, d'arrêter notre discours sans grâce et, confus, de nous reconnaître, enfin, dans la production d'un autre. C'est, je crois, un sens possible du « le beau désespère » de Valéry. Un autre serait la sensation de chute de la trajectoire artistique : de la loi de l'être vers le hasard du devenir, à l'opposé de la science : du hasard de l'être vers la loi du devenir - le vrai rassure.
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art
Ce que j'attends de la littérature : soit de la matière intelligente, relevée par le talent (Valéry), soit un ton, qui se prêterait, à la fois, à la lecture à travers les pleurs ou à travers les rires (Shakespeare et Cervantès). Mais ces deux sources, apparemment, ne se croisent jamais.
esprit,intelligence,matière,musique,style,tragédie

art
Les plus ambitieux visent la fusion langagière du statufié et de l'exalté : Heidegger, avec ses révérences à Sophocle et Hölderlin, fait chou blanc dans un langage pourtant naturel ; Cioran, avec Valéry et Nietzsche en références, tire son épingle du jeu dans un langage entièrement inventé.
artificiel,création,langue,sentiment,style

art
La hauteur du goût ne cédant pas à la hauteur du dégoût - Byron, Leopardi, Lermontov - un équilibre rarissime, mais à un niveau modeste. Ah, si Valéry avait les dégoûts de Bloy, ou Bloy - le goût de Valéry !
goût,haine,hauteur

art
Tout travail littéraire est érection d'un temple, autour de ton image, que tu aimerais vénérer. Les apports des autres sont de deux types : fournir des matériaux impérissables ou démolir d'autres idoles. La dernière catégorie est la plus rare, et son rôle est capital ; ma reconnaissance va à Nietzsche, à Valéry, à Cioran, les seuls à savoir renverser les épouvantails du savoir et des écoles. Je me construis autour de leurs questions : Pourquoi je suis le mieux sculpté ? mes miracles sont-ils le plus inattendus ? Comment prier au milieu des ruines ?
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art
Cioran croit, sérieusement, que ce qu'il a à dire est plus important que son style ; Nietzsche occulte le fond et soigne le ton ; Valéry est parfaitement conscient de la part et du fond et de la forme. Le premier ne comprend rien ; le deuxième ne cherche pas à comprendre ; le troisième comprend tout. Mais on ne retiendra de tous les trois que la forme, puisque n'importe qui peut comprendre et même narrer notre fond commun. Tous les trois savent chanter, et peu importe si ce qu'ils ont à dire s'y mêle.
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art
Tout texte - autant en poésie qu'en plomberie - est une suite de métaphores : de banales, de mauvaises, de bonnes. Dans la grande littérature, cette proportion est de 90 - 9 - 1 ; chez Nietzsche : 20 - 10 - 70 ; chez Valéry : 30 - 5 - 65 ; chez Cioran : 5 - 10 - 85.
balance,esprit,goût,ironie,métaphore

art
Trois dons majeurs d'écrivain - un tempérament, une hauteur, une ironie - que possèdent, séparément et sans partage, trois maîtres français : Bloy, Valéry, Cioran (en Allemagne, la morgue et le nihilisme de Schopenhauer et le port altier de Nietzsche ; en Russie, depuis l'espiègle Pouchkine, ironie est synonyme de légèreté). Sans atteindre les sommets de chacun, dans sa spécialité, ce livre aimerait en présenter l'équilibre.
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art
La seule nourriture terrestre est la vie, tout écrit ne vaut qu'en tant qu'un excitant (Valéry jugeant Pascal ou Nietzsche). Mais c'est, curieusement, Nietzsche qui considérait comme excitants pernicieux, barbarica, ce qu'est la vraie vie : « erotica, socialistica, pathologica. ».
caresse,cité,intensité,vie

art
L'étrange surdité du goût chez ceux qui en ont pourtant une bonne vue : Platon préférant les généraux aux poètes, Nietzsche reconnaissant son devancier en Spinoza, Nabokov sélectionnant Robbe-Grillet, Valéry et ses faux modèles de Descartes et de Mallarmé, Cioran en admirateur de Saint-Simon ou Fitzgerald, G.Steiner voyant le plus grand génie du siècle en Proust (qui est pire que Saint-Simon, tout en pratiquant la même tonalité sirupeuse et nauséabonde).
gloire,goût,grandeur

art
Deux écoles de la littérature française : celle de la liberté ou celle de la contrainte, le XVI-ème licencieux ou le XVII-ème cérémonieux, aboutissant à Rimbaud ou à Valéry. Il faut choisir entre siat et fiat, entre une vie donnée et une vie à donner. L'universalité semblant être dans la liberté, le second courant finira par n'être apprécié que des élites cosmopolites.
contrainte,création,école,élite,hommes,liberté,élite,modernité,représentation,universel

art
Je pratique une large démocratie dans le choix de mon jury de l'ombre : un comte, un secrétaire de direction, un vagabond - Tolstoï, Valéry, Cioran. Eux seuls pourraient comprendre mon attitude de condamné, s'accrochant au banc des accusés, au milieu des étoiles.
auteur,défaite,étoile,fanatisme,honte,pose

art
C'est la recherche mécanique de nouveautés à tout prix, qui déprécie l'art le plus sûrement ; le beau naît rarement d'une métamorphose d'un autre beau, il lui faut partir d'un point zéro de la création. Le commentateur ou l'épigone profane le beau, lorsqu'il n'en extrait que le vrai : « Il nous jette du beau dans le vrai, du vrai dans le pur, du pur dans l'absurde, et de l'absurde dans le plat »** - Valéry - la platitude est l'avenir, déjà largement réalisé, de l'art, qui se sépara définitivement du beau.
absurde,ange,commencement,création,platitude,vérité

art
Le langage aurait dû être le seul lien visible de l'écrivain avec son siècle. Qui réussit cette gageure ? - Leopardi, Nietzsche, Valéry.
langue,temps

art
Signes d'une noble écriture : un ton, qui conviendrait au plus illustre et au plus obscur des hommes, au plus ambitieux et au plus humble, au pécheur et au vertueux. Cervantès, Dostoïevsky, Valéry.
acquiescement,gloire,grandeur,mal,noblesse

art
Communiquer avec le lecteur, c'est laisser de la place à son regard, à sa perplexité, à son arbitraire. « Grand homme est celui qui laisse après soi les autres dans l'embarras »** - Valéry. Ne pas suivre l'inertie, pour aller jusqu'au bout d'une idée, s'arrêter au plus fort d'une tentation, laisser les sons mourir de leur propre éloignement. Les vagues de communion, une fois les fonds bien secoués, ne sont portées que par le vide.
continuité,doute,grandeur,idée,interprétation,liberté,regard,vide

art
L'écriture devrait servir à maintenir à une hauteur recherchée mes troubles d'âme. Non pour chatouiller ma vanité par des visions de chutes ou d'envolées. Garde ta disponibilité de volatile : « Être léger comme l'oiseau et non comme la plume » - Valéry. Plume à la main, je suis un juge dessaisi ou un accusé par contumace.
âme,caresse,défaite,élan,hauteur,honte,maîtrise

art
Tout est cerné, ravagé, occupé par le journalisme. Aucune trace de Gide ni de Valéry dans les lettres françaises. Cioran, dans une ultime convulsion, clôt l'agonie de la lettre, qui n'est plus qu'un cimetière comblé, sans renouvellement de concessions crédible.
défaite,modernité,mort,platitude

art
L'homme de plume est fait du don, du fond et du ton. Sans savoir me prévaloir ni du don de Cioran ni du fond de Valéry, je ne trouve qu'une seule proximité possible : avec le ton de Leopardi.
auteur,esprit,musique,nécessité,proximité,style

art
Mon admiration oscille entre l'art de la naissance (paysage de Valéry) et l'art de la transformation (climat de Nietzsche). Mais les deux fuient le pire, celui de la nature morte. L'élégance d'une logique monotone, l'audace d'une logique non-monotone. Quelle cervelle que celle de Valéry, voyant en Nietzsche « un essai d'une logique à base réflexe » !
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art
Trois sortes d'audace font reconnaître un maître : l'audace pré-langagière (Cioran), l'audace de langue (Rilke, Pasternak), l'audace de concepts (Valéry). Et Shakespeare en est le plus grand, car il a l'audace de les pratiquer toutes les trois, même sans posséder la profondeur des premiers. Le talent veut gloser sur les autres, le génie peut oser la confiance en son propre soi inconnu.
audace,esprit,grandeur,hauteur,idée,inconnu,langue,représentation,soi

art
Même les plus obtus des philosophes professionnels (« la tourbe philosophesque » - Rousseau) se doutent bien, que leurs concepts sont dus au hasard, à l'impéritie et à l'inertie, que leurs preuves ne sont que fatras de sentences d'apparence logique (« Les résultats de la «métaphysique» sont et doivent être nuls, plaisir à part » - Valéry), et que le poète, par son jeu de métaphores, atteint le même but avec autant de rigueur et avec plus d'élégance.
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art
L'art consiste en ceci : dans mes vouloir, devoir, pouvoir - qui présupposent toujours une dualité - virtualiser leur objet, ne parler qu'au nom du valoir, devenir monologue de l'arbre (même Valéry n'en préconise que le Dialogue !), d'un arbre à variables, ouvert au dialogue, futur et virtuel, avec un arbre interprétatif.
arbre,concept,ouvert,solitude,valoir

art
Lecture intellectuelle : œuvre - masque - machine (Valéry). Lecture affective : plaisir impur - admiration purifiante - enthousiasme pur. Je sais qu'en jetant les masques, c'est-à-dire en renonçant au style, je n'offre au regard qu'un visage impur, et que la machine ne peut tourner qu'à l'essence impure.
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art
L'artiste d'antan voulait s'adresser à Dieu ; celui de nos jours se produit devant son spectateur ou son lecteur ; l'homme fait la roue devant la femme ; la femme s'exhibe devant l'homme. Dans le lac, l'artiste Narcisse n'avait pas trouvé un miroir, mais une frontière, qui l'isolait des autres (comme la fontaine de Villon ou la mer de Valéry) ; le visage qu'il aimait était peint par son imagination, en tête-à-tête avec le dieu de la beauté. Et le visage est peut-être ce que nous avons de plus intérieur, Socrate, dans sa seule prière : « Cher Pan, donnez-moi la beauté intérieure, et que l'extérieur soit en harmonie avec l'intérieur ! »** - l'avait bien compris.
beauté,création,dieu,femme,modernité,soi,voix

art
Prêcher la créature - Goethe, Nietzsche, le créateur - Tolstoï, Cioran, la création -Shakespeare, Valéry. Polir, pâtir, bâtir.
création,souffrance,style

art
Valéry juge ridicule la scansion métrique, mais les plus beaux vers français, qu'il cite, sont tous métriques ! « Et dans ses lourds cheveux, où tombe la rosée », « le dur faucheur avec sa large lame avance », « L'ombre est noire toujours même tombant des cygnes ! ». Dans le dernier vers il entend un beau cadrage des m ; or la moitié des lettres m n'y correspondent pas au son m ! La misérable orthographe mieux écoutée que le mètre musical ! Et dans tomba - pont bas on n'entend pas de rime.
beauté,france,mélancolie,musique,poésie

art
Le seul écrivain ayant réussi à se mettre hors de son siècle, en-dessous de son orgueil et par-dessus sa langue - Valéry.
gloire,modernité,mot

art
L'écrit ne vaut que par sa musique ; et le descriptif et le discursif ne sont que bruit, si le récitatif ne s'y mêle. « Constituer le monde et l'homme comme la musique a été constituée à partir du bruit »*** - Valéry. Le même défaut d'oreille depuis Quintilien : « On écrit pour raconter, non pour prouver » - « Scibitur ad narrandum, non ad probandum » - prouver, dans l'art, c'est séduire, induire en extase.
bonheur,création,discursif,musique,ouïe,raison

art
Chercher à se débarrasser de son ombre trop grande (Flaubert, Kafka) ou chercher à propager des lumières extérieures (l'ambition des majorités) sont des buts médiocres, surtout comparés avec la belle contrainte - un angle de vue, jouant de la taille des ombres et de l'intensité des lumières, une union du nombre et de l'expression, une coopération du calculateur et du danseur : « L'horloge de lumière : mesurer ce qu'on manifeste, manifester ce qu'on mesure »*** - Valéry.
balance,contrainte,intensité,ombre,platitude,soi

art
Entre J.Joubert et Valéry, la rhétorique française n'existe pas. D'où, au XIX-ème siècle, le pullulement des herménautes parasitaires. Translatio studiorum ou studium translationem (la noétique, la Wirkungsgeschichte ou la médiologie)
école,hommes,interprétation,modernité

art
Dans l'éternel retour, sur la spirale de la création, peu importe sur quelle étape je m'attarde le plus (sur l'œuvre - Nietzsche, sur le créateur - Cioran, sur la création - Valéry), intensité - ironie - intelligence, envol - chute - invariants, - le regard tangent peut y être de la même hauteur et suivre la même direction.
création,défaite,esprit,éternité,hauteur,intelligence,intensité,ironie,regard,retour

art
Vis-à-vis de mes écrits je n'éprouve pas de sentiments paternels, puisque toute insémination ne peut y être qu'artificielle. Je ne m'en sens pas le fils naturel non plus, car dans ma substance pré-langagière, à l'état sauvage, aucune analyse génétique n'est possible. Et Valéry a doublement tort : « L'homme, père et fils des idées, qui lui viennent ».
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art
Dans un écrit, il y a du réel, ce qui est porté par l'évidence d'une lumière - les faits et les pensées, et il y a de l'inventé, ce que te font ressentir les jeux d'ombres, le style. Une étrange inversion terminologique avec Valéry : « La structure de l'expression a une sorte de réalité tandis que le sens ou l'idée n'est qu'une ombre » - tandis qu'au fond, nous sommes d'accord sur la place de la forme.
artificiel,création,idée,ombre,réalité,style

art
Avoir trouvé dans la vie une musique, que ne surpassera aucune sonorité discursive, avoir découvert à la réalité une hauteur, dont aucun verbe ne pourra envisager l'ascension, me sentir un fond que ne tapissera aucune parole, avoir compris, que le meilleur emploi de ma force est dans la peinture de mes débâcles - c'est seulement après ce parcours initiatique d'humble que je pourrai dire d'avoir écrit par faiblesse (Valéry) : « Quand, le même jour, vous songerez à votre force et à votre complet néant, je croirai, que vous êtes à la recherche de la forme » - L.Reisner - « Когда Вы, в один и тот же день, будете мечтать о своей силе и полном ничтожестве, я поверю, что Вы ищете форму ».
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art
Un don musical ou pictural est le seul à pouvoir pallier à l'incapacité de formuler de bonnes définitions. « Tout l'esprit d'un auteur consiste à bien définir et à bien peindre »* - La Bruyère - le et devrait y être substitué par le ou. Nietzsche et Valéry sont les seuls à réunir ces deux talents.
esprit,maxime,musique

art
Les philosophes insensibles à la poésie (les légions de professeurs), ou les poètes impuissants en prose (comme Baudelaire, Rimbaud ou Mallarmé) font douter de l'universalité de leur don. Les poètes complets mettent de la poésie en tout, y compris dans la prose : Shakespeare, Goethe, Pouchkine, Lermontov, Hugo, Rilke, Valéry, Pasternak. La poésie comme genre ayant sombré, la poésie comme tonalité discursive ne peut plus se pratiquer qu'en philosophie.
modernité,philosophie,poésie,style,universel

art
Héraclite se serait moqué des dialogues socrato-platoniciens ; J.Joubert arrachait les pages discursives de tous les livres, y compris de ceux de son ami Chateaubriand ; Nietzsche riait des pâles chinoiseries kantiennes ; Valéry baillait sur les marquises de Proust ou sur les cinq heures de Bergson. La philosophie est une matière littéraire ; la littérature ne vaut que par son côté poétique ; la poésie est un hymne à la musique ; la musique est faite de métaphores mélodiques et rythmiques ; la métaphore verbale s'identifie avec la maxime.
maxime,métaphore,mot,musique,philosophie,poésie

art
En témérité des liaisons, le physicien est souvent poète. Le quark, exhibant sa couleur et son arôme ! L'incertitude quantique : je suis onde et je suis matière ! Un chaosmos ! C'est ainsi que je devrais voir ma lumière ou mon livre ! Mieux vibrer à l'évocation d'une onde, plutôt que d'un corpuscule (« poésie, percevoir l'onde plus que le corps »*** - Valéry).
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art
La seule source d’excitations, indépendante de mon soi connu, est la musique, dont la perception semble être prérogative de mon soi inconnu, demeurant dans mon âme. Mais un poème provoque toujours un écho de mon esprit, c’est-à-dire de mon soi connu. « La musique, belle par transparence, et la poésie – par réflexion »* - Valéry.
âme,esprit,inconnu,musique,poésie,soi

art
Mon soi connu, par ses problèmes et ses solutions, communique aisément avec d'autres hommes, mais il serait naïf de lui prêter plus d'universalité qu'à mon soi inconnu, caché dans son mystère. Le premier est dans l'invention de langages, et le second – dans la pureté indicible. « Une parole intime, où il n'y a point d'effets ni de stratagèmes, ne peut pas ne pas être universelle »** - Valéry.
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art
Depuis un siècle et demi, le problème de la culture n'est pas dans sa fonction, mais dans son organe ; partout, où régnait l'âme individuelle, s'érige, en seul juge, l'esprit collectif. Valéry voit le mal dans le peu d'esprit critique : « La libre coexistence des principes de vie et de connaissance les plus opposés », tandis qu'il est dans le peu d'âme aristocratique.
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art
Avoir l'esprit de philosophe, l'âme de poète et le cœur de musicien – tel est le profil idéal d'un écrivain. Nietzsche, Valéry, Pasternak – les plus belles illustrations !
âme,cœur,esprit,musique,philosophie,poésie

art
L'intensité artistique est plus compatible avec une faiblesse noble qu'avec une basse puissance ; elle vérifierait peut-être cette belle contrainte ; « minimum d'énergie, maximum d'excitation » - Valéry.
contrainte,élan,force,intensité,noblesse

art
La poésie ramène ses objets à la perception musicale, comme la philosophie – à la conception réelle ; la science n'y a aucune place. « Entre science et philosophie il y a quelque chose du rapport, que je vois entre musique et poésie » - Valéry. – vous, qui voyiez dans la science un pouvoir et non pas un savoir, vous y déployez un regard d'artiste, au lieu d'employer les yeux de scientifique.
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art
L'idéal, jamais atteint, d'une écriture noble, la rencontre des trois dons : du ton, de l'intelligence, du style ; trois hommes brillent, chacun sur sa facette respective de ce faisceau, sans déborder vraiment sur les autres : Nietzsche, Valéry, Cioran. Et le talent consiste peut-être dans l'art de créer la sensation de plénitude en escamotant les fâcheuses lacunes. Pour cela, il faut prendre du recul, ou de la hauteur, par rapport au réel, se mettre à une grande distance de soi-même, adopter le ton du revenant (que Baudelaire entendait chez Chateaubriand), pour rester pur, pour ressembler à l'ange.
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art
La métaphore règne aussi bien en poésie qu'en prose et en philosophie ; elle s'attaque, respectivement, au langage, à la représentation ou à la réalité. Les plus connues des métaphores de la réalité : Dieu (pour tous les angoissés), l'Être (de Parménide à Heidegger), l'Idée (Platon), les catégories (Aristote), la perfection (de Spinoza à Valéry), la pensée (Descartes), la chose en soi (Kant), la volonté (Schopenhauer), l'intensité (Nietzsche).
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art
Et la vie et l’art se décomposent sur trois axes : l’intelligence, le talent, la noblesse, en visant, respectivement, les finalités, les parcours, les commencements. Et Valéry, tenant surtout au talent, reproche au siècle ses raccourcis : « La vie moderne nous offre tous les moyens courts d’arriver au but sans avoir à faire le chemin »** - au lieu de s’horrifier de la disparition de commencements dans l’imaginaire moderne. La noblesse réside dans l’âme, l’organe délaissé par ce siècle.
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art
Exclure certains objets, tonalités, faits, angles de vue, trop communs ou trop bien explorés, – finit par obliger à ne faire appel qu’à mes propres ressources, ce qui me prédispose à la liberté de création : « Les œuvres à grandes contraintes exigent et engendrent la plus grande liberté d’esprit »**** - Valéry.
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art
Écrire devant Dieu n’est, évidemment, qu’une métaphore, mais la présence virtuelle d’une oreille, haute et sensible, est une obligation de l’écrivain. « Celui qui s’adresse à quelqu’un, s’adresse à tous. Mais celui qui s’adresse à tous, ne s’adresse à personne »** - Valéry.
création,dieu,hauteur,métaphore,mouton,ouïe

art
Là où le changement d’expression change la pensée s’arrête la science et commence la poésie (et donc une bonne philosophie). Chercher, en philosophie, des invariants purement intelligibles, résistant au sensible, est une tâche impossible, que se donnaient des rats de bibliothèques et que voulait leur imposer le trop bon Valéry, exaspéré par le verbalisme philosophique.
absurde,école,idée,philosophie,poésie

art
Celui qui vise la profondeur, sans posséder le talent littéraire, finit dans la platitude ; c’est le cas de Descartes, superficiel (oberflächlich) selon Nietzsche. Mais Valéry, avec sa liberté poétique, est profond. Les meilleurs prennent la profondeur pour moyen, la musique – pour but et la hauteur - pour commencement.
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art
Le genre aphoristique exige une profusion de variables, dans l’arbre de l’écrit, pour rendre féconde sa lecture. « Une œuvre est solide, quand elle résiste aux substitutions, qu’un lecteur rebelle tente de faire subir à ses parties »**** - Valéry. Quand on ne substitue que les constantes, il n’y a ni dialogue ni enrichissement ni fraternité.
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art
La bouche est là pour la communication, et la langue (anatomique et intellectuelle) – pour le goût dans la jouissance des nourritures célestes ou dans la composition de la musique. Le poète ne communique pas, il chante – devant Dieu, de préférence. « Dans le poète : l’oreille parle, la bouche écoute »** - Valéry.
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art
Goethe - la musique, celle des compositeurs ou la sienne propre, n’est pas son fort ! Nietzsche, Valéry, Pasternak se passionnent pour la musique de leur époque, mais Goethe reste insensible à Mozart et Beethoven. Le sérieux tue non seulement le bonheur, mais aussi les pensées et le style.
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art
Dans l’art, l’intelligence, c’est la structure solide d’un arbre, grâce à laquelle tu peux chanter les fleurs, te régaler des fruits, te réfugier dans une belle ombre, vibrer à l’appel des cimes. « La pensée doit être cachée dans les vers comme la vertu nutritive dans un fruit »** - Valéry.
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art
Dans l’art, il faut ne s’adresser qu’à soi-même et donc – à Dieu. Après le sublime éclat de ses Cahiers, quelle dégringolade, chez le grand Valéry, dès qu’il cherche, dans un genre discursif, à convaincre les autres de la grandeur de Léonard, Descartes ou Berlioz !
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art
Le goût de la perfection est un état d’esprit impossible, seule la réalité étant parfaite. Cioran, bêtement, le voyait chez Valéry, en y reconnaissant même un désastre (mais pourquoi ne salues-tu pas le désastre, que les vaincus inscrivent dans leurs bréviaires ?). Dans l’art, ce qui est le proche de la perfection du réel, c’est la musique. Et effectivement, tout goût, indifférent à la musique, mène au journalisme, au présentisme, à la routine. Que la perfection, c'est la réalité, fut connu et de Spinoza (« perfectio est gradus realitatis »), et de Nietzsche (« die Welt ist vollkommen ») et des sages orientaux de l'immanence (le bon chrétien, lui, place la perfection dans la transcendance, que Nietzsche appelle surhomme). Et la nature parfaite d'Aristote est un pléonasme. Musil : « une vie parfaite rendrait l'art inutile » - « das vollkommene Leben wäre das Ende der Kunst » - se trompe également.
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art
La danse donne l’envie d’élans et de caresses ; la marche se réduit aux chiffres et aux progrès. « La parole ne vaut que par une substitution, elle étiquette ; le chant fait vouloir, il se met à ma place »** - Valéry.
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art
Un état d’excitation, une reconnaissance d’une force, un positionnement flatteur sur la scène publique – quand j’énumère ces objectifs communs de tout candidat-littérateur, je suis navré de constater qu’ils peuvent s’obtenir sans aucun talent, sans aucune noblesse, sans aucun acte (terme de Valéry), c’est-à-dire sans aucune passerelle nette entre l’œuvre et l’état d’âme de l’auteur artiste (et non pas de l’homme biographique).
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art
Le rêve, qui me poursuit depuis mon enfance, – être poète ! Et la terrible déception dans l’impression d’être passé à côté de ce métier des anges. D’autres vocations m’en dévièrent, bien que mon regard sur l’essentiel de la vie gardât des interrogations et vibrations poétiques. Ah, si Valéry avait raison : « Être peintre, c’est chercher indéfiniment ce qu’est la Peinture ! »*.
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art
La prose flaubertine : Sartre y décèle un penseur, et Valéry la trouve insupportable pour celui qui pense ; le goût et l’intelligence de Sartre s’y avèrent lamentables. Mais ni l’un ni l’autre ne s’attardent sur la Correspondance de Flaubert, qui, probablement, est la plus belle de l’Histoire littéraire. L’inverse de Tchekhov – nul en épistolier, génie en tragédien. Le genre épistolaire est le plus proche du journal intime ou de l’aphorisme, c’est pourquoi j’aime Flaubert, énergumène et amoureux.
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art
L’ennui du genre discursif est dans la mécanique des rapports entre causes et effets, contrairement au genre aphoristique, dans lequel s’exprime une prédestination originaire et organique. Valéry applique la même définition au poème : « Le poème apparaît des fragments, un commencement prédestiné de quelque chose ».
commencement,discursif,ennui,maxime,poésie,robot,style

art
Dans l’art (musical, philosophique, poétique), il y a trois sortes d’intuition, qui peuvent réveiller un génie imprévisible, – l’inconsciente, la profonde, la hautaine. La première famille – Bach, Mozart, Tchékhov ; la deuxième – Kant, Rilke, Valéry ; la troisième – Byron, Hölderlin, Nietzsche. L’homme, c’est-à-dire le maître, n’y est presque pour rien ; c’est une étincelle divine qui illumine leurs œuvres. La conscience, la profondeur, la hauteur, sans intuition, n’aboutissent à la beauté que grâce à la sobre maîtrise de l’homme, avec un talent purement humain et qui ne serait qu’un instrument auxiliaire.
beauté,dieu,esprit,hauteur,hommes,inconnu,maîtrise,musique,philosophie,poésie,…

art
Briller, simultanément, sur ces deux facettes littéraires, le fond et la forme, semble être un privilège exclusif des seuls poètes, comme Rilke et Pasternak. Valéry et Tchékhov brillent par le fond, avec une forme assez conventionnelle ; Nietzsche et Cioran brillent par la forme, avec un fond trop vague ou trop facile.
poésie,style

art
Qu’ils pratique le poème, la mystique ou l’apophtegme, Nietzsche et Valéry restent grands artistes. Mais Cioran, brillant dans le discursif, est terne dans l’aphoristique. Le style, c’est de la lumière maintenue, mais la maxime, c’est la qualité des ombres fugaces.
discursif,maxime,mystère,ombre,poésie,style

art
Nietzsche a le style et la noblesse ; c’est ce qui manque à Valéry, mais il a l’intelligence, dont est dépourvu Nietzsche ; Cioran n’a que le style. Le seul homme à posséder, en même temps, ces trois vertus, capitales en écriture, c’est R.Debray, et, en plus, c’est un héros.
intelligence,noblesse,style

art
La démonstration convaincante de la différence entre les produits des yeux et du regard, c’est Valéry qui l’expose : la platitude, morne et maniérée, de ses Vues et la haute liberté, organique et spontanée, de ses Cahiers. Journées de travail, matinées de rêve.
liberté,platitude,regard,rêve,style

art
Nietzsche, Valéry, Cioran – la hauteur, l’intelligence, le style – ce sont ces lignes d’héritage, dans la vie d’imagination, qui m'autorisent d'en réclamer la fraternité. Plus l’appartenance à la tribu virtuelle des aphoristes. Mais aucune parenté avec le petit bourgeois, le grand bourgeois, le SDF, qu’ils furent dans leur vie réelle.
auteur,fraternité,hauteur,intelligence,maxime,réalité,style,vie

art
L’amour, c’est la caresse par le regard ; la noblesse, c’est la caresse par la hauteur ; l’intelligence, c’est la caresse par la représentation ; la poésie, c’est la caresse par le verbe. « La poésie est l'essai de représenter ce que tentent d'exprimer les caresses »** - Valéry.
amour,caresse,hauteur,intelligence,mot,noblesse,poésie,regard,représentation

art
Les plus fastidieux des écrits littéraires visent une lecture unique, tandis les choses intéressantes devraient admettre des chemins d’accès multiples, grâce aux variables dont l’auteur aurait muni l’arbre de son discours. « Le charme de l’art réside dans la quantité de manières de voir la même chose » - Valéry.
arbre,beauté,chemin,création,ennui

art
L’écriture idéale : le chant des mots et l’accompagnement musical des idées – il faut être, à la fois, poète, musicien, philosophe – Nietzsche, B.Pasternak Les ‘séparatistes’ – la hauteur verbale de Nabokov et la profondeur intellectuelle de Valéry.
danse,élite,hauteur,idée,mot,musique,philosophie,poésie,style

leibniz w.
L'art est l'expression la plus haute de l'arithmétique intérieure.
art
La science est la compression de la haute beauté extérieure. De la rencontre entre le vrai et le beau naît le bien, l'objet de la philosophie. Leibniz avec d'Alembert furent peut-être les derniers véritables esprits universels, ceux qui savaient combiner l'analyse mathématique et la synthèse philosophique (Valéry les appelait hommes des axes) ; en général, « qui conçoit aisément les choses mathématiques n'est nullement propre à entendre les métaphysiques » - Descartes.
axe,balance,beauté,bien,philosophie,raison,science,vérité

valéry p.
Beauté est négation.
art
Le contraire, la nouveauté, prétention à la nouveauté. Mais toutes les lumières existent depuis la création, on ne peut créer que dans la sphère des ombres. Mais les ombres sont négation. Dieu même créait dans les ténèbres, qui préexistaient à la Création. Dieu crée l'état de satisfaction, l'homme - celui de manque. Ton art de la négation, l'opposition entre ce qui est fixe et ce qui se fixe, prouve ton intelligence de tout premier ordre, qu'on hésiterait à reconnaître à celui qui (Kant) voit le contraire de sa philosophie … dans la philosophie empirique !
beauté,création,dieu,esprit,intelligence,négation,ombre,philosophie

valéry p.
Le seul réel dans l'art, c'est l'art.
art
Les facettes des choses, invoquées par l'art, sont éphémères, seuls leurs arrangements persistent. L'art, c'est mettre face-à-face des choses, qui s'ignorent et qui finissent par s'attacher.
proximité,réalité

valéry p.
Les pensées, les émotions toutes nues sont aussi faibles que les hommes tout nus. Il faut les vêtir.
art
Le couturier dominant fournit les uniformes ; la première noblesse arrache les insignes et ose le haillon ou la charpie. « L'homme nu sur Pégase sans ailes » - Lorca - « Hombre desnudo en Pegaso sin alas ».
audace,étoile,force,idée,noblesse,sentiment,style

valéry p.
Dans tel poème, je n'ai pas voulu dire mais voulu faire, et ce fut l'intention de faire qui a voulu ce que j'ai dit.
art
Ceux qui ont beaucoup de choses à dire, le plus souvent, ne savent pas faire ; le désir de faire ne se traduit dans un dit original que par un don et par un goût. Et le prosateur et le poète sont travaillés par les appels langagier et mental, par la messagerie et par le message, mais le premier veut faire son message, en pensant commander aux mots, tandis que le second fait son message, en se laissant guider par des sons, images, intuitions. « Écris ce qui se fait et non pas ce qui se dit » - Pavese - « Conta quello che si fa, non che si dice ».
création,élan,esprit,goût,maîtrise,musique,poésie

valéry p.
Idée poétique est celle qui, mise en prose, réclame encore le vers.
art
La prose est modération en sons ou en ferveurs ; la poésie est leur exacerbation. L'élan sans musique, la mélodie sans essor nous rappellent trop la vie difforme.
élan,idée,intensité,musique,poésie,sentiment,style,vie

valéry p.
Est poète celui à qui la difficulté inhérente à son art donne des idées et ne l'est pas celui auquel elle les retire.
art
Le premier, en divaguant, est surpris par ces Visitations non annoncées, le second prend de vagues Annonciations pour de vrais miracles.
christianisme,doute,étonnement,grâce,idée,poésie

valéry p.
Subordonner les œuvres à ce qui produit les œuvres et ce qui produit les œuvres à ce qui est capable de les produire.
art
Cette hiérarchie subordonne le Père et le Fils au Saint-Esprit, le créateur et l'inspirateur - au poète ! Dans l'œuvre ne compte que la face musicale : l'âme du compositeur et ses notes.
christianisme,création,élite,esprit,idée,haine,musique,poésie,sentiment

valéry p.
L'auteur se sent être tout ensemble source, ingénieur et contrainte.
art
La source est le mystère du premier pas, l'ingénieur agence l'enclenchement des pas successifs, les contraintes en déterminent la cadence ou la palpitation. L'oreille reconnaissante, l'oreille concentrée, l'oreille recueillie. On voit, que c'est un poète qui parle et s'écoute.
commencement,contrainte,maîtrise,mystère,ouïe,poésie,soi

valéry p.
Paradoxe de l'état artiste. Il doit observer, comme s'il ignorait tout, et exécuter, comme s'il savait tout.
art
Comme c'est souvent le cas, avec toi, le savoir et le devoir se détachent du vouloir - du désir ; dans l'observation, le désir de fermer les yeux, dans l'exécution - de les garder grands ouverts et brillants. Mais l'artiste sait, que tout commencement est recommencement, toute invention – réinvention.
commencement,élan,ouvert,paradoxe,regard,savoir,valoir

valéry p.
Ce style sec, qui traverse le temps comme une momie incorruptible.
art
À vrai dire, un sarcophage nous apprend mieux les grimaces d'un homme que sa momie. Le livre n'est qu'un excitant inerte ; son pouls n'existe qu'en âme de chacun. L'artiste, pour résonner, est-il condamné à porter le regard d'airain - « der Künstler, der wie Erz blickt » - Nietzsche – qu'aucun objet solide ne frappe ?
âme,interprétation,mort,regard,sentiment,style,temps

valéry p.
L'art commence par le sacrifice de la fidélité à l'efficacité.
art
Il s'arrête, quand la fidélité atteint une efficacité, qui fait oublier le goût du sacrifice. Dans la vie comme dans l'art, l'intensité l'emporte sur la véracité, cette chimère des impuissants. L'authenticité, dans l'art, est dans l'écoute de son soi inconnu.
authenticité,inconnu,intensité,sacrifice,soi,utilité,vérité

pasternak b.
История культуры есть цепь уравнений в образах, попарно связывающих очередное неизвестное с известным.

L'histoire de la culture est une chaîne d'équations en images, reliant des variables connues à une inconnue nouvelle.
art
Contrairement à la mathématique, cette substitution (comme aurait dit Valéry) n'est suivie d'aucune démonstration en règle de l'art. L'art comme Dieu ne produit que des axiomes. « Les inventions d'inconnu réclament des formes nouvelles » - Rimbaud.
arbre,création,culture,dieu,fanatisme,histoire,style

debray r.
Le style est la revanche de ce que l'homme veut sur ce qu'il est.
art
Une revanche au goût amer, car, pour y parvenir, il faut passer par la débâcle de ce que l'homme doit ou l'embâcle de ce que l'homme peut. Le style est un rêve, qui vaut par le désir de ce qui n'est pas. Mieux on veut, plus on vaut, c'est mieux que : « Plus on veut, mieux on veut » - Baudelaire ou « Je vaux ce que je veux » - Valéry.
défaite,élan,être,soi,style,valoir

bien
Être au-delà du Bien et du Mal paraît - à Nietzsche et à Valéry - être la condition de la liberté. C'est une liberté qui est déjà à portée des meilleures des machines. L'esclavage du rouge au front ne se programme qu'en deçà de l'homme.
honte,liberté,mal,robot

bien
Un goût ne peut pas être parfait sans l'ironie, cette arme du vaincu ; une âme ne peut pas être haute sans l'élan de la pitié pour un malheureux plus pur que toi. Valéry, qui ne fut jamais meurtri ni n'eut d'amis en ruines, reste affreusement incomplet.
âme,bonheur,défaite,élan,goût,hauteur,ironie,ruines,souffrance

bien
L'homme parfait : une fusion entre Rousseau (la pitié de l'homme naturel) et Cioran (l'ironie de l'homme inventé). Les grands imparfaits : Nietzsche - le faible sans pitié, et Valéry - le fort sans ironie.
artificiel,création,force,ironie,nature,pitié

bien
De l'irréductibilité des sens : dans le Bien, le beau ne doit jouer aucun rôle ; dans le beau, il faut aller au-delà du Bien. La pitié est la valeur extrême du Bien, il faut donc aller même au-delà de la pitié, devenir impitoyable - tel est le message - nullement anti-humaniste ! - de Nietzsche ! Mais la pitié est aussi une des valeurs extrêmes du vrai, « qui nous conduit sur les bords privés de mots, où subsistent seules la pitié, la tendresse et l'amertume »** - Valéry.
axe,beauté,caresse,humanisme,idée,jeu,mot,pitié,vérité

bien
Pour Nietzsche, au-dessus, ou mieux, au-delà de tous les axes, Bien - mal, puissance - maladie, nihilisme - acquiescement, surhomme - dernier homme, seigneur - esclave, ce qui compte, c'est la mesure dite intensité, la pose, véhémente et incohérente, et non pas une position, sobre et argumentée. Pour se permettre d'être impitoyable et éhonté, par combien de hontes et de pitiés avalées a-t-il dû passer ! Et de même, Platon, avec ses diatribes contre la démocratie et les poètes dans la cité. On ne connaît que trop les positions des philosophes ; on n'en connaît pas assez les poses. De Vinci ou Valéry, apportant à l'art davantage d'intensité, en incluant la science au même axe artistique. Héraclite, chantant l'harmonie d'opposés.
art,axe,beauté,cité,fanatisme,force,honte,intensité,mal,négation,…

bien
Le devoir moralisateur chrétien, enseigné pendant deux millénaires, de St-Paul à Hegel, fut battu en brèche par Nietzsche - vers le vouloir, et par Valéry - vers le pouvoir, qui, curieusement, se rencontrent dans la volonté de puissance.
christianisme,temps,valoir

bien
Il faut avoir du cœur, pour admettre la valeur thérapeutique de nos faiblesses, pour avoir honte d'une force mécanique, pour ne pas avoir honte d'en appeler à la pitié et à la consolation. Je ne sais pas si Valéry avait du cœur : « Rendre faible quelqu'un est un acte non noble ». Oh combien moins noble est de faire oublier nos faiblesses divines !
consolation,dieu,force,honte,noblesse,robot

bien
De toutes les vocations humaines l'appel du Bien est le plus irrévocable ; donc, l'adhésion fière au Bien ou l'allégeance orgueilleuse au Mal sont des actes respectivement niais ou hypocrites. « Moralisme et immoralisme me paraissent choses aussi ennuyeuses l'une que l'autre » - Valéry.
action,ennui,hommes,inconnu,intelligence,mal

bien
La place de la honte définit la tonalité d’un écrivain : Nietzsche fut torturé par la honte, venant de ses déficiences physiologiques et de son amour-propre froissé ; Cioran porta la honte de sa jeunesse d’un abjecte nigaud pro-nazi ; l’absence de toute honte rendit l’intelligence de Valéry - libre de toute contrainte sentimentale, pure et profonde par son contenu intellectuel. La noblesse et le style naissent de la honte, dans la faiblesse ou la bassesse, d’où la grandeur de Nietzsche et l’élégance de Cioran. Valéry émerveille notre esprit ; Nietzsche élève notre cœur ; Cioran caresse notre âme.
âme,ange,bassesse,beauté,caresse,cité,cœur,contrainte,création,enfance,…

bien
Les motifs de tes actions découlent de la nécessité, celle-ci étant liée à tes intérêts d’esclave ; la liberté est la capacité de surmonter ces motifs. « Tout sacrifice implique un hyper-motif » - Valéry.
action,liberté,nécessité,sacrifice

bien
L’orgueil te fait oublier parfois, que tu portes en toi, en permanence, une bête ; la honte occulte parfois la présence continue en toi – d’un ange. Heureusement, ta bonne mémoire te retournera toujours au sentiment de ta dualité. « Dans l’homme, le sentiment angélique de l’ubiquité ne s’était pas aboli, étant ineffaçable » - Valéry. Le sentiment bestial de l’unité s’appuie sur l’action aveugle, mais s’efface avec chaque rêve révélateur.
action,ange,grandeur,honte,inconnu,mémoire,rêve,savoir,sentiment

cité
Ce n'est pas à cause d'un prétendu gouffre grandissant entre la vie réelle et les intellectuels, que ceux-ci disparaîtront de la scène. C'est, au contraire, à cause de leur fusion journalistique avec la vie réduite aux statistiques. Ce gouffre béni aura existé pendant 250 ans, mais des pelletées des Balzac, Dickens, Hugo, Tolstoï, Sartre l'ont comblé malgré quelques sapes des Flaubert, Nietzsche, Valéry. Jadis, on confondrait l'intellectuel avec le vagabond (c'est à dire extra-vagant – celui qui vagabonde hors la vie) ; aujourd'hui, il est indiscernable d'avec le garagiste.
balance,esprit,jeu,mot,platitude,vie

cité
Pour donner à Valéry ou Cioran la gloire populaire de Nietzsche, il faudrait qu'un futur Hitler, Staline ou Attila s'en entichât. Hélas, l'arbre et les ruines n'ont pas la puissance mobilisatrice du surhomme.
allemagne,arbre,force,gloire,grandeur,hommes,ruines,russie

cité
En politique, comme en culture, je suis mauvais citoyen et mauvais contemporain. Je salue le débat sur l'identité nationale, mais je sais, que, d'après les critères courants, je suis mauvais Russe, mauvais Allemand et mauvais Français. Ce qui me console, c'est que je me retrouverais dans la même catégorie que Pouchkine, Nietzsche et Valéry.
allemagne,auteur,consolation,culture,france,modernité,russie

cité
Les goûts respectifs pour l'acquiescement silencieux ou pour la bruyante révolte naissent d'une même source - une dévorante ambition. Ou bien on se tourne vers la liberté, la mauvaise foi, l'authenticité (Sartre), et l'on finit par un beuglement, bête et solidaire, du troupeau, ou bien on se contente de l'aristocratisme, et l'on se recueille (Valéry) dans des commencements intelligents et solitaires.
commencement,fraternité,liberté,mouton,noblesse,silence,solitude

cité
Dès que je possède la liberté, je m'attache, comme tout le monde, aux biens, au consensus des sujets et à la présence du maître. Et je me souviens de mes premières amours, où, épris de la liberté, je voulais être riche sans biens, puissant sans armes, sujet sans maître. Mais dès que je possède la puissance, je n'ai plus la liberté : « Cet étrange désir - chercher la puissance et perdre la liberté » - F.Bacon - « It is a strange desire to seek power and to lose liberty ». Ceux qui veulent pouvoir sont rarement libres ; ceux qui peuvent vouloir le sont plus sûrement : « La liberté est une sensation de pouvoir vouloir »** - Valéry.
auteur,élan,force,liberté,maîtrise,misère,valoir

platon
Un seul et unique chemin conduit au salut public, à savoir l'égale répartition des biens.
cité
On peut appuyer cette espérance par un fait religieux : « Le marxisme est une religion du salut collectif de l'humanité » - Berdiaev - « Марксизм - это религия коллективного спасения человечества ». L'appel de fraternité gémit quelque par dans notre âme bicéphale, intime et tribale. Hardiment, j'y préconise un chaud chaos du bien. Le salut public - ou plutôt son ordre froid ! - se reconnut dans le culte du mérite, euphémisme né dans le troupeau ; dans la jungle ancienne il s'appelait privilèges. Valéry : « L'idée que la vertu doit être récompensée ruine toute vertu »***.
âme,bassesse,bien,chemin,consolation,fraternité,gloire,justice,mouton,ordre,…

valéry p.
Un État est d'autant plus fort, qu'il peut conserver en lui ce qui vit et agit contre lui.
cité
Aujourd'hui, tous sont contre l'État, et jamais il ne fut aussi faible. Ses adversaires d'antan furent des brigands et des rêveurs. Le rêve est mort et le brigandage devint policé et souriant.
force,lutte,mort,platitude,rêve

valéry p.
La liberté, l'un de ces détestables mots, qui chantent plus qu'ils ne parlent.
cité
Aujourd'hui, les détestables oreilles perçoivent tout chant comme un compte rendu. Et rien ne danse plus aux yeux de celui qui a perdu le regard et ne lorgne que sur ce qui ne fait que marcher.
danse,ouïe,regard,robot

doute
La lumière pragmatique inonde le quotidien des hommes, qui vivent de plus en plus dans l'illusion d'un milieu sans ombres. D'où la chute de l'art et de la philosophie, qui ne vivent que des ombres. « Au fond de chacun, il y a son noyau inconnu, masse d'ombre, qui joue le moi et le dieu »*** - Valéry. Dieu voulut, à l'opposé de Nietzsche, que ce noyau fût fait de faiblesses (« Kern voll Schwäche »*** - Rilke !) ; dans l'inconnu de la volonté de puissance il y a autant de sources d'ennui que dans le connu de nos défaites : « L'inconnu passe pour grandiose » - Tacite - « Ignotum pro magnifico est ».
art,défaite,dieu,force,inconnu,ombre,philosophie,savoir,soi,utilité

doute
J'aime cette indétermination d'échelle de la profondeur-hauteur de Zarathoustra, du savoir-pouvoir des Cahiers de Valéry, du jouir-vomir de Cioran. Cette lecture fait de vous fabricant de balances, inventeur d'altimètres ou de tortures.
balance,bonheur,haine,hauteur,savoir,souffrance,valoir

doute
M'être familiarisé avec toutes les meilleures plumes du monde tua en moi le lecteur ; aucune chance que je tombe encore sur un auteur à la hauteur de Nietzsche, à l'intelligence de Valéry, à l'ironie de Cioran. La source livresque s'est définitivement tarie. De bonnes soifs ne peuvent dorénavant jaillir que de moi-même.
auteur,commencement,élite,esprit,grandeur,intelligence,ironie,maîtrise,soi,soif

doute
La musique ne peut sauver un discours que s'il est impénétrable. Les obscurités pénétrables (Mallarmé et Valéry) dépendent beaucoup moins de la musique ; une fois l'œuvre pénétrée, ou bien on s'aperçoit, que le tambourinage est son interprétation la plus juste (Mallarmé), ou bien qu'une orchestration, plus subtile qu'à première ouïe, s'impose à notre esprit (Valéry).
consolation,esprit,goût,inconnu,interprétation,mot,musique,ouïe,simplicité

doute
Soit une chose, C, son implexe, Im, et notre parcours, P, au-dessus de la chose, entre les moments t1 et t2, vécu avec l'intensité In. Héraclite nous dit, que l'égalité, C(t1) = C(t2) est impossible ; Nietzsche nous suggère qu'avec In suffisamment grande, cette égalité est métaphoriquement possible - l'Éternel Retour ; Valéry dit qu'il n'y a pas de choses, que des implexes, qui sont toujours unifiables, Im(t1) = Im(t2), - l'Éternel Présent.
absurde,arbre,éternité,intensité,métaphore,nécessité,réalité,retour

doute
Leurs théories du soupçon ou du déguisement partent de l'hypothèse d'une authenticité possible, dans le verbe ou dans le geste, qui rendraient fidèlement notre moi, habituellement inavouable ou indépistable. Authenticité impossible, car seule l'invention-création (que Valéry appellerait transformation, car toute création est de la traduction, ce qui suppose un original à transformer) est le vrai visage de l'homme, la visagéifiction. La seule vraie différence entre artiste et mouton-robot est dans les deux acceptions du terme de modèle : le second reproduit le modèle courant, le premier en crée une représentation nouvelle.
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doute
Toute science a un versant artistique ; mais là où une question n'admet plus qu'une seule réponse, l'art est impossible. Comme, d'ailleurs, la philosophie : « Philosophie, somme de tous les sujets, sur lesquels il est possible de différer d'opinions » - Valéry. La chouette de Minerve, qui ne prenait son envol qu'à la tombée de la nuit, le savait.
absurde,art,nécessité,philosophie,question,science

doute
Le fanatisme est bon, quand ses réponses, dues au goût, sont floues et le scepticisme - quand ses questions, dues à l'intelligence, sont nettes : « Rien de plus bête que le scepticisme vague » - Valéry.
fanatisme,goût,intelligence,philosophie,question

doute
Au même lieu méditerranéen, où j'inventais et l'astre et la chose et l'ombre, Nietzsche chercha la lumière et Valéry trouva l'illumination - pour mieux peindre leurs ténèbres. Entre la hauteur du premier et la profondeur du second (entre Sète, Nice et Gênes), je m'y sens à l'aise, en oubliant les astres et les choses et en vivant des ombres.
auteur,création,étoile,hauteur,ombre,platitude

doute
Le seul moyen (d'essayer) de me connaître moi-même est de peindre mon image, mais « le portrait que j'ai de moi est aussi peu Moi, que le portrait que j'ai de toi »*** - Valéry. Et seuls les Narcisse nés trouvent un bon lac, pour que les yeux de l'âme puissent se passer du pinceau de l'esprit.
âme,esprit,soi,voix

doute
Mes contraintes - les points d'indifférence ; mon but - le centre de gravité intouchable ; entre les deux - tantôt mon Ouvert (Hölderlin, Rilke et Heidegger) tantôt mon Fermé (Valéry) - mes moyens d'artiste : la hauteur et les rythmes de mes circonférences.
art,contrainte,frontière,hauteur,maîtrise,musique,ouvert

doute
Dans la république du réel, la rareté n’est pas une garantie du beau ou de l’admirable ; elle ne l’est que dans le royaume des rêves. Et Valéry et St-Augustin : « C’est ce qui est rare qu’on admire » - « Quae sunt rara admiramur » - eurent tort. Mais avec le rêve se raréfiant, ils se retrouvent dans le juste, mais insignifiant. Le lointain, lieu idéal pour admirer le beau, disparaît, lui-aussi, au profit d’une aveugle familiarité.
beauté,platitude,proximité,réalité,rêve,vérité

doute
C'est le lieu et la nature de ce qui est rigoureux et de ce qui est flou, dans les concepts et dans le discours, qui prédétermine la stature d'un philosophe  : le flou poétique des concepts et le flou poétique du discours (les pré-socratiques, Nietzsche), la rigueur prosaïque des concepts et la rigueur prosaïque du discours (Aristote, Kant), le flou poétique des concepts et la rigueur prosaïque du discours (Hegel, Schopenhauer), la rigueur poétique des concepts et le flou poétique du discours (Valéry). C'est la dernière combinaison qui est la plus heureuse.
idée,mot,philosophie,poésie,représentation

doute
Le soi, précieux et original, se refuse à la lumière, également répartie et le condamnant à la platitude ; je ne le perçois qu'illuminé par des étincelles soudaines ; l'exercice de Valéry ou de Nietzsche (der Versuch) relève de la même vision.
maxime,ombre,platitude,soi

doute
Les soi-disant systèmes philosophiques sont des leurres, créés par des commentateurs ; les édifices des fragmentaires (Héraclite, Platon, Pascal, Nietzsche, Valéry) ne sont pas moins bien membrés que ceux des globalisants (Aristote, Spinoza, Hegel, Sartre) ; je dirais même que la part des balbutiements et des tâtonnements est plus importante chez les seconds, tandis que la qualité des métaphores est nettement supérieure chez les premiers.
continuité,élite,maxime,métaphore,système

doute
Le soi pur de Valéry est trop lié au tout du monde, le soi absolu de l'idéalisme transcendantal de Kant est trop mécanique, mon soi inconnu a l'avantage de ne se mêler ni des opérations analytiques ni des opérandes ensemblistes – il est l’algèbre de la création.
auteur,création,idée,inconnu,nature,philosophie,soi

doute
Être un Ouvert : vivre de l'élan vers la limite ; vivre à la limite ou vivre aux points déterminés, tendant vers la limite, sont deux attitudes des Fermés. Et je comprends Valéry, sceptique avec les seconds (Montaigne ou Pascal) et enthousiaste avec les premiers (Descartes ou Nietzsche).
amour,élan,frontière,ouvert

doute
On ne pense que dans la mesure, où l'on s'exprime, et la clarté n'est pas dans l'expression, mais dans le jugement de son interprète. La poésie n'est pas moins claire que l'algèbre (elle est la logique de l'indéfinissable, comme, d'après Valéry, - la métaphysique), mais, malheureusement, le regard (interprète) algébrique est plus répandu et topique que le regard poétique.
intensité,interprétation,philosophie,poésie,regard,style

doute
Le doute ne traduit rien d'intéressant en nous, car ce que nous avons de plus passionnant, c'est à dire la noblesse et le goût, ne se manifestent que dans des certitudes viscérales et même dogmatiques. Mais le dogmatisme de notre âme se complète par la sophistique de notre esprit : « Tout ce qu'il y a de positif en philosophie est sophistique » - Valéry. Le doute est bon pour chercher du vrai ; il ne vaut pas grand-chose pour créer, extraire ou vénérer le beau.
âme,amour,beauté,esprit,noblesse,philosophie,vérité

doute
La grandeur littéraire peut se mesurer par sa résistance à la relecture : la grandeur de Nietzsche, Tsvétaeva, Pasternak ne subit aucune fêlure, quel que soit le nombre de mes abordages. Montaigne, Dostoïevsky, Valéry perdent une partie de leur aura à chaque nouveau passage. Ceux qui dégringolent dès la deuxième lecture : Goethe, Pascal, Cioran.
art,auteur,grandeur,temps

doute
Valéry n'a aucune ambition pour la rigueur d'un système, et pourtant ses phrases sont rigoureuses, et derrière elles on peut reconstituer facilement un système complet, profond et subtil, qui l'inspire. Tout, chez Nietzsche, n'est que rhapsodique, mais on y entend une symphonie, grandiose et harmonieuse. Spinoza, Kant, Hegel brandissent leur prétention à la rigueur scientifique, mais chacune de leurs phrases est un fatras anti-conceptuel, anti-logique, anti-poétique, où tout n'est que verbiage, hasard, irresponsabilité, arbitraire, que même le sens commun réfute sans peine, retourne ou s'en moque.
école,idée,jeu,musique,philosophie,poésie,science,système

doute
Tout mon soi connu est dans le devenir, dans l’action ou la création ; c’est ainsi qu’il esquisse ou atteint l’être qui n’est autre chose que mon soi inconnu. « Vis-à-vis de soi-même, l’homme se fait inconnu. Il agit sur son être »*** - Valéry.
action,auteur,création,être,inconnu,soi

doute
Ces va et vient, ces rapprochements et éloignements, ces reniements et acquiescements, ces fraternités et adversités, qui se déroulent entre ce que mon soi inconnu veut et ce que mon soi connu peut. Le talent permet d’en créer des axes continus, sur lesquels s’exerce l’éternel retour, grâce à la même intensité, artistique et vitale. Et c’est ce que Valéry reproche à Nietzsche : « Sa folie est de confondre ce qu’il est avec ce qui peut s’écrire ».
acquiescement,art,axe,création,esprit,éternité,être,folie,fraternité,inconnu,…

doute
Mon soi inconnu n’intervient pas en formulation de mes buts, n’accompagne pas mes parcours ; il semble ne faire qu’inspirer ou bénir mes commencements. « Mystérieuse Moi, tu vas te reconnaître au lever des aurores »** - Valéry.
auteur,commencement,inconnu,soi

doute
La qualité des yeux détermine la maîtrise et la profondeur ; la qualité du regard résume le talent et la hauteur. La rigueur d’une lumière ou la vigueur des ombres. La réalité se moque de la seconde démarche, mais le rêve la salue. Nietzsche est impuissant en technique poétique ou musicale, mais aucun poète ou musicien n’émit de métaphores aussi séduisantes là-dessus que les siennes ; Valéry ignore les théories linguistiques ou logiques, mais aucun linguiste ou logicien n’émit d’avis aussi pénétrants là-dessus que les siens.
esprit,hauteur,idée,langue,métaphore,musique,ombre,poésie,réalité,regard,…

doute
Les questions bardées de variables – c’est à elles que se donnent les plus belles des réponses. La bêtise, c’est de profaner ces questions, en y remplaçant les variables divines par des constantes humaines. « La plus grande ignorance est de ne savoir, quelles questions ne se doivent poser » - Valéry. Tant qu'on pratique un langage à variables on n'est pas perdu. Mais c'est lui qui se perd avec l'ignorance.
langue,question,savoir

doute
L’unification de deux arbres intellectuels, grâce aux substitutions de variables, grandit tous les deux. Les plus belles des inconnues naissent dans la poésie, dans des métaphores. « L’arbre est le poème de la Croissance »*** - Valéry.
arbre,grandeur,inconnu,métaphore,poésie

doute
Valéry (de ses Cahiers) n’est que de belles lumières muettes, qui peuvent mettre en valeur mes ombres musicales ; Nietzsche n’est que de belles ombres dansantes, auxquelles je trouve des sources lumineuses et immobiles. Toutefois, les sots savants proclament : « Nietzsche nous sert de lumière » - Foucault. Personne en France ne comprit Nietzsche. Comme personne n’y comprit Valéry.
danse,école,france,immobilité,intelligence,musique,ombre

doute
L’âme, hélas, n’ayant pas de langage à elle, c’est, malheureusement, l’esprit qui se charge de ton écriture. L’une des premières fonctions de l’esprit est la clarté, de plus en plus profonde et désespérante, tandis que l’âme s’enfonce dans des ténèbres, de plus en plus hautes, porteuses d’espérances. « Seules, d’obscures formules permettent l’espoir, quand tout ce qui est clair est terrible »*** - Valéry.
âme,espérance,esprit,hauteur,langue

doute
L’âme, sans ombre, ne peut pas espérer ; l’esprit, sans lumière, ne peut pas désespérer. « Mon désespoir, dit l’Esprit, est encore lumière. Tandis que l’âme a cette chance de se lamenter dans ses ténèbres »*** - Valéry.
âme,espérance,esprit,ombre,souffrance

doute
Refuser l’existence des mystères signifie que tout, à la longue, soit voué à la clarté ; mais la clarté n’est qu’un accord provisoire, avec nous-mêmes, de ne pas approfondir le sujet (Valéry) ; l’infinité potentielle de ces approfondissements successifs est la preuve même de la présence du mystère.
inconnu,mystère,question

doute
Dans tout discours, il y a une part dogmatique – des assertions sans preuve – et une part sophistique – des inconnues, insérées, afin qu’elles invitent des unifications avec des regards ou requêtes des autres. « Il y a un flair mathématique, qui subodore dans une question les bonnes variables »** - Valéry. Je dirais que c’est un flair intellectuel, propre et aux poètes et aux philosophes, c’est-à-dire aux tenants de la forme, tandis que la logique des variables n’est liée qu’au fond, à la représentation.
arbre,intelligence,philosophie,poésie,question,regard,représentation,science,style

doute
Pour être connu, il faut avoir été représenté et habillé en mots. Tout ce qui n’a pas encore trouvé une enveloppe verbale – dans nos pensées ou nos états d’âme – peut être appelé – inconnu. « Seigneur Inconnu – voilà le cercle de ma hauteur »** - Valéry.
âme,hauteur,idée,inconnu,mot,représentation

doute
Où placer l’Étrange valéryen ? - les finalités sont presque toujours explicites, pas de place pour l’Étrange ; avec un peu de perspicacité et d’astuces, les sinuosités des parcours se déchiffrent aisément, l’Étrange se banalise ; il reste le commencement, ce grand hébergeur de l’Étrange, cet équivalent de la Hauteur, à partir de laquelle, tout le reste n’est qu’inertie descendante.
chemin,commencement,continuité,création,hauteur

doute
Tous connaissent les propriétés de la matière et de la vie, mais peu en admirent le caractère miraculeux et en sont fascinés et bouleversés. Et les voix de Leibniz, Valéry, Einstein devinrent inaudibles, dans le brouhaha des dénonciations des imperfections fiscales, comportementales et environnementales.
inconnu,matière,modernité,mystère,vie

doute
On ne sait que ce qu’on sait prouver (et non pas faire, comme le pense Valéry). Savoir n’est pas produire par un acte réel, mais unifier des arbres abstraits – le représentatif et l’interprétatif.
action,arbre,interprétation,réalité,représentation,savoir,vérité

doute
J’exagère un peu moins que Valéry, pour désigner notre soi mystérieux ; pour Valéry, il est inconnaissable et pour moi - seulement inconnu. On ne connaît qu’à travers des représentations ; les relations en sont l’un des paradigmes. Or, des relations du soi inconnu avec le soi connu peuvent être définies en tant qu’influences, échos ou inspirations, ce qui met le premier dans le domaine du connaissable, bien qu’arbitraire.
auteur,concept,inconnu,jeu,mystère,représentation,savoir,soi

doute
Tu n’es toi-même que dans le commencement, puisque le parcours est mécanique et la cible – commune. Valéry est aussi intraitable : « Le commencement est délicat, la suite – étroite et la fin – toujours fausse »**.
chemin,commencement,flèche,mouton,robot,soi,vérité

valéry p.
L'esprit est si bizarre fonction, que l'on ne peut jamais décider si le manque de telles connaissances ne lui sert pas plus qu'il ne le gêne.
doute
Ce qui gêne l'esprit, souvent réjouit le sentiment. Les connaissances les plus volumineuses se réduisent à un point, une fois digérées. L'homme d'esprit vit du manque, l'homme de cœur - du trop plein. L'homme de goût sait provoquer chacun des deux quand il le veut. Chez celui qui n'a que le talent, on remarque les défauts de ses qualités ; le génie est marqué par la qualité de ses défauts.
cœur,élite,esprit,goût,intensité,savoir,sentiment

valéry p.
Un philosophe est celui qui en sait moins que les autres - (et en quelque sorte moins que l'homme qu'il est).
doute
Socrate le prit trop à la lettre. On ne sait que dans un langage fermé ; et la création est ce qui nous rend ouverts, ces Ouverts, dans lesquels on converge vers ses limites, sans les atteindre, en soi-même. La meilleure, la profonde conscience de soi aboutit à la haute, à la féconde méconnaissance de soi. Et même du monde : « Le philosophe est un innocent, qui persiste à tenir pour énigmatique le monde, qui va de soi »*** - Enthoven. Et s'il va jusqu'au bout de tous les problèmes (Schopenhauer), c'est pour découvrir, derrière chacun d'eux, - des mystères.
art,création,langue,mystère,ouvert,philosophie,poésie,savoir,soi,style,…

valéry p.
Une idée est claire quand nous faisons convention avec nous-mêmes de ne point l'approfondir.
doute
Le vague des profondeurs la munit souvent d’ailes, pour nous rendre moins crédules mais plus attirés vers la hauteur. « N'a de convictions que celui qui n'a rien approfondi » - Cioran. Mais ce n'est pas la pauvreté de notre cervelle qui est en cause, mais la richesse des langages, créateurs d'ombres nouvelles. « Tout n'est que brouillon ; la notion de texte définitif relève de la religion ou de la fatigue »** - Borgès - « No puede haber sino borradores ; el concepto de texto definitivo no corresponde sino a la religión o al cansancio ».
création,hauteur,idée,langue,misère,ombre,religion,savoir,soi

valéry p.
Le manœuvre vit dans un monde clair et diffus, et ce penseur - dans un obscur à points brillants.
doute
L'intensité des points d'un pointillé ou la fadeur de la continuité des lignes, surfaces, volumes. Des rythmes rarissimes des points bien nommés ou des algorithmes anonymes tombant à point nommé.
balance,continuité,étoile,intensité,mot,ombre,platitude

valéry p.
Deux dangers : l'ordre et le désordre.
doute
Puisque plus j'écoute l'un, plus je subis l'autre. Comme avec le savoir et le non-savoir. Il faut leur imposer mon jeu et mes dangers, en alternance. Ne pas oublier que l’ordre impératif vient de l’esprit et le désordre émotif – de l’âme ; une vie complète a besoin de tous les deux, comme la musique faisant appel aux aigües et aux graves.
acquiescement,âme,audace,esprit,jeu,maîtrise,musique,ordre,savoir,sentiment,…

valéry p.
Visitez la pensée, vous y verrez des engrenages comme dans la machine et des hasards comme dans la rue.
doute
Mais il n'est pas donné à tout le monde de pressentir les moyens des roues dentées, ni d'admirer le but obscur et chaud d'un hasard heureux, d'une roue de fortune.
contrainte,étoile,idée,jeu,robot,sentiment

valéry p.
Ce qui n'est pas fixé n'est rien. Ce qui est fixé est mort.
doute
Une belle dialectique de la création ! Le philosophe-poète ne crée que dans l'informe, qu'il a intérêt d'accumuler en se débarrassant de ce qui prit déjà forme. Ce qui n'entre pas dans une grammaire n'exprime rien. Fixer, c'est attacher une mosaïque sémantique à une syntaxe opératoire. Une fois soumis à la seule syntaxe, tout discours vrai est mort. Ce qui se fixe dans l'espace sera mis en mouvement dans le temps. C'est en fixant que nous prouvons notre capacité de métamorphose. Chercher à fixer dans l'espace, c'est tendre vers la perfection dans le temps. La liberté futuriste de l'être ou l'irréversible nostalgique du devenir. La perplexité devant le mouvement insaisissable et « la répugnance à toute fixité » - Nietzsche - « ein Widerwille gegen alles Festbleiben ».
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valéry p.
La philosophie : faire semblant d'ignorer ce que l'on sait et de savoir ce que l'on ignore.
doute
C'est exactement ce qu'on appelle docte ignorance ! L'art d'ignorer les évidences, en les méprisant, et de maîtriser les apories (étymologiquement, les doutes), en s'y noyant. Les Grecs avaient déjà un mot, pour désigner la docte (ou feinte) ignorance de Socrate, - l'ironie !
esprit,grèce,ironie,philosophie,savoir

hommes
Jadis, on écoutait les meilleures des voix au milieu d'un silence ; mais depuis que la voix médiocre obtint l'accès à l'écoute publique, on est condamné à tendre son oreille au milieu d'un brouhaha. Cette sur-sollicitation de l'ouïe dévitalise la vue, la grisaille des choses racoleuses décolore le regard exigeant. Les Valéry, Malraux, Sartre modernes n'ont aucune influence sur les débats publics, puisque personne ne les entend ou ne les distingue dans le tintamarre ambiant égalisateur (das lärmende Gezwirge - Nietzsche).
modernité,mouton,ouïe,regard,silence,voix

hommes
L'homme de la nature : l'imposture incohérente. L'homme moderne : l'authenticité calculée. L'harmonie artificielle leur manque, l'incohérence harmonique de Valéry.
artificiel,authenticité,beauté,nature,raison

hommes
La même, et étrange, intonation, faite du mot distant, se reflétant dans lui-même et effleurant à peine la vie, se retrouve chez cette sorte de métèques que sont Casanova, Pouchkine, Nietzsche, Valéry, Nabokov, Cioran. Ne pas être sûr de ses racines ou de ses paysages aide à cultiver le climat de son propre arbre.
arbre,climat,exil,mot,musique,vie

hommes
Les contemporains de Montaigne, de Pascal, de Voltaire, de Hugo, de Valéry se lamentaient, exactement comme les nôtres, sur la dissolution des sens, l'effondrement des principes, la déchéance des hommes, la désintégration de l'humanité. La seule différence notable est que nous sommes contemporains des houellebecq. Ceux-là furent héritiers d'une grande culture, et ils concevaient leurs propres commencements ; ceux-ci sont porte-parole accumulatifs d'une inculture moutonnière ou robotique.
art,commencement,culture,modernité,mouton,robot

hommes
Nietzsche - réduire l'homme à ce qu'il veut en profondeur ; Valéry - à ce qu'il peut en étendue ; le moralisme béat - à ce qu'il doit en largeur. Je pencherais pour le réduire à ce qu'il vaut en hauteur.
auteur,hauteur,valoir

hommes
Chacun de nous porte en lui-même quatre types d'entités anthropologiques : l'homme, les hommes, le surhomme, le sous-homme ; et dans nos prises de position ou de pose, nous choisissons notre camp et désignons celui de l'adversaire. L'appartenance de ces adversaires à la même catégorie que nous-mêmes, telle semble être la règle de la bonne littérature. 99% des cas : des hommes opposés à d'autres hommes. Un sous-homme, face à un autre sous-homme, - Dostoïevsky ; un surhomme se moquant d'un autre surhomme - Cioran ; un homme dévisageant l'homme - Valéry. Comme Nietzsche - qui dresse le surhomme sur le sous-homme - j'ai dévié : je protège l'homme du diktat des hommes.
art,grandeur,lutte,pose

hommes
Depuis deux siècles, on nous annonce le dépérissement de la culture européenne, qui viendrait d'un nihilisme rebelle. Or, c'est un holisme grégaire qui s'en charge, avec beaucoup plus d'efficacité. « Chute de tout à cause de tous ! Chute de tous à cause de tout ! »** - Pessõa. Aucune contre-réforme, aucune contre-révolution en vue ; l'abêtissement, c'est à dire la robotisation (succédant à la moutonnaille, cette « parfaite et définitive fourmilière » vouée par Valéry à la permanence), semble être irréversible. Et comme conséquence logique - l'extinction du regard, puisque c'est la culture qui le forme (Nietzsche).
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hommes
Aucune parenté avec la France de Molière, Marivaux, Guitry, Sollers ne m'est pensable ; des sentiments filiaux et presque tribaux pour la France de Montaigne, Voltaire, Valéry, R.Debray. Je sais que c'est la première France qui domine, et a toujours dominé, dans les … cœurs des Français, et la seconde - seulement dans leurs têtes.
auteur,cœur,esprit,france,proximité

hommes
La totalité de l'homme intéressant se révèle et se résume dans ces trois attitudes : la pose face à la noblesse, la posture face au mot, la position face aux idées - la hauteur, le style, l'intelligence. Suivant ces axes, j'ai trois complices et alliés : Pascal, selon le premier ; Nietzsche, selon les deux premiers, Valéry, selon le troisième. Dois-je attendre mon Mémorial ? Mon cheval de Turin ? Mon illumination de Gênes ? Dans les deux cas - une rupture douloureuse avec la raison.
auteur,axe,esprit,hauteur,idée,intelligence,noblesse,pose,raison,style

hommes
Ceux qui se proclament hommes d'idées sont parmi les plus raseurs ; le seul homme d'idées, qui m'inspire une franche admiration, est Valéry, mais il est aussi, et surtout, l'homme du mot, c'est à dire des ombres, tandis qu'il éteint, lui-même, la vaine lumière annoncée par l'idée naissante et portée par l'idée fixe.
idée,mot,ombre

hommes
Choisir et s'imposer ses contraintes est plus digne et utile que seulement les connaître. « Est libre qui connaît ses contraintes ; qui se croit libre est esclave de sa folie »** - Grillparzer - « Wer seine Schranken kennt, der ist der Freie ; wer frei sich wähnt, ist seines Wahnes Knecht ». Sacrifice dynamique, plutôt que fidélité statique. « Le comble de la liberté est de se contraindre »** - Valéry. L'homme moderne n'est plus esclave d'une folie tyrannique, mais d'une raison démocratique. Mais la chaîne virtuelle s'avère mille fois plus lourde bien qu'indolore.
cité,contrainte,folie,liberté,raison,sacrifice

hommes
La définition cartésienne des animaux, en tant que machines, est étendue, aujourd'hui, à l'homme. Tant que l'injustice ou l'irrationnel hérissait le paysage humain, l'homme avait une chance d'échapper à la mutation en machine. Tous les Descartes modernes abandonnèrent cette ultime réticence et déclarèrent la justice - terrain non-déconstructible (Derrida) et même le seul. La honte des sens et l'ironie du sens - les seules facettes humaines, que la machine ne reproduira jamais ; quant au reste, Valéry a raison : « Le modèle Machine doit être pris comme base du système Homo ».
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hommes
Quand je lis les propres réflexions de ceux, qui voient la place de la pensée valéryenne dans un album pour filles, j'y tombe sur un ennui, épais et plat, qui paralyserait et poétesses et duchesses et concierges. Même Sartre est comique, lorsqu'il parle de l'ignorance de Valéry (ce qui est aussi statistiquement juste et intellectuellement bête que de trouver, que Dieu n'est pas un artiste). Comment leur faire comprendre, que ce n'est pas le savoir, mais le savoir du savoir, le temps hors du temps, idea ideæ, qui est signe d'un esprit supérieur ? Leurs réponses aux questions des autres sont incolores ; aucune envie de répondre à leurs questions grisâtres. Je ne sais même pas, si Sartre est un peu intelligent ou non.
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hommes
La « pensée de Midi » (Camus) m'est étrangère, je suis un homme du Nord. Le Midi, c'est la faconde en continu ; le Nord, c'est le rêve en pointillé. Avec des transfuges : Leopardi, Valéry ou Borgès, s'il le faut. En reniant, à contrecœur, les congénères : J.Donne, Hölderlin ou Pouchkine. Quand on est porteur des ardeurs autonomes, le Borée capricieux et froid les accompagne mieux que le Zéphyr constant et douceâtre. Suivre son Étoile du Nord et porter sa Croix du Sud. « Inondé de mystère, cette lumière boréale de l'âme » - S.Zweig - « Überlichtet von Geheimnis, Nordlicht der Seele » - c'est sous cette lumière discrète de l'âme que naissent les meilleurs jeux d'ombres de l'esprit.
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hommes
Tout parcours humain aboutit à la défaite finale ; armer le croisé, c’est rendre sa chute future plus humiliante et plus irrécupérable ; il faut désarmer son bras, pour que son espérance s’affirme et se renforce dans l’impondérable pacifié. « Pascal nous donne souvent plutôt le contraire d’armes » - Valery.
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hommes
Tous rêvent du legor, legar - on me lit, on me lira ; mais je me trompai avec le non legor, non legar ; les pires subissant le legor, non legar (ce que redoutent aussi les humbles : « Après ma mort, je serai lu pendant sept ans et ensuite - oublié » - Tchékhov - « После смерти меня будут читать семь лет, а потом забудут ») ; les meilleurs s'illusionnant sur le non legor, legar ; « je travaille pour celui qui viendra après » - Valéry. Le plus bête est Proust : « Le monde entier me lira ».
acquiescement,intelligence,mémoire,mort,temps

hommes
Trois bêtes cohabitent en nous : la biologique, la sociale, l'intellectuelle, produisant des instincts, des contraintes, des libertés. « La liberté existe comme insensibilité aux contraintes » - Valéry. La chute ou l'écartement des deux premières de ces bêtes rendrait la troisième - seul maître à bord et qu'on pourrait peut-être appeler désormais - ange. Mais éliminer la bête biologique, c'est stériliser l'ange ; et sans la bête sociale, toute Annonciation serait sans objet.
ange,contrainte,liberté

hommes
Les hommes sont transparents, l'homme est impénétrable. Parmi ceux-là - rien à chercher ; devant celui-ci - tout à croire. Il s'agit de trouver l'homme. « Les Français ont plus de foi dans l'homme qu'ils n'ont d'illusions sur les hommes » - Valéry.
doute,france,inconnu

hommes
L'équilibre moderne : les moutons apprirent le calcul, aux robots on apprit à former des troupeaux, des réseaux, - l'extinction de nature et de culture. Et dire qu'on rêvait jadis de « la présence de choses absentes, résultant de l'équilibre des instincts par les idéaux » - Valéry.
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hommes
Aucun sot ne peut imiter l'intelligence de Valéry, aucun non-artiste ne peut atteindre l'intensité de Nietzsche, aucun non-styliste ne peut briller comme Cioran. Quand je vois des foules d'épigones, relevant de ces trois catégories d'incapables et reproduisant très précisément les démarches de Spinoza, Hegel ou Husserl, je perds toute envie de descendre dans leurs profondeurs (qui sont plutôt des cloaques) et je reste dans la hauteur de ma belle triade.
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hommes
Jadis, la vie se déroulait entre la sobriété du sens et l'ivresse des sens ; la sobriété de la raison l'emporta, et une sobre concentration règne dans toutes les têtes, l'âme ayant crevé suite à la gueule de bois trop prolongée. J'envie le temps, où l'on pouvait dire cette chose invraisemblable : « L'homme moderne s'enivre des dissipations » - Valéry.
âme,modernité,raison,temps,vie

hommes
Le nombre des contemporains, admirateurs des belles plumes, est le même, aujourd’hui, qu’aux époques d’Homère, de Shakespeare, de Nietzsche, de Valéry. C’est le nombre des candidats et, surtout, les critères d’excellence qui changèrent : le marchand, le footballeur, le chanteur, le journaliste évincèrent le poète, le philosophe, l’intellectuel.
argent,art,beauté,esprit,grandeur,modernité,philosophie,poésie

hommes
L’Histoire n’est qu’un dictionnaire décoratif et décousu de nos discours ampoulés et irresponsables. « Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout »** - Valéry. Tout ce qu’il y a de valable en littérature se passe de noms propres et de dates.
art,histoire,langue

hommes
Le corps de l’homme descend nettement de l’animal, mais son cœur, son âme, son esprit témoignent d’une descendance divine ; la bête cohabite avec l’ange, mais toute ténèbre bestiale peut être dissipée par une lumière angélique. Mais Valéry : « J’ai de la répugnance pour tout ce qui est mélange d’animal et d’ange. Mais j’aime l’un et l’autre bien séparés » - ne veut pas l’admettre.
âme,ange,cœur,création,dieu,esprit,haine,nature,ombre,vie

hommes
L'une des rares choses, qui m'empêchent de dire, que l'homme a déjà donné le meilleur de lui-même, est l'absence d'un Valéry de l'ironie, de l'invective et du mépris. Toute intelligence est aujourd'hui au service du sérieux.
esprit,haine,intelligence,ironie,révolte

hommes
Les sens du Bien, du Beau et même, ne serait-ce qu’en partie – du Vrai, ne sont pas, à proprement parler, humains ; faute de mieux, il serait permis de les appeler divins. Or, tout ce qui est grandiose chez l’homme passe par ces sens. « Tout ce qui agrandit l’homme est inhumain ou surhumain »** - Valéry. Le Créateur n’imposa aucune hiérarchie entre ces trois sens ; et Nietzsche a tort de placer le Beau au-delà du Bien ; avec la même (ir)responsabilité, on pourrait dire que le Bien soit au-delà du Beau.
beauté,bien,dieu,grandeur,vérité

hommes
Pouchkine, par ses caresses, me fait sentir Russe ; Rilke, par ses noblesses, me place chez les Allemands ; Valéry, par ses finesses, me fait reconnaître Français. Et, soudain, je me rends compte, qu’ils sont, tous, - poètes ! Étranger à tous les clans, je ne suis fidèle à mon soi, solitaire et vrai, qu’au milieu – virtuel ou réel - des poètes !
allemagne,auteur,france,mouton,poésie,réalité,russie,soi,solitude

hommes
Dans tout ce qui vient de l’espèce, chez l’homme, on peut trouver des merveilles divines. Quant aux genres, il faut les diviser, d’après Valéry, en extrêmes (pour la création) et en moyens (pour la maintenance). Chez les premiers – des poètes aux scientifiques – on trouve aussi des merveilles, en symbiose avec l’œuvre du Créateur ; chez les seconds on trouve la confirmation des lois d’inertie et d’entropie.
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hommes
L’américanisation rampante noya toutes les racines romantiques et intellectuelles en Europe ; je me sens seul à m’attacher à Pouchkine en Russie, à Rilke en Allemagne, à Valéry en France. « Dans tout citoyen d'aujourd'hui gît un métèque futur » - Cioran.
allemagne,amérique,france,modernité,russie

hommes
Les intellectuels français – Montaigne, J.Joubert, Valéry – ennemis de la gazette. Sur la scène publique, ils furent évincés par les journalistes – guetteurs des faits divers – depuis les affaires de Callas ou Dreyfus jusqu’aux gilets jaunes. À la charnière entre ces tribus inconciliables se trouvait Voltaire – l’ironie des premiers et le faux pathos des seconds.
esprit,france,goût,ironie,modernité,mouton

hommes
Aurais-je vécu à l’époque des Nietzsche, Valéry, Cioran, je ne me serais pas permis mon arrogance et mon narcissisme ; mais la nullité unique, indépassable des hommes de plume aujourd’hui justifie largement ma pose méprisante. Et je sais bien que les lamentations sur l’état de l’art furent courantes dans toutes les époques.
art,auteur,modernité,pose,temps

la rochefoucauld f.
Peu d'hommes ont été admirés par leurs domestiques.
hommes
Tant que le mot ne frayait pas avec les cuisines. Depuis que le mystique est au service des domestiques, la musique et la saveur de ses paroles les enchantent autant que les casseroles. « Personne n'est héros de son valet » - Hegel - « niemand kann in den Augen seines Kammerdieners ein Held sein » - non point que le héros ne soit pas héros, mais que le valet est bien valet. Madame de La Fayette fut plus réceptive à vos qualités, comme N.Barney - à celles de Valéry, Arendt - à celles de Heidegger ou de Beauvoir - à celles de Sartre.
gloire,goût,grandeur,mot,musique,mystère,platitude

intelligence
Deux familles de philosophes : partant des sciences ou animés par l'art, charlatans ou poètes. Chez les premiers, deux sous-espèces : obnubilés par les sciences anecdotiques (Hegel, Marx) ou abusés par les sciences rigoureuses (Spinoza, Husserl). Chez les seconds : se tournant vers notre facette religieuse (Nietzsche), langagière (Valéry), stylistique (Cioran).
art,langue,philosophie,poésie,religion,science,style

intelligence
On est d'autant plus intelligent, qu'on sait moins ce qu'on veut et qu'on sait plus ce qu'on peut. Pour faire ce qu'on peut, il faut du génie ; pour faire ce qu'on veut, le talent suffit. Pourtant, le talent, c'est le pouvoir ; le génie - le vouloir : « Le talent sans génie est peu de chose. Le génie sans talent n'est rien » - Valéry. La volonté et la maîtrise devraient nous pousser vers ce que nous ne pouvons pas savoir.
esprit,inconnu,intensité,maîtrise,savoir,valoir

intelligence
Deux cas qui m'intriguent : Wittgenstein et Valéry. Tous les deux ne connaissent rien ni en linguistique ni en logique ; mais dans leurs avis respectifs la-dessus, le premier est complètement niais et le second – exceptionnellement brillant. Le premier est homme subtil et penseur nul ; le second est penseur subtil et homme nul.
esprit,langue,science

intelligence
La montagne, c'est l'arbre des ascètes de l'image. Que peut-on en tirer ? - le poids, l'ascension, la hauteur, la solitude, la pureté. L'espoir d'approcher de la source de mes ombres. La mer, c'est l'arbre des bâtisseurs, réceptacle du possible (Valéry) - le rapprochement du firmament et de l'horizon, la sensation des amarres lâchées et du havre visé, la vision de l'épave et de la bouteille de détresse, la profondeur parlant l'horrible et promettant le beau. L'espérance qu'aux estuaires de ma création on reconnaîtra le rythme de mes sources.
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intelligence
L'intégrité, en philosophie, résulte en ennui, en tiré par les cheveux. L'unité d'une caserne. Le fragmentaire crée l'illusion de sincérité et de vivacité. L'unité devrait s'acquérir par une hauteur qu'on ne quitte pas. « Toute philosophie ne vaut que dans son état naissant et devient ridicule, si on essaie de la rendre mûre »* - Valéry. Les meilleurs aèdes furent rhapsodes.
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intelligence
Si tout premier signal du cœur est le meilleur (le génie du cœur), avec les productions de l'esprit (la passion savante) il faut attendre systématiquement un second signal pour s'entendre. Tant et si bien que je pense de Descartes, je veux de Nietzsche, je dois de Tolstoï, je puis de Valéry, je suis de Heidegger - leurs premiers signaux - gagnent en intérêt, si l'on a la patience d'écouter leurs successeurs, qui ne sont jamais produits par la même fibre.
amour,cœur,continuité,esprit,être,honte,intensité,maîtrise,raison,système,…

intelligence
Un savoir bien digéré ne produit que de viriles, ironiques et hautes métaphores. « Il ne faut pas attacher le sçavoir à l'âme, il l'y faut incorporer » - Montaigne. Baudelaire aurait pu être un Nietzsche français (tandis que Proust n'en avait aucune chance, n'ayant ni le talent ni la noblesse ni le savoir), si ses boutades étaient rehaussées d'un peu plus d'ironie distante ; celui-ci choisit le bien du Crucifié pour contrainte négative, tandis que celui-là se ridiculisa avec le beau à nier. Le français pousserait à prendre parti, ce qui expliquerait l'échec des tentations nietzschéennes de Valéry.
beauté,bien,défaite,france,hauteur,ironie,métaphore,pose,proximité,savoir

intelligence
Penser la pensée, telle est la démarche commune de deux belles têtes, Valéry et Heidegger ; le premier voit la valeur de la pensée dans son venir-au-monde soudain et fatal et, ingrat, se détourne d'elle, une fois qu'elle est fixe ; le second voit dans la pensée (Denken) une gratitude (Danken), qu'il doit à l'être-dans-le-monde. Pour enchaîner, phonétiquement, je dirais, que la pensée ne doit pas panser les plaies, où bat le pouls de la vie.
axe,esprit,être,philosophie,souffrance,vie

intelligence
Des jeux pseudo-logiques avec des concepts tirés au hasard des soutenances de thèses, en psychologie ou en physiologie, ce charabia insipide de la professoresque clanique, s'attachant, au gré des modes, au rationaliste le plus absolu, au charlatan de Vienne ou au dingue de Turin, mais sans leur talent, dans cette niche logomachique alimentée par Husserl et Heidegger, Sartre et Badiou, où l'on refuse à Pascal, Voltaire ou Valéry le titre de philosophe, que s'arrogent tous ces arides pontifes de faculté Barthes, Foucault, Deleuze, Ricœur, Derrida. Siècle de Dozenten et d'agrégés !
école,folie,idée,jeu,philosophie,platitude,raison,représentation

intelligence
Je veux - une flèche, je pense - un réseau, je rêve - un regard. Mais ce regard a besoin de flèches, qui ne volent pas, au-dessus d'un beau réseau. Donc, l'existence à la Valéry est plus convaincante que celle de Nietzsche ou de Descartes.
esprit,être,flèche,raison,regard,rêve,valoir

intelligence
Qu'est-ce que penser ? - savoir que l'on doit (Kant), veut (Schopenhauer), peut (Valéry). Et sans le savoir - pas de valoir (Nietzsche) ; donc, au moins dans l'immédiateté, Descartes est plus près du moi que les autres.
esprit,proximité,raison,soi,valoir

intelligence
Valéry surclassait Einstein dans tous les compartiments du jeu de l'esprit (et où échouait Bergson) ; aujourd'hui, l'analyste-programmeur est plus spirituel que vos Prix Goncourt.
art,modernité,science

intelligence
Intelligence inférieure : une mémoire bien organisée, munie de bons moteurs de navigation et d'inférences. Intelligence supérieure : inventer des modes d'organisation, donner le vertige des houles et des syllogismes, sans agiter des rames ni modi, par le regard soulevé par les apories originelles. Profondeur ou hauteur, Descartes ou Pascal, Sartre ou Valéry, Deleuze ou Cioran.
création,étonnement,hauteur,intensité,mémoire,paradoxe,raison,regard,représentation,sentiment

intelligence
Valéry se moque de la non-définition des abstractions initiales chez les philosophes, qui pratiquent « l'art d'arranger les mots indéfinissables en combinaisons agréables ». Pourtant, la philosophie est de la poésie, où une grande part du charme réside justement dans le vague des premiers et derniers pas. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les «définitions» des plus acharnés adeptes de la rigueur - Spinoza, Hegel, Wittgenstein - pour s'assurer, qu'ils ne quittent jamais la région réservée aux élucubrations poétiques (rien d'étonnant qu'ils s'interrogent en professeurs marmoréens et répondent en poètes balbutiants). Pour discourir en paix, ils ne s'aventurent guère avec les définitions. La philosophie de la rigueur existe bien, mais elle fut exhaustivement épuisée par Aristote et Kant.
art,commencement,école,esprit,inconnu,ironie,philosophie,poésie,question

intelligence
Le ratage le plus irrémissible, celui dans l'art de la docte ignorance (où excellèrent Socrate, Pétrarque, Nicolas de Cuse, Cervantès, Valéry, G.Thibon, Cioran) : « une savante ignorance, instruite par l'Esprit de Dieu, qui soutient notre faiblesse » - St-Augustin - « docta ignorantia, sed docta spiritu Dei qui adiuvat infirmitatem nostram ». Au genre ridicule, la gnose livra plus d'échantillons que la crédulité.
défaite,dieu,force,gloire,savoir

intelligence
À côté de l'inépuisable métaphore d'unification d'arbres (pressentie par Valéry à travers les concepts d'implexe, variable, substitution et outillée par des linguistes et cogniticiens sous forme de graphes acycliques), la logorrhée, antique, médiévale ou moderne, sur L'un et multiple, le même et autre, est dérisoire. Les banales relations mathématiques d'équivalence et d'ordre sont déjà plus intéressantes.
antiquité,arbre,concept,création,être,idée,métaphore,mot,moyen âge,platitude,…

intelligence
Trois sortes de réel : le minéral, le vital, le social. Leurs contraires s'appellent mot, pensée, aristocratisme. Éviter de se servir du premier comme du support de ses émotions ; vénérer le mystère du deuxième, sans le réduire aux solutions du troisième ou aux problèmes du premier ; ne pas se frotter au troisième, qui est pourtant le seul à donner un sens à une écriture. Et ils n'entendent pas la chose de la même oreille : « exclus-en le réel » (Mallarmé, le premier sens) ; « s'immuniser contre le réel » (Proust, le deuxième) ; « l'âme outragée par le réel » (Chestov, le troisième) ; « le réel est nul » (Valéry, tous les trois).
âme,amour,art,cité,honte,idée,mot,mystère,noblesse,ouïe,…

intelligence
Valéry, se désintéressant de ses propres productions cérébrales fixées, devait se douter de l'avenir de ce genre - être à portée des machines. La puissance écoulée du sentiment s'avère, à la longue, plus digne de nos plumes que la terreur devant l'impuissance prochaine de la pensée.
art,force,idée,robot,sentiment

intelligence
L'imagination n'est qu'une intellection vibrante. Manier les états mentaux (Valéry) ou manier les états d'âme (moi !) relève des mêmes cordes. L'Ange pur, astreint par la pudeur du sentiment ; l'ange impur, contraint par la honte du penser calculateur.
âme,ange,contrainte,esprit,goût,honte,intensité,raison,sentiment

intelligence
Une philosophie complète reprendrait toutes les métaphores de l'arbre (« la formule de la vie s'applique aussi bien à l'arbre » - Nietzsche - « muß die Formel [des Lebens] so gut vom Baum gelten » ; « la poésie est création d'un arbre virtuel de références » - Valéry). Mais les partielles, et dominatrices, se consacrent à l'enracinement, à la ramification ou à la cueillette.
action,arbre,création,métaphore,philosophie,poésie,utilité,vie

intelligence
L'intelligence de Valéry : s'intéresser aux conditions de la pensée, se désintéresser de ses conclusions. Puisqu'un bon esprit saura reconstituer le déclenchement des conséquences d'une règle bien conçue.
contrainte,esprit,idée,interprétation,utilité

intelligence
Ce n'est pas l'absence de musique, mais sa qualité enfantine, qui caractérise la métaphysique professorale : « Tout ce qui est métaphysique me semble ce qu'il y a de plus léger et devoir être traité à la Rossini » - Valéry. Que le raseur pullule chez les barbiers - pourquoi s'en étonner ! Même chez les bûcherons, un traitement lourd, à la Wagner, n'apporte pas grand-chose à la science de l'impondérable. Et Schopenhauer et Nietzsche, préférant Rossini à Mozart, ne témoignent que de leurs vies inabouties.
élite,inconnu,musique,philosophie,platitude,science

intelligence
Kant - brillant dans les questions et les réponses, pâle - dans le style ; Nietzsche - pâle dans les questions, brillant dans les réponses et le style ; Heidegger - brillant dans les questions et le style, pâle dans les réponses ; Valéry - brillant dans les réponses, pâle dans les questions et le style. L'excellence est toujours partielle ; la bonne contrainte d'artiste consiste à ne pas développer ce qui est condamné à la pâleur et à envelopper ce qui est promis à la hauteur. Que Heidegger dise  : « Demeurons près de la question » - « Bleiben wir bei der Frage » - je dois demeurer du côté de l'excellence.
discursif,hauteur,question,style

intelligence
Difficile d'être complet, dans la défense des commencements, si l'on n'avait pas suivi ce cheminement préalable : les choses, les idées, les principes, les commencements. C'est pourquoi Valéry est plus complet que Nietzsche.
chemin,commencement,idée

intelligence
Dans un écrit de philosophie, la culture philosophique représente un apport négligeable ; l'esprit y est inséparable de la chair ; les horizons n'y attirent qu'à une belle hauteur de tempérament, de style ou d'émotion. La plus belle intelligence est celle qui écoute son âme et affine son goût, au lieu de scruter et confiner sa mémoire. Peu me chaut la supériorité oculaire de Descartes sur Pascal, de Bergson sur Alain, de Sartre sur Valéry, si les seconds surclassent les premiers en qualité de leur sensibilité et de leur regard.
âme,caresse,culture,école,élite,esprit,étoile,goût,hauteur,mémoire,…

intelligence
De l'origine de la place imméritée de la causalité. Valéry exagère : « La conception de 'cause' est la perdition de toute bonne représentation ». Le noyau dur de la représentation se charge de l'être, la représentation du devenir (ou de l'agir) se greffant la-dessus (la jointure entre ces deux facettes, c'est la modélisation de l'advenue de l'être à l'existence, suivant les lois physiques, chimiques, organiques). Dans le modèle du devenir apparaissent les sujets, les projets, les objets, impliqués dans les changements d'états et associés aux fonctions de : conception, commandement, exécution, outil, matière, et chacun de ces éléments, par un libre arbitre du modeleur, peut être déclaré cause. Cause sans fonction n'a pas de sens, mais c'est ce que font les adeptes du caractère universel de la causalité.
concept,être,représentation,universel

intelligence
Pour être inépuisables, les meilleurs cerveaux sont toujours initiaux : dans l'amplitude de la langue - Heidegger, dans la hauteur du ton - Nietzsche, dans la profondeur du regard - Valéry. Les médiocres sont toujours dans le développement, remplissage ou collage.
commencement,discursif,esprit,hauteur,langue,regard

intelligence
Ce qui détermine le degré de mon intelligence, c'est la richesse des structures primordiales, que j'extrais du spectacle du monde : face aux valeurs, qu'en retirent Cioran, Nietzsche, Valéry ? Le premier nous conduit toujours vers un même point extrême, où s'accumulent le dégoût, la négation, la fatigue. Le deuxième cultive des axes, en en munissant tout point d'une même intensité musicale. Enfin, le troisième, le plus intelligent, construit un arbre, plein d'inconnues et de rythmes.
arbre,axe,inconnu,intensité,musique,système,valoir

intelligence
Aucun philosophe n'aurait rien écrit avant Nietzsche, Valéry ou Cioran, leur œuvre garderait sa valeur intacte (contrairement à Aristote, Spinoza ou Hegel, dont l'intérêt relatif relève davantage de l'histoire de la philosophie), et sa lecture n'en deviendrait pas plus ardue - à comparer avec les connaissances philosophiques (un oxymoron insensé, puisque Foucault a raison : « Il n'y a pas de philosophie, il n'y a que des philosophes »**, tandis qu'il existe bien l'art et non seulement des artistes, puisque le sens du beau est métaphysique et celui du vrai - mécanique), se réduisant à un vocabulaire emprunté, sans rigueur ni exubérance ni hauteur, et qui seraient indispensables pour une lecture des professionnels. La seule maîtrise, dont une bonne philosophie a besoin, est celle du degré zéro de la création, de la sensibilité et de l'intelligence.
beauté,création,école,folie,histoire,maîtrise,mot,philosophie,savoir,sentiment,…

intelligence
Le sujet, c'est l'union de trois créateurs : de représentations (Descartes), de requêtes (Valéry), d'interprétations (Nietzsche). Il doit donc offrir trois facettes : la scientifique, la philosophique, la poétique. L'esprit scientifique bâtit des modèles du monde, l'esprit philosophique les interroge, l'esprit poétique réinterprète le monde. Chacun des trois manque souvent de dons dans les deux autres sphères et croit pouvoir s'en passer, pour se dévouer exclusivement à la représentation, au questionnement sans fin, à la perpétuelle interprétation. C'est le poète qui en sort le moins ridicule. On finira par confier la science à la machine, ce qui enterrera définitivement le cogito (se réduisant à la représentation), pour ne laisser que l'homme de la nature, celui qui ne fait que réinterpréter.
esprit,interprétation,nature,philosophie,poésie,question,représentation,robot,science,soi

intelligence
Dès que j'entends un philosophe - qu'il s'appelle Platon, Kant ou Badiou - parler de connaissance comme du but de leurs travaux, je suis sûr de tomber sur des balivernes ; même en tant que moyen, la connaissance ne joue qu'un rôle microscopique dans un écrit profond ; et même le discours le plus pertinent sur la connaissance est prononcé par ceux qui n'en possèdent pas beaucoup. Un bel exemple - Valéry : « Un philosophe est celui qui connaît moins que les autres »**, parce qu'il doute mieux.
contrainte,philosophie,platitude,savoir

intelligence
Chez les philosophes apoétiques, Descartes, Spinoza, Hegel, je ne trouve aucun sujet qui ne serait pas abordé par le poète aphilosophique Valéry ; chez celui-ci - des idées en belles phrases, chez ceux-là - de ternes phrases et de ternes idées ; les meilleurs des philosophes sont ceux qui reconnaissent, que la philosophie doit être ancilla poesiae, comme en témoignent Heraclite, Nietzsche, Heidegger.
discursif,idée,philosophie,poésie

intelligence
Qui accumulait le plus de connaissances et y voyait et les buts et les moyens d'une réflexion ? - Hegel et Husserl. Quel en est le bilan ? - l'ennui et la platitude. Qui se moquait des connaissances ? - Nietzsche et Valéry, qui n'y voyaient que de modestes contraintes. Quelle est le fond de leur œuvre ? - la musique et l'intelligence.
contrainte,ennui,musique,platitude,savoir

intelligence
Valéry n'est pas un philosophe (il se posait lui-même en anti-philosophe), puisqu'il est adepte de l'acte (du savoir-faire), c'est à dire de quelque chose d'intermédiaire, tandis que les philosophes évoluent soit dans des commencements (Descartes ou Nietzsche), soit dans des fins (Kant ou Hegel). Mais, évidemment, le commencement l'intriguait davantage.
action,commencement,philosophie

intelligence
On reconnaît facilement, que le ton et le style de J.G.Hamann, de Valéry, de Nietzsche sont supérieurs à, respectivement, Kant, Bergson ou Hegel, mais on devrait aussi se rendre compte que, même en intelligence, les premiers dépassent les seconds.
philosophie,style

intelligence
Un beau mystère - le passage de la perception à la conception ; l'impact sur nos sens ne dure que quelques instants, et ensuite, qui en prend la garde et la forme ? - la répétition et le stockage en mémoire ? l'interprétation par substitution de variables réelles par des valeurs mentales ? Et l'essentiel de nos réactions s'adressera déjà à l'arbre unifié fixe et non pas à l'arbre originel chargé d'inconnues. « Les sensations sont échangées contre des représentations, ou des décisions, ou des actes »** - Valéry.
action,arbre,interprétation,mémoire,représentation

intelligence
Une hiérarchie de valeurs externes s'établit en fonction de la hiérarchie de mes juges internes : à ma raison, à mon esprit, à mon âme, en tant que juges, correspondent le savoir, l'intelligence, le talent des autres. Et c'est ainsi qu'au-dessus du beau savoir de G.Steiner je placerai l'intelligence de Valéry, et le beau talent de Nietzsche - au-dessus de l'intelligence de Valéry.
âme,axe,élite,esprit,raison,savoir

intelligence
Le poète produit des métaphores en tant que graines, pousses, bourgeons, boutons ou pétales, dont le philosophe arrange un arbre complet. La philosophie ne serait qu'un « essai d'unification des métaphores »** - Valéry.
arbre,métaphore,philosophie

intelligence
Dès qu'on prend pour pensées l'idée platonicienne, le cogito cartésien, le conatus spinoziste, l'éternel retour nietzschéen, on est charlatan. En reconnaissant leur vrai statut, celui des métaphores, nous devenons libres à les interpréter comme bon nous semble. Les pensées, c'est chez les poètes qu'il faut les chercher – Rilke, Valéry, Pasternak, R.Char.
art,idée,interprétation,liberté,métaphore,philosophie,poésie,retour

intelligence
Dans l'imaginaire on maîtrise l'être et cafouille dans le devenir ; dans le réel, c'est l'inverse. La réflexion de Valéry fut plus réaliste que poétique : « Ce qui est clair comme passage est obscur comme séjour »***.
doute,être,maîtrise,poésie,réalité

intelligence
Le senti se rapporte à la réalité, mais le dit s'interprète exclusivement dans une représentation ; on ne peut strictement rien dire sur la réalité, ni sur les agglomérats d'atomes (minéraux, végétaux, animaux) ni sur les propriétés d'esprit (beauté, douleur, sens). Ce sont des choses en soi : « La chose en soi n'a que l'être » - Valéry.
esprit,être,langue,réalité,représentation

intelligence
Pour un philosophe, l'être, le devenir, le faire sont des synonymes ; mais à toute la platitude de l'être heideggérien on peut substituer la hauteur du devenir nietzschéen ou la profondeur du faire valéryen.
action,être,hauteur,philosophie,platitude

intelligence
Être homme d'une seule idée est toujours un signe d'originalité ; mais être homme d'une seule méta-contrainte est encore plus prometteur - un signe de noblesse. « Il faut former en soi une question, antérieure à toutes les autres, et qui leur demande, à chacune, ce qu'elle vaut » - Valéry.
contrainte,idée,noblesse,question,valoir,voix

intelligence
Pourfendre un adversaire semble être un pré-réquisit de toute écriture ambitieuse ; ici, il y a deux clans : ceux qui s'acharnent contre les sots - Molière, Flaubert, Tolstoi, ou ceux qui s'en prennent à leurs pairs - Dostoievsky, Nietzsche, Valéry. Il est instructif d'observer que la contagion de nos auteurs par le niveau de leur adversaire est bien perceptible.
balance,grandeur,lutte

intelligence
La création est une production, que ne déterminent ni mon intelligence ni ma volonté ni mon savoir ni mon intérêt ; son déclencheur ou sa source s’appelle soi inconnu : « Le Moi est invariant, origine » - Valéry
commencement,création,inconnu,savoir,soi

intelligence
Tout ce qui est dépourvu de la dimension musicale ou ne fait que résumer le bon sens devrait être banni de la philosophie. « À partir de la même impression, l’un forme un chant et l’autre – une théorie analytique » - Valéry - leur analytique part des prémisses communes, pour arriver aux conclusions banales.
axe,danse,mouton,musique,philosophie,système

intelligence
Aucun commentateur ne se hisse à la hauteur de Nietzsche, Valéry, Heidegger ; tous les commentateurs de Spinoza, de Hegel, de Kierkegaard leur sont supérieurs.
hauteur,interprétation

intelligence
Devant un poème imprimé, un analphabète ne reconnaîtrait ni lettres ni mots ni sons ni rimes ni mélodies. « On aurait beau errer dans un cerveau, on n’y trouverait pas un état d’âme » - Valéry. Pourtant, dans le même organe se gravent et les traits d’esprit et les coups de cœur et les états d’âme – il suffit d’en maîtriser la graphie et de disposer d’un bon éclairage.
âme,cœur,esprit,musique,poésie

intelligence
Le médiocre cherche le complexe, l'énumération de parties constantes et grossières d'un tout. Le profond oppose le multiplexe (Leibniz) du réel à la pauvreté de l'imaginaire. Le subtil trouve l'implexe (Valéry), un modèle s'ouvrant à l'unification par substitutions de variables délicates. Le fou se déverse dans l'explexe (Rimbaud), où tout n'est qu'opérandes symboliques sans structure d'arbre unificateur. Le robot optimise le simplexe. Ce que je prône, moi, pourrait s'appeler exciplexe - recherche d'une stabilité dans l'excitation.
arbre,auteur,enthousiasme,folie,goût,ironie,platitude,réalité,représentation,rêve,…

intelligence
Le présent, c’est un jeu des forces, qui se projettent sur un futur hypothétique. Mais qu’est le passé, qu’aucun dynamisme intellectuel ne peut plus modifier ? - une énigme encore plus déconcertante que celle du temps en général… « Le passé n’est que le lieu des formes sans forces »** - Valéry cette définition, même si elle est trop anthropologique, définit bien par qui le passé est habité – par des formes n’étant que des représentations intouchables des objets disparus - des formes n’étant que des représentations de la seule réalité, des objets disparus.
force,inconnu,mystère,réalité,représentation,temps

intelligence
Dans la réflexion de Valéry, on trouve toutes les étapes de manifestation de la conscience (qu'il appelle états mentaux) : l'excitation, le désir, la volonté, le langage, la représentation, les formules logiques, les substitutions, la vérité, le sens – une admirable profondeur ! À comparer avec la vaste platitude des consciences cartésienne, hégélienne, husserlienne, où brillent par leur absence et le langage et la représentation et l'interprétation, où règnent le bavardage ou la banalité.
concept,interprétation,langue,platitude,représentation,science,vérité

intelligence
Trois critères, trois axes qualifient un écrit philosophique : banal/original, bête/intelligent, plat/stylé. Toutes les combinaisons furent possibles dans l’Antiquité. L’écrit nietzschéen est original et stylé ; l’écrit valéryen est original et intelligent ; l’écrit heideggérien est intelligent et stylé. Aujourd’hui, la banalité, la bêtise et la platitude caractérisent et la phénoménologie et la philosophie analytique et la philosophie du langage et la philosophie de l’esprit.
antiquité,axe,esprit,langue,modernité,philosophie,platitude,style,voix

intelligence
Dans l’œuvre de tout grand philosophe on peut reconnaître un système, vaste, solide, profond, et même, dans le meilleur des cas, - altier. Ce système ne peut être qu’un constat, un résumé a posteriori des ouvrages, dont le commencement aurait été dicté par le choix d’un ton, d’une hauteur, d’une noblesse et non pas des dogmes a priori. Toutes les tentatives de partir d’un système (Descartes, Spinoza, Hegel) débouchent sur la banalité, la platitude, le galimatias. Dans les notes fragmentaires de Dostoïevsky, Nietzsche, Valéry, en revanche, on reconnaît, nettement, un système, un vrai monde de l’esprit. « Le fragment n’est rebuffé que par ceux qui croient en systèmes de création » - S.Zweig - « Das Fragmentarische erschreckt nur den, der an Systeme im Schöpferischen glaubt » - il est permis d’y croire (en rêve), mais non de penser (en actes) selon un système.
commencement,création,esprit,hauteur,maxime,noblesse,philosophie,platitude,rêve,système

intelligence
Le penseur complet doit apprécier la représentation des concepts, voir la place du langage, comprendre la nature de l’interprète des propositions, oser la définition du sens de celles-ci. Je ne connais qu’un seul homme, ayant réussi cette gageure, c’est Valéry, qui n’est, pourtant, ni philosophe ni linguiste ni logicien ni cogniticien – une intuition diabolique !
concept,interprétation,langue,philosophie,représentation,science,vérité

intelligence
L’écriture est faite de jugements et de métaphores. Chez Nietzsche domine la métaphore, et chez Valéry – le jugement. Moi, j’en cherche l’équilibre ; Cioran le trouve dans une ténébreuse gnostique ; je le veux consolateur, réconciliant l’inquiétante réalité du Beau avec le paisible rêve du Bien.
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intelligence
Dans un rêve, au sens physiologique, dans un rêve nocturne, on procède à la représentation d’un monde, ne ressemblant que vaguement au monde réel, au monde diurne. Toute interprétation en est aléatoire ; pourtant, c’est uniquement de l’interprétation de rêves que, sur des centaines de pages, discourent ses meilleurs spécialistes – Freud et Valéry.
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intelligence
Le mystère de la matière est le même dans tout l’Univers, même si la nécessité, et non pas la liberté, guide cette matière. La Terre est certainement le seul corps céleste à héberger la vie ; et le second mystère actuel (en occultant celui de l’Origine), c’est cette vie, cette liberté, éclipsant celui du monde matériel. « Nous sommes sur terre pour créer le mystère du monde ; c’est le grand œuvre de la science »** - Valéry - nous, les porteurs du plus grand mystère de l’Univers et, en plus, - les créateurs !
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intelligence
Techniquement, la philosophie (comme l’Intelligence Artificielle) s’articule autour des représentations et des logiques ; Kant et Aristote nous en fournirent des définitions acceptables. Mais ce sont des intelligences mécaniques, sans talent littéraire ; l’intelligence organique, écoutant ce qu’il y a de palpitant, de musical, de mystérieux, chez l’homme, on ne la trouve que chez Valéry. Ces trois-là sont les véritables pères de l’Intelligence Artificielle du futur.
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intelligence
L’arbre offre tous les éléments nécessaires pour que leur métaphorisation reflète le rêve, celui-ci se réduisant au laconisme d’une maxime. C’est au rêve et non pas à la vie que pensait Valéry : « Le fragment se fait un individu complet ; il se fait des feuilles, une tige, des racines, tout ce qu’il faut pour vivre »**.
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intelligence
J’ai écouté tous les spécialistes de l’intelligence – mathématiciens, cogniticiens, philosophes, linguistes – mais c’est un poète qui les a tous surclassé – le grand Valéry ! Lui qui n’appartint à aucune de ces castes, mais dont la intuition, pénétrante et multipolaire, dépasse les savoirs étriqués des professionnels.
langue,philosophie,poésie,savoir,science,système

intelligence
J’apprécie l’intuition de Valéry pour juger du savoir, du langage, de l’intelligence ; mais quand je lis, que pour lui « la mathématique est la science de l’arbitraire », je vois qu’il n’y comprend rien. Il y a des lois implicites, en mathématique, qui encouragent l’élégance et le laconisme des preuves d’une nouvelle assertion. Il est rare qu’on améliore la première version de preuve, mais c’est toujours au profit de ces deux critères qui excluent, presque complètement, l’arbitraire. Même la création de nouveaux objets, en mathématique, bannit l’arbitraire ; c’est pourquoi la mathématique est la vraie ontologie pour tout cerveau rationnel. L’arbitraire des représentations est propre à toutes les sciences, sauf la mathématique.
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intelligence
En philosophie, l’intelligence consiste à savoir tracer les chemins entre la réalité, la représentation, le langage et l’interprétation. Je ne connais qu’un seul personnage qui excelle sur cette voie – Valéry. Avec la réalité, il est cartésien ; avec la représentation – ontologue ; avec le langage – cogniticien ; avec l’interprétation – penseur et poète. En se moquant du jargon des professeurs et de leurs savoirs fantomatiques, il s’appuie sur son intuition et son insatiable curiosité.
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intelligence
Notre perception du monde se fonde sur trois domaines – la réalité (choses et esprits), la représentation (concepts et structures), le langage (grammaire et rhétorique). Une intelligence de penseur et un talent de poète sont nécessaires, pour en dresser un tableau convaincant, ou plutôt séduisant. Pour réaliser cette tâche, la compréhension de la place du langage est la condition sine qua non, puisque la seule communication universelle est le langage. Aucun philosophe n’y est parvenu. N’y brille que le grand Valéry, avec ses notions géniales d’arbre (graphe, réseau), auquel se réduit tout discours, de substitution (des concepts et tropes – aux mots), d’élimination de l’aspect purement verbal (pour accéder à la signification et au sens).
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intelligence
La science développe avec des yeux universels, l’art enveloppe avec un regard particulier. Mais la grande mathématique est présente dans les deux, explicitement ou implicitement. « Tout dispositif poétique repose sur un fait mathématique enveloppé »** - Valéry.
art,création,regard,science,universel

joubert j.
Tant qu'on a la force de se plaindre de la faiblesse de son esprit, l'esprit a de la force.
intelligence
Regretter la force exclusive de son esprit est encore plus prometteur - on peut découvrir, en passant, l'existence de son âme, à la faiblesse vivifiante. « L'amour, c'est pouvoir être faibles ensemble » - Valéry. Comme l'intelligence ou la sagesse, ayant atteint de lumineuses profondeurs, s'élancent, au moment bien choisi, vers des hauteurs sombres, bêtes ou folles.
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novalis f.
Die Philosophie ist eigentlich Heimweh, ein Trieb, überall zu Hause zu sein.

La philosophie est, au fond, une nostalgie, un besoin pulsionnel d'être partout chez soi.
intelligence
Le philosophe est celui qui n'accepte pas les valeurs des pièces étrangères ; en les réévaluant, il cherche à leur imprimer sa propre effigie. Redécouvrir les modes d'échange, partir du point zéro du regard, point commun des exilés et des philosophes. Voir dans l'émission plus de sens que dans la commission. Valéry, irrité par l'absence, en philosophie, de buts clairement formulés, ne comprit pas que la bonne philosophie est plutôt la contrainte d'avant le premier pas que le but d'après le dernier, frein avant fin.
commencement,contrainte,exil,philosophie,regard,soi,universel

wilde o.
I know pretty well that we live in an epoch, when only fools are taken seriously, and I live in terror of not being misunderstood.

Je sais trop que nous vivons dans un siècle, où l'on ne prend au sérieux que les imbéciles, et je vis dans la terreur de ne pas être incompris.
intelligence
Comprendre, c'est prendre au sérieux ; le contraire s'appellerait aimer. Valery, qui vivait entre « la crainte de n'être pas compris et la terreur d'être compris », s'éclairait du même paradoxe.
amour,audace,doute,idée,ironie,modernité,négation,ombre,paradoxe

valéry p.
L'intelligence nage en tenant la poésie hors de l'eau.
intelligence
Avec des convulsions des mots flotteurs ! Les idées sont des barques au service du nageur ; les mots ne sont que des bouées au service de l'étoile.
art,éléments,étoile,idée,mot,poésie

valéry p.
Approfondir une pensée, c'est l'éprouver par des rôles de plus en plus difficiles.
intelligence
En plus, ses passages devraient être si radicaux, qu'au lieu d'admirer la pensée on se mettrait à admirer le langage du nouveau rôle. On ne peut pas être un grand acteur, si l'on ne convainc que dans un seul rôle.
amour,grandeur,hauteur,idée,interprétation,jeu,langue

valéry p.
Toute philosophie, où le mot vie est explicateur, est nulle.
intelligence
J.Benda t'accuse d'en être l'un des adeptes. La vie, cet implexe hors logique, cette instase sans Dieu, a peut-être sa place dans la philosophie extatique en tant que implicateur.
dieu,philosophie,raison,vie

valéry p.
L'imbécile est celui qui n'a pas l'idée de se servir de ce qu'il possède.
intelligence
Des trois chambres de trésor, que Dieu a mises en nous - l'âme, le cœur et la raison - seule la dernière est indiquée en chiffres lumineux, jolis taux d'intérêts. D'où le déficit chronique dans les échanges avec deux autres.
âme,balance,cœur,dieu,maîtrise,raison,utilité

valéry p.
L'esprit est absurde par ce qu'il cherche, et grand par ce qu'il trouve.
intelligence
Il cherche l'idée et ne trouve que le langage. L'idée n'est qu'un projet, les mots sont des objets naissant des contraintes et ne devant pas grand-chose à l'idée.
absurde,concept,contrainte,esprit,grandeur,idée,langue

valéry p.
Ma philosophie ne tend qu'à représenter et à tenter de voir ce qu'une représentation suggère de changer dans les valeurs et les connexions.
intelligence
C'est la définition même du modèle  ! Qui est non-langage, au-dessus de la vie-réalité. Aujourd'hui, tu serais cogniticien ! Comme Aristote et Kant !
axe,balance,langue,philosophie,réalité,représentation,vie

valéry p.
La meilleure philosophie est celle qui nous apprendrait à mettre tout problème en équations.
intelligence
C'est-à-dire avec des variables dont on connaît d'avance les domaines de valeurs. Il suffit de chercher de bonnes substitutions. Le sot n'a besoin que d'égalités.
arbre,interprétation,philosophie,platitude

valéry p.
Parfois je pense, et parfois je suis.
intelligence
Penser, c'est voir naître en images (pour Descartes, c'est entendre, vouloir, imaginer) ; être, c'est concevoir sans images.
commencement,création,être,ouïe,raison,style,valoir

valéry p.
N'invente pas, quand il suffit de savoir.
intelligence
Le savoir suffit, dans les affaires les plus banales de mon existence sociale. L'invention la plus précieuse ne vise que mes propres productions immatérielles. On invente, lorsque on tient à la qualité de cheminement et de contraintes.
chemin,contrainte,création,élite,savoir

ironie
J'attribue de bonnes notes : excellence en philosophie – Schiller, Valéry, Rilke, Pasternak ; excellence en poésie – Héraclite, Nietzsche, Heidegger. Tous les premiers méritent les deux.
auteur,grandeur,philosophie,poésie

ironie
La seule jeunesse qu'on puisse préserver dans la vieillesse, c'est de recommencer à ne reconnaître que soi-même, sans être discourtois avec Mozart, Nietzsche ou Valéry. Du désir de voir le scintillement du monde, je passerai au regard sur mon propre étincellement.
auteur,élan,étoile,gloire,ombre,regard,soi

ironie
La plus vaste tour de France - la tour de Montaigne ; le plus haut cimetière - le Cimetière Marin de Valéry ; la fontaine la plus profonde - la Fontaine du Vaucluse de Pétrarque.
france,gloire,hauteur,soif

ironie
La solution de l'être est dans un projet, son problème - dans un objet, son mystère - dans un sujet : du plus facile au plus ardu. Mais on ne trouve le meilleur que s'étant perdu : « se vouer au mystère, c'est se mettre sur le chemin de l'errance » - Heidegger - «  die Entschlossenheit zum Geheimnis ist unterwegs in die Irre », ou ayant renoncé aux objets : « ce mysticisme sans objet, qui est en moi » - Valéry - il voulait dire est le moi.
chemin,concept,être,mystère,soi

ironie
Il n'y a que ton étoile qui peut te combler aussi bien par une lumière, qui te fait ouvrir les yeux, et par des ténèbres, qui te les font fermer au bon moment. « Cette obscure clarté, qui tombe des étoiles » - Corneille. Rebondissant en obscurité ostentatoire (telles les valeurs somptuaires valéryennes, opposées aux valeurs fiduciaires) et remontant au ciel. L'état d'âme embue l'œil, l'état d'esprit le dissipe et dessèche. « Dieu, ce mot ténébreux, gonflé de clarté » - Hugo.
âme,axe,dieu,doute,esprit,étoile,ombre,regard

ironie
L’un des effets collatéraux de mes contraintes sur le réel, digne d’être vu, est un reflux d’énergie, pour peindre mes rêves ; ainsi, je pourrais dire que « nous avons de quoi saisir ce qui n’existe pas et de quoi ne pas voir ce qui crève les yeux »*** - Valéry.
absurde,auteur,contrainte,force,réalité,regard,rêve

ironie
Chez Nietzsche, Valéry, Cioran, il y a une espèce d'obsession, maladroite et mal-orientée, pour le fond – la force, la connaissance, la fébrilité - où ils s'avèrent assez médiocres, tout en étant brillants dans les exacts contraires, se résumant dans la forme : l'acquiescement résigné, l'intelligence intuitive, le style équilibré. Les défauts de notre esprit, favorisent-ils les qualités opposées de notre âme ?
âme,art,esprit,force,intelligence,négation,savoir,style,vie

ironie
Le besoin d'élargir la gamme musicale pousse l'enthousiaste Cioran vers les notes lugubres et le négateur Nietzsche – vers les notes acquiescentes : tandis que le musicien de l'intérieur Valéry reste fidèle à son élégance primordiale. Tout est inventé chez les premiers et authentique – chez le dernier.
artificiel,authenticité,élan,enthousiasme,musique,négation,style

ironie
La même monotonie, soit inertie soit ennui, accompagne ceux qui ne vécurent jamais un moment de grâce, d'illumination ou de conversion (comme St-Paul, St-Augustin, Dostoïevsky, Nietzsche, Tolstoï, Valéry, Wittgenstein, Heidegger). Pour avoir sa voix reconnaissable, il faut avoir entendu des voix d'inconnus.
continuité,ennui,grâce,inconnu,vie,voix

ironie
Chez les plus grands, on trouve de l'indifférence aux idées : Pascal écoute le sentiment, Nietzsche soigne le ton, Valéry interroge l'expression du mot et la perfection du réel. En revanche, tous les sots sont submergés d'idées, qu'il faut déverser sur un public ignare et avide de vérités.
idée,intelligence,mot,réalité,sentiment,vérité

ironie
Pour insulter un homme, on le compare à un animal ou à une machine. Claudel emploie un baudet et un pion, pour parler de Valéry et d'Alain. Pour se permettre cela, il fallut bien que, sur l'échiquier et dans la basse-cour, il leur fût bien supérieur : un vrai fou de Dieu et une vraie vache. (À sa décharge - son mot : « Quoiqu'il soit vilain de ressembler à une vache, ressembler à une machine est beaucoup plus répugnant »**.)
esprit,folie,grâce,robot

ironie
La rareté augmente le prix, et le progrès - de l'homogène à l'hétérogène – les fait flamber, tandis que l'ironie - de l'hétérogène à l'homogène - déprécie les marchandises en les mettant sur le même rayon. Les choses les plus rares sont sans prix. La noblesse, par exemple. Et, en plus, ce qui est rare pour l’esprit profond est beau pour l’âme hautaine (Valéry) ; l’inverse : « Tout ce qui est sublime est aussi difficile que rare » - Spinoza - « Omnia praeclara tam difficilia quam rara sunt » serait aussi vrai. Le respect du rare serait signe de la culture : « L’humanité ne grandit que par la vénération du rare » - Nietzsche - « Verehrung des Seltenen, durch die allein die Menschheit wachse ».
âme,amour,balance,beauté,culture,esprit,grandeur,hommes,négation,noblesse,…

ironie
Quand je vois, avec quelle facilité, des tas d'hommes, privés de tout talent littéraire, empruntent le style et le vocabulaire de Spinoza, Hegel, Husserl, je comprends mieux le talent singulier de Pascal, Nietzsche ou Valéry, qui n'ont aucun véritable acolyte.
art,école,mot,style

ironie
Ce que Platon dit de Socrate, Valéry de Descartes, Heidegger de Nietzsche montre la chevaleresque sympathie des philosophes-poètes non pas pour leur confrère-ancêtre lui-même, mais pour l’image de celui-ci, qui n’est que leur propre réinvention du personnage fictif et brillant. À comparer avec la froide neutralité ou hostilité des non-poètes.
école,grandeur,lutte,noblesse,poésie

ironie
J’écris en français, car Valéry comprendrait mieux mes intentions, tonales, intellectuelles et musicales, que Pasternak ou Rilke.
allemagne,auteur,france,intelligence,musique,russie

ironie
Dans mes ruines peu fréquentables, j'ai beau faire un pied de nez à tous ces bâtisseurs d'édifices du savoir ou de maisons de l'être - j'ai honte devant celui qui refuse les murs, comme toute construction viabilisée, et vit dans un Ouvert, aux sommets d'une sensibilité (Nietzsche) ou d'une intelligence (Valéry), ou bien devant celui qui, dès qu'il voit une pierre, veut l'attacher à son cou (Cioran). C'est le culte d'un Chaos – sentimental, mental ou verbal ; chaos voulant dire un Grand Ouvert, celui qui était au Commencement (Hésiode) !
auteur,commencement,esprit,être,honte,intelligence,ouvert,savoir

ironie
Chez Valéry, l’emploi du terme penseur est toujours péjoratif. La volubilité du personnage sous-jacent serait engendrée par des questions insolubles, dans lesquelles il se plaît de nager et de se noyer. Il faudrait, au contraire, ne déverser que des réponses mystérieuses, pour lesquelles chacun pourrait inventer sa question flottante et pleine de sens.
absurde,intelligence,question

ironie
On peut juger de la monstruosité des abstractions spinozistes ou hégéliennes par cette perle (parodique?) valéryenne : « Dans ce cycle de transformations – la spécialisation, les restrictions et exclusions fonctionnelles, la polarisation, la coordination, la variance d’un système hétérogène, les échanges entre motilité, réflexes ». S’agit-il d’un tracteur qu’on met en marche ? Du remplacement d’un lavabo ? De l’écorchement d’un serpent ? Raté ! - ce sont des spécifications de l’acte sexuel !
caresse,philosophie

ironie
Aucun non-mathématicien n’a jamais formulé quelque chose de philosophiquement profond ou divinement haut sur la nature de la démarche mathématique (ni Spinoza ni Valéry ni Wittgenstein ni A.Badiou). Mais les mêmes tentatives des mathématiciens eux-mêmes débouchent dans de franches platitudes. Einstein, ni mathématicien ni philosophe, est le seul à avoir la-dessus des avis enthousiasmants.
dieu,enthousiasme,hauteur,philosophie,platitude,science

ironie
L’espérance est affaire des mélancoliques et des solitaires. Ceux qui cherchent à se désespérer sont, d’habitude, de paisibles philistins, repus et ennuyés par la banalité de leur vie. Exemple : l’œuvre la plus désespérante, pour Mallarmé et Valéry, fut la ridicule Walkyrie (Acte III), où le drame se déroule dans une écurie avec des chevaux manquant de vitesse ou de concupiscence (une étable de vaches – qui rient ! - conviendrait mieux à cet affolement féminin, semant le désespoir).
ennui,espérance,mélancolie,platitude,solitude,vie

ironie
Chez les scientifiques, règne la jalousie, d’où leur propension au fratricide ; les artistes tiennent à leur absolue originalité, d’où leur penchant pour le parricide. Les plus honnêtes finissent par en avoir une honte inexpiable, comme Cioran, après ses pitoyables attaques de Nietzsche et de Valéry.
art,honte,inconnu,lutte,science,voix

ironie
Mon orgueil d’algébriste est chatouillé par cet aveu de Valéry : « Ce qu’ont fait les hommes de plus admirable est peut-être l’algèbre ». Mais il gâche tout mon plaisir en en évoquant les aspects soi-disant les plus précieux – les nombres et l’observation de la nature – et je comprends que le compliment est irrecevable, puisque ni les nombres ni l’observation ni, encore moins, la nature n’y jouent un rôle quelconque. L’algèbre est la science qui, à la fois, est la plus éloignée de nos quantités et perceptions et traduit l’intelligence la plus universelle et pure, au-delà de l’humain.
ange,auteur,hommes,intelligence,nature,regard,science,universel

ironie
Je cherche des défauts, communs à Nietzsche, Valéry et Cioran, et je trouve – l’absence d’ironie et l’orgueilleux parricide. Ce qui m’aida à ne pas tomber dans un épigonat.
auteur,erreur

shakespeare w.
The readiness is all.

N'être que prêt, tout est là.
ironie
Ce n'est qu'un tiers, le tiers des scouts, l'autre tiers serait prêt pour l'action contraire et le dernier, le meilleur, pour reconnaître sa défaite (ce que tu résumes bien : « Être mûr, tout est là » - « Ripeness is all »), quand vient l'heure de l'acte lui-même (à rebours de « l'antériorité de l'acte sur la puissance » d'Aristote ou du Docteur angélique). Du Faire au Fait - on s'abaisse, du Dire au Dit - on s'élève. L'opposé de l'opiniâtreté ou du risque. Saluer l'énergie, sans la traduire en mouvement, se contenter de désirer. Tenir à son regard, qui accompagne l'action, est plus instructif qu'agir en le suivant. Savoir ce que je fais, plutôt que faire ce que je sais. Ne pas redouter de n'être que prêt à vivre, à pied d’œuvre. Faire ses sélections, sans faire de choix. Avoir à sa disposition, sans disposer. La disponibilité serait le bonheur à proprement parler du Chinois. « La possibilité est vie, et tout le reste - déchet » - Valéry. Caresser l'idée, sans l'habiller en concept. Je peux rater le but, mais je l'aurai bien perçu ou bien nommé.
action,auteur,bonheur,caresse,chine,contrainte,défaite,flèche,force,hauteur,…

valéry p.
Le sentiment d'être tout et l'évidence de n'être rien.
ironie
Ce qui devrait exclure de ton écriture les tout et les rien, conjugués avec avoir dans un cercle fermé. Dans être, le sentiment et l'évidence convergent dans un espace ouvert.
doute,être,maîtrise,ouvert,sentiment,soi

valéry p.
Philosopher en vers, c'est vouloir jouer aux échecs selon les règles du jeu de dame.
ironie
La philosophie est le seul combat, où tous les coups sont permis à condition d'en expliquer le pourquoi. Et si la poésie apporte, en plus, le comment, on surclasse les échecs en harmonie et le jeu de dame en géométrie.
jeu,lutte,ordre,philosophie,poésie

valéry p.
Les intellectuels sont ceux qui donnent des valeurs à ce qui n'en a point.
ironie
Et ne s'arrêtent pas à celles qui crèvent les cadrans ! Le moyen élégant de donner de la valeur au monde plein est de s'adonner à l'orfèvrerie du néant. Un intellectuel a trop de mots, pour dire plus qu'il ne sait.
axe,balance,esprit,être,goût,mot,savoir

mot
Quel beau paradoxe : le maître du mot, Valéry, est l'auteur des idées les plus profondes ; ceux qui se consacrent entièrement aux idées (Platon, Nietzsche, Heidegger) ne laissent derrière eux que de belles métaphores !
idée,métaphore,paradoxe

mot
Le mot en pointillé crée des états d'âme éclectiques ; mais modulés par la trajectoire des idées (l'idée est l'acte du mot), ils doivent prendre une forme syncrétique, nuage de points orienté. L'idée organique traduit une image d'une seule pièce, le mot thaumaturgique la recrée de toutes pièces. « Les idées sont des créatures organiques ; la forme leur est donnée à la naissance, et cette forme est l'acte » - Lermontov - « Идеи - создания органические : их рождение даёт уже им форму, и эта форма есть действие » - les formes fécondes en idées (Valéry).
action,âme,commencement,continuité,création,idée,style

mot
Le langage sert à approfondir la réalité ou à rehausser le rêve ; dans le premier cas, il est outil et il doit disparaître, une fois le but intellectuel atteint ; dans le second cas, il est contrainte et il doit persister, pour être le seul support de l'émotion. Le seul à distinguer nettement ces deux fonctions fut Valéry.
contrainte,langue,réalité,sentiment

mot
Sans intelligence ni poésie, tout dithyrambe au langage sonne faux et creux. Il n'est juste, à double titre, que chez Goethe et Valéry.
esprit,intelligence,langue,poésie

mot
Valéry part d'un concept improvisé, effleurant à peine les choses, pour aboutir à un mot poétique. Heidegger part d'un mot improvisé, ignorant les choses, pour aboutir à un concept prosaïque. Privez le langage de suffixes, vous coupez toute source d'inspiration de Heidegger. Oubliez toute la culture, la cible de Valéry garde toute son excitabilité.
création,culture,flèche,idée,langue,mémoire,poésie,réalité

mot
On peut décortiquer le langage de l'intérieur, indépendamment du modèle de l'univers ; mais pour interpréter un discours, on ne peut pas se passer de modèle. « Une fois qu'il a donné à la pensée une orientation correcte, le langage peut disparaître pour faire place à un parcours mental »* - Épicure (la sentence est du pur Valéry, qui, curieusement, appelait le modèle - Non-Langage).
idée,interprétation,langue

mot
Valéry a de la répugnance pour ce moi impur, moi qualifié, et lui oppose l'ange pur, Dieu sans nom, la femme sans ombre, l'homme sans qualités ou les qualités sans l'homme. Mais il oublie, que tout qualificatif (satellite de syntagme), dans un autre langage, peut aboutir à une pureté conceptuelle (paradigme).
ange,caresse,dieu,élite,femme,idée,langue,ombre,soi,style

mot
Dans l'émergence d'un nouveau concept, les mots ne sont presque pour rien. Le concept doit sa détermination à la place dans un arbre (graphe) conceptuel, à ses liens sémantiques avec d'autres concepts, à ses attributs, aux rôles qu'il pourrait jouer dans des scénarios impliquant d'autres concepts. Magnifique prémonition de Valéry : « Au lieu de concept, on peut former une Scène »*, réalisée en Intelligence Artificielle ! Les mots ne servent que de mode d'accès plus ou moins paraphrastique aux objets. Dire que les concepts proviennent du langage et non pas de la science (Benjamin) est une pitoyable ânerie !
arbre,artificiel,commencement,concept,idée,jeu,intelligence,langue,représentation,science

mot
Dans l'espace verbal, l'éternel retour est une réfutation de Flaubert et de sa façon finale et parfaite de décrire un porte-allumettes (après - gloire et éternité - Valéry) : en polissant mon verbe, par le paradoxe, l'ironie, la négation, je finis par me retrouver avec le message initial, le vitalisme se jouant du verbalisme. Et Kant se retrouve, lui aussi, du côté des peintres de porte-allumettes : « Dans l'art, il ne s'agit pas de représentation d'une belle chose, mais de la belle représentation d'une chose » - « Im Kunstschönen handelt es sich nicht um eine Darstellung von einem schönen Ding, sondern um eine schöne Darstellung von einem Ding » - celui qui représente est rarement un peintre.
art,éternité,gloire,ironie,négation,paradoxe,représentation,retour

mot
Aucun moyen de te singulariser dans l'être ; il reste « le mot, pour te multiplier dans le néant » (Valéry).
être,voix

mot
Tout philosophe devrait s'interdire l'usage ontologique du verbe être (que le Stagirite ne daigna même pas mettre à côté des trois monstres : avoir, agir, pâtir, et que Lulle négligea dans ses neuvaines ; l'ontologie occidentale existe « à cause de la forme du langage indo-européen »* - Valéry). Inexistant en chinois et en japonais, fantomatique en russe, amputé de sa fonction copulative en arabe (wjd), ambivalent en espagnol et italien (l'essentiel ser-essere et l'accidentel estar-stare), envahissant en grec et allemand, il est un moyen immédiat de dépistage de la logorrhée.
allemagne,chine,discursif,espagne,être,europe,grèce,italie,langue,philosophie,…

mot
Le terme de langue couvre trois entités profondément différentes :
- un système de signes faisant abstraction de son usage et comparable en tout point avec un langage de programmation : alphabet, vocabulaire, morphologie, grammaire ; astucieux, rigoureux et délicat, mais sans vraiment de merveilles
- un système bâti au-dessus d'un modèle conceptuel ; un outil de connaissance et de communication ; on devrait parler de langage (« Le langage est relais par signes »*** - Valéry - la plus précise des définitions !)
- un outil d'expression, le modèle sous-jacent fondé sur l'esthétique ; strictement parlant, à chaque usage on y crée une nouvelle langue.
beauté,création,école,goût,idée,langue,question,représentation,robot,style,…

mot
Tous les poètes français d'avant Aragon furent terrorisés par l'orthographe, dans la recherche de leurs rimes ; ils vous parlent de musique (Verlaine), de voix (Valéry), de chant (Musset), d'ivresse (Rimbaud), tandis qu'on dirait, que c'est la présence de ces misérables e muets ou de consonnes imprononçables, qui les préoccupe au premier chef…
art,france,intensité,musique,ouïe,poésie

mot
Aucune relation transitive n'existe dans la triade langage - modèle - réalité (interprétation - sens, ou valeurs - significations). Valéry confond transitif et transitoire.
balance,concept,interprétation,langue,réalité,représentation

mot
C'est en latin que j'aurais dû chanter la hauteur comme je la sens : avec altitudo on n'est jamais sûr si on a affaire à la hauteur ou à la profondeur, et c'est le thème essentiel du Cimetière Marin de Valéry, où le toit tranquille n'est autre que la surface de la Mer, avec les deux Azurs, en hauteur et en profondeur, chantés jadis par Lermontov.
auteur,hauteur,ironie

mot
Marc-Aurèle, Nietzsche, Valéry, Heidegger, S.Weil, par leur goût philologique, me donnaient l'envie de devenir Grec ; mon échec est peut-être le plus grand regret linguistique de ma vie.
auteur,école,goût,grèce

mot
Mes ruines des mots sont un compromis entre deux regards diamétralement opposés sur la langue : celui de Heidegger, qui y voit une maison hantée par le mystère de l'être, et celui de Valéry, qui en fait un fantôme fugitif, disparaissant dans le devenir du sens. Évidemment, Valéry est beaucoup plus intelligent et pertinent, mais il n'avait aucun soi à loger, le souci, que je partage avec Heidegger.
auteur,être,intelligence,langue,mystère,ruines,soi

mot
Dans tout discours, la part purement langagière est entrelacée avec les couches conceptuelle et poétique, la référentielle et l'expressive ; quand ces deux dernières sont trop misérables, ne conduisant ni à un approfondissement fécond ni à un rehaussement musical, on peut appeler ce discours exclusivement langagier, c'est le silence, dont parle Wittgenstein ; dans un discours intellectuel ou poétique, au contraire, après l'unification avec des idées ou images, disparaît le langage (Valéry). Entre la maxime verbale et la pantomime musicale se joue la création humaine.
création,esprit,idée,interprétation,langue,maxime,musique,poésie,silence

mot
L'agaçante capacité protéiforme du verbe faire – de l'action au constat, de la création au bilan. Pour moi, le soi inconnu est fait ; il est à faire, pour Valéry : « C'est ce que je porte d'inconnu à moi-même qui me fait moi »*** - je le traduirais par : ce qui devient connu quitte mon vrai soi.
action,création,inconnu,savoir,soi

mot
La langue de philosophie, c'est le français, comme la langue de poésie, c'est l'allemand. La logomachie française pousse à soigner la ligne sémantique, musicale, du discours ; la logomachie allemande favorise le goût de l'édifice syntaxique structurel. La morphologie indigente du français oblige à créer des concepts avant les mots ; la morphologie allemande invite à créer des mots avant les concepts. Les contraintes vaincues expliquent souvent le succès intellectuel ; c'est pourquoi la meilleure philosophie française est poétique (Pascal ou Valéry) et la meilleure poésie allemande est philosophique (Hölderlin ou Rilke).
allemagne,contrainte,création,france,idée,langue,musique,philosophie,poésie

mot
Grothendieck vient de mourir. Mon contact avec lui me fut fort profitable : les milliers de ses pages, griffonnées dans la fébrilité des idées, sans le souci du mot, m'aidèrent à ériger d'excellentes contraintes : me méfier des idées, me réduire à l'ascétisme laconique, caresser le mot – merci, pauvre Alexandre. Un nom me lie à ton souvenir, celui de Cartan : les articles du père, Élie (ami de Valéry), me familiarisèrent avec le français, la perspicacité du fils, Henri, mit Alexandre sur la voie de la mathématique.
auteur,caresse,contrainte,france,idée,maxime,science,style

mot
Un immense tempérament et une immense intelligence, Nietzsche et Valéry, abordèrent toutes les questions de la philosophie académique, en les débarrassant de tout verbalisme, argumentatif ou narratif, dans lequel nagent les philosophes logorrhéiques, et en n'exhibant que des métaphores. Tout contenu se réduisant aux mots, s'opposant aux tropes ou concepts, est bête. Et il n'existe pas de concepts philosophiques, il n'y en a que de vagues notions.
école,esprit,idée,intelligence,langue,métaphore,philosophie

mot
Un grand paradoxe, dont, à ma connaissance, ne s'aperçut que Valéry : la composante la plus expressive du discours n'est pas de nature langagière ! Les métaphores ne naissent ni dans la langue ni dans les choses mêmes, mais dans le modèle sous-jacent, où l'inévidence ou la subtilité du chemin vers les objets référencés créent des images ou des sensations ; exactement les mêmes signifiants, au-dessus d'un autre modèle ou dans une autre langue, auraient pu ne produire aucun effet tropique. La langue n'offre que des ressources phonétiques, lexicales, morphologiques, syntaxiques, qui, en tant qu'outils, ne suffisent, en général, qu'aux dilettantes.
concept,langue,métaphore,représentation

mot
Un discours démuni de toute poésie peut se réduire à une représentation ; le mot ne s'émancipe de la représentation sous-jacente que par la musique, qui émane de lui et de son entourage. « Il faut des mots qui ne sont jamais identiquement annulés par une représentation – des mots-musique »*** - Valéry.
musique,poésie,représentation

mot
Valéry a une vision d'une profondeur vertigineuse : « Les mots ne sont pas dignes de figurer dans mes vrais problèmes et dans mes solutions »*** ! Que le modèle et la réalité s'en chargent et laissent aux mots transitoires le souci du haut mystère inventé ! « Ce n'est ni mot ni regard que je pleure, - je pleure le mystère perdu »*** - Tsvétaeva - « Жаль не слова и не взора - тайны утраченной жаль ».
artificiel,création,hauteur,mystère,regard,représentation

mot
Le sens n'est jamais dans la chose ni dans le mot ; il naît d'une confrontation triadique entre l'auteur d'une question, son interprète et un maître du réel. Tout dialogue est l'attribution de sens, et sans dialogue point de sens, même dans des choses, qui prétendent en avoir. L'erreur est de donner un sens préalable aux choses (la liberté d'une donation de sens, au lieu du libre arbitre d'une conception) ou aux mots : « Les philosophes cherchent aux mots un sens et supposent au langage une sorte de substance «existentielle» »** - Valéry. À preuve, voyez, par exemple, la croisade de Heidegger, pour déconstruire la métaphysique et faire ressusciter une authentique ontologie, et qui se réduit, en tant que justification et contenu, à la morne grammaire du verbe indo-européen être.
erreur,être,europe,interprétation,langue,liberté,maîtrise,philosophie,question,réalité

mot
Quand on n'a plus d'essor pour entraîner des verbes, lourds de promesses, on finit par poursuivre le plus vaniteux, le plus flotteur, le plus dégonflé des verbes - être. « Déification du verbe être, voilà la moitié de la philosophie »*** - Valéry. C'est même pire : il s'agit de la déification de la copule. Et ils s'imaginent, en plus, que leur idole est monothéiste, tandis que c'est un monstre, avec une douzaine d'hypostases mécaniques, l'une plus raseuse que l'autre…
dieu,élan,espérance,être,intensité,ironie,philosophie,robot

mot
Être original dans ses idées est une gageure presque impossible ; aucun nom, à part celui de Valéry, ne me vient à l'esprit. Tous répètent, imitent, transforment. Ou bien sont incapables de métaphores, ce qui fait dégringoler leurs idées. Les idées font partie du patrimoine collectif ; je ne peux faire parler mon visage que dans le mot, muni de musique et d'ironie. Je garderai mes mots au fond de mon âme, tandis que mes pensées rejoindront les esprits des autres, pour s'y dissoudre.
absurde,auteur,idée,ironie,métaphore,mouton,musique,voix

mot
Le langage est là pour traduire nos faits, nos idées ou nos états d'âme, qui, ensuite, seraient projetés sur une représentation (pour les hommes de rêve) ou sur la réalité (pour les hommes d'action). « Le langage est une transition, qui doit se réaliser d'abord en représentation et en dernière instance, en perception complète des choses mêmes »*** - Valéry.
action,âme,hommes,idée,langue,réalité,représentation,rêve

mot
Trois grands stylistes – Nietzsche, Valéry, Cioran. C'est en soulevant leurs mots qu'on découvre la source la plus importante du plaisir reçu : chez le premier, on tombe sur la noblesse, donnant du vertige ; chez le second, enchante l'intelligence, on est séduit ; chez le troisième, on reste avec le mot lui-même, dans le pur plaisir musical.
ange,bonheur,intelligence,musique,noblesse,sentiment

mot
Un test infaillible (le shit-detector de Hemingway), pour constater qu'on est en face d'une logorrhée aigüe : passer à la négation, syntaxique ou sémantique, des sentences - si le degré de crédibilité de la négation est le même que celui de l'affirmation, la pestilence est certaine. Appliqué, avec succès, à beaucoup d'écrits de phénoménologues ou d'autres écolâtres ; un résultat résolument négatif avec Heidegger ou Valéry.
école,négation,philosophie

mot
Dans le discours sur les connaissances, la question centrale est la distinction entre ce qui est conceptuel et ce qui est langagier ; on n'a pas besoin d'une vaste culture philosophique, et encore moins d'une culture linguistique, pour en juger ; seul un poète, doué d'une intuition philosophique et de quelque savoir technique, peut en dresser un tableau intéressant. À l'opposé, ni Kant, ni Hegel, ni Nietzsche, ni Wittgenstein, ni Heidegger n'eurent jamais une intuition linguistique valable, pour formuler une théorie complète des connaissances, sans parler des Anciens, chez qui, la-dessus, on ne lit que des balbutiements. Seul le grand Valéry fut lucide, avec ses états mentaux et sa vision des substitutions.
antiquité,arbre,culture,idée,langue,philosophie,poésie,savoir,système

mot
La misérable philosophie du langage (cet avorton du tournant linguistique, avec son frère paralytique, la philosophie de l’esprit) se moque des représentations, qui, soi disant, auraient été prônées, naïvement, par Platon et Aristote (qui, il faut le souligner, ne comprenaient rien dans les fonctions du langage) et qu’il fallait dépasser. À ma connaissance, le seul philosophe, qui voyait nettement les rapports entre langage et représentations a été Valéry.
esprit,langue,philosophie,représentation

mot
C’est de la sensation d’une hauteur suffisante ou d’une mélodie naissante que surgissent mes mots, qui ne résultent nullement d’un travail ou d’une méthode ; ces deux termes me sont profondément indifférents. Il faut de l’imposture de Descartes ou de la naïveté du Valery jeune, pour faire de la méthode un sujet, digne de nos emportements.
auteur,élan,hauteur,musique

mot
Ma rencontre terminologique amusante avec Valéry : lui, en apprenti-algébriste, il use trop (et en abuse toujours) du terme de groupe ; chez moi, déferle partout le terme de représentation (de connaissances). Et dire que moi, étudiant, je me spécialisais en représentations de groupes (au sens algébrique).
auteur,concept,représentation,science

mot
Le défaut d'intelligence le plus irrécupérable est l'ignorance en matière langagière. Ce qui explique beaucoup de faux pas de Platon, de Foucault, de Cioran. Et ce qui met en valeur l'éclat de St-Augustin, de Nietzsche, de Valéry.
erreur,intelligence,langue

mot
Une confusion, dans les langues romano-germaniques, entre le rêve, qu’accompagne un ronflement, et le rêve, qu’écoutent les astres, associe la renommée désastreuse du rêve – avec le réveil ! Pour le second, le seul évoqué ici, c’est l’endormissement de l’âme, gardienne du rêve, qui est la tragédie du rêveur. « Le réveil fait aux rêves une réputation qu'ils ne méritent pas » - Valéry – la réputation de mon rêve est dans l’intensité de mon regard nocturne sur mon étoile et non dans mes yeux d’un bâilleur matinal. N’empêche que pour écrire ou mettre en musique mon rêve je dois être bien réveillé.
âme,auteur,étoile,langue,musique,regard,rêve,tragédie

mot
Valéry, en affirmant que, en poésie, le français ne chante pas, est trop injuste. Les carences rythmiques évidentes sont compensées, en français, grâce à l’harmonie sonore et aux mélodies élégantes. La tricherie purement rythmique est impossible en français – et tant mieux !
danse,langue,musique,poésie

mot
En littérature, l’originalité se prouve par des changements de langage, par l’introduction de nouveaux axiomes, par des commencements législatifs donc. Les ordinaires déversent des parcours, des événements. « L’art ancien donnait des lois. Le moderne donne des faits »** - Valéry.
art,chemin,commencement,langue,modernité,voix

claudel p.
Mallarmé laisse l'initiative aux mots. Comme l'homme ivre laisse l'initiative aux jambes.
mot
Laisser l'initiative aux idées, c'est abandonner son souffle à l'Alcootest. L'initiative devrait aller, tour à tour, à l'imprévu : au mot, à l'idée, au son. « Les mots sont générateurs d'idées, plus encore que l'inverse »* - Baudrillard. Le poème, qui ne s'appuie que sur le mot, s'écroule aux frontières des langues et des époques ; ce qu'a bien compris Valéry.
action,commencement,frontière,idée,intensité,musique,poésie,temps

valéry p.
Le langage articulé permit à l'homme de tout mettre en problème, car il lui suffisait de mettre le signe de question devant des noms d'objets ou de phénomènes.
mot
Et l'intelligence consiste à substituer à ces belles inconnues des objets ou phénomènes, dont l'accès est délicatement suggéré par l'interrogation même. Ce n'est pas le nombre d'inconnues qui fait la richesse et la beauté de l'équation de la vie, de l'arbre, mais l'élégance de leur greffage.
arbre,beauté,concept,esprit,goût,grâce,intelligence,langue,mystère,question,…

valéry p.
Ce verbe nul, être, a fait une grande carrière dans le vide.
mot
Il faut reconnaître qu'un certain vide abstrait peut s'avérer moins ingrat que le bric-à-brac concret, pour recevoir notre musique ou valoriser notre plénitude.
musique,philosophie,vide

valéry p.
La liberté implique le langage, qui crée la possibilité de l'intervalle conscient.
mot
Mon cher Maître, dans la chaîne de l'acte, vous placez mal le langage. La liberté intervient entre le désir et le choix, où se déroulent les et quand, les pourquoi et comment, qui sont des requêtes extra-langagières. Le langage n'est impliqué qu'à partir de l'embarras, pour atteindre un objet ou désigner une relation.
action,auteur,concept,continuité,élan,langue,liberté,question,représentation

valéry p.
La nécessité de ces objets verbaux, qui sont Idées, Lois, Être, est seulement formelle.
mot
Ce juste verdict priverait de pain tant de nécessiteux professeurs. Une remarque, toutefois : les Lois ne sont pas des objets verbaux, elles gouvernent le modèle pré-langagier.
concept,école,être,idée,ordre,raison,représentation,nécessité

valéry p.
Le Langage est un intermédiaire sans valeur propre. La pensée, poursuivie jusqu'au plus près de l'âme, nous conduit sur les bords privés de mots.
mot
Ceci est parfaitement juste, lorsqu'il s'agît de n'exhiber que l'intelligence (en s'appuyant sur le modèle, où le langage ne peut être que requête) ou de ne viser que des démonstrations (sans chiffres à l'appui, dans l'insupportable verbalisme des philosophes, où se noie la réalité ontologique) - une fois interprété, le Langage y doit disparaître, pour laisser la place aux substitutions du modèle ou au sens dans la réalité. Néanmoins, la littérature ne commencerait-elle pas, lorsque le modèle et la réalité sous-jacents laissent le langage les recréer ? Le philosophe doit choisir entre poète et cogniticien, s'il ne veut pas être assimilé à l'idiot du village. La pensée, privée de mots, ne garderait que la pitié et la tendresse.
art,balance,création,esprit,être,intelligence,interprétation,langue,philosophie,pitié,…

valéry p.
Se faire source de ce qu'on reçoit.
mot
C'est l'origine la plus féconde d'un nouveau langage ou d'un nouveau regard.
commencement,idée,langue,regard

noblesse
Quand la vie est trop pleine de réel, le rêve est ressenti comme son contraire ; entre les yeux et le regard, je pencherai pour le dernier, qui ausculte l'invisible : « L'homme vit dans ce qu'il voit, mais il ne voit que ce qu'il songe »*** - Valéry.
négation,réalité,regard,rêve,vie

noblesse
Quand ils parlent de valeurs, le plus souvent, c'est du positivisme ou du négativisme, cohérents et systématiques, débouchant sur l'ennui ou le dogmatisme. Le négativisme devrait n'intervenir qu'en formulation de contraintes, et le positivisme n'apparaître que dans la manifestation du goût. Mais la même intensité, spirituelle ou artistique, devrait en constituer l'axe entier. La condition incontournable, pour l'entretien de cette construction, c'est la conscience et la maîtrise des ressorts poétiques du langage ; maîtrise, refusée à Parménide, Hegel ou Husserl, accordée à Nietzsche, Valery et Heidegger.
axe,contrainte,ennui,fanatisme,goût,intensité,maîtrise,mot,négation,poésie,…

noblesse
Le spectre de l'impulsion initiale, c'est ce qui distingue un homme intéressant. « Tout s'achève avec mon commencement » - T.S.Eliot - « In my beginning is my end » (ne pas croire les Chrétiens, naïfs ou hypocrites : my end is my beginning). En grec, commencer signifierait commander - volonté de puissance (pour Nietzsche, vouloir, c'est obéir au commencement, plutôt que commander la fin) ! « L'unique joie au monde, c'est de commencer » - Pavese - « ricominciare è l'unica gioia al mondo ». Ensuite, le poète, qui doit être Prince, conserve cette impulsion (« nous ne sommes pas responsables de ce qui naît en nous, mais de ce qui dure »** - Valéry), le philosophe la contrecarre par un angle de vue paradoxal, le pragmatique la rattache à la réalité. La pulsion, l'expulsion, la propulsion.
art,christianisme,commencement,élite,force,grèce,intensité,paradoxe,philosophie,poésie,…

noblesse
La hauteur est un pur fantasme, tel le bien (Socrate), le cogito (Descartes) ou la volonté de puissance (Nietzsche) ; ce qui se met au-dessus du corps et de l'âme, en défiant la force et la matière (qui nous attirent vers l'horizontalité). Moins qu'un cri - une mimique, un mouvement littéraire (Valéry).
âme,bien,force,hauteur,matière,platitude

noblesse
Plus réduite est la multitude, contre laquelle je tempête, plus fière sera ma pose de colérique. Commencer par fulminer contre une élite, et bientôt mon arc n'aura plus besoin de flèches. Pointer une cible brillante plutôt que canonner un monstre excessivement mat. Comme Valéry pestant contre Pascal, ou Cioran - contre Valéry (ou Nietzsche - mal avalant son ressentiment face à Socrate, au Christ ou à Wagner).
auteur,christianisme,élite,flèche,lutte,mouton,pose,révolte

noblesse
Les plus fraternels incitants, c’est R.Debray qui me les offrit ; les plus savoureux des aliments, c'est chez Valery que j'en déguste ; les plus flamboyants des excitants, c'est Nietzsche qui m'en charge ; mais ce sont mon goût et mes appétits qui les commandent ou décommandent à ma table ; et je reste, volontairement, sur ma faim, cet état béni de mon corps et de mon âme.
âme,auteur,commencement,fraternité,goût,soif,voix

noblesse
Notre existence se déroule dans deux domaines – la réalité et le rêve, dont l’intersection diminue avec l’âge. On affronte la vie réelle avec les yeux ouverts, et l’on découvre son caractère tragique. Le rêve se marie bien avec l’espérance qui n’est pensable que les yeux fermés – l’extase, le bonheur. « Le bonheur a les yeux fermés »** - Valéry.
bonheur,espérance,réalité,regard,rêve,temps

noblesse
« Faire de vertu nécessité » - aurait pu être une devise de la noblesse ; à comparer avec Descartes : « faisons de nécessité vertu », (devenu un proverbe français). « La noblesse consiste à ne pas se laisser dominer par le nécessaire » - Valéry - accorde trop de place au pouvoir au détriment du devoir. Esthétiquement et logiquement, la nécessité des choses peut être vue comme une beauté en soi, mais chez l'homme, l'impératif ne vaut pas grand-chose à côté de l'instinct : « L'instinct, revêtu de noblesse, est la grandeur des hommes » - Euripide.
beauté,hommes,nécessité,raison,valoir

noblesse
Dans le jeu vital, les fins et les enjeux deviennent à ce point mesquins, qu'il vaut mieux se pencher davantage sur les contraintes, sur les règles qui tiennent lieu de lois. Quand on a trouvé de belles contraintes musicales, ce n'est plus la marche vers le but, qui entraîne et réjouit le plus, mais la sensation d'un sol se dérobant sous les pieds et d'un ciel bénissant la danse. « Il faudrait danser la pensée » - Valéry.
contrainte,danse,esprit,idée,jeu,musique,nécessité,raison

noblesse
En remontant aux causes premières, à partir même du plus profond de nos embrasements, nous tombons, immanquablement, tôt ou tard, sur un leurre, ce punctum pruriens (Schopenhauer) de toute pensée : « Dès qu'on insiste un peu, c'est le vide » - Céline. Ne pas insister n'est pas glorieux : « Ce n'est qu'un esprit peu exigeant qui se contente de peu. Un sot serait-il un sage ? » - Valéry - puisque, d'après Horace, ne pas le savoir, c'est vivre en esclave.
esprit,idée,liberté,vide

noblesse
Associer à la hauteur la lumière - l'erreur, partagée même par Nietzsche (qui, en plus, associe les ténèbres - à la profondeur, qui est lumière même ! Pline l'Ancien commet la même erreur : « La profondeur des ténèbres, où tu puisses descendre vivant, donne la mesure de la hauteur, que tu puisses espérer d'atteindre »). La vocation de l'illuminé, de l'intérieur, par la hauteur, est d'émettre des ombres, faire de l'obombration de l'esprit au-dessus d'une vie consentante. « Le front chargé des ombres que tu formes, dans l’espoir d’un éclair »** - Valéry.
erreur,esprit,hauteur,ombre,vie

noblesse
En phylogenèse, la pureté précède la hauteur (Mozart et Beethoven, Pouchkine et Dostoïevsky, Schopenhauer et Nietzsche, Mallarmé et Valéry) ; en ontogenèse - plus fréquent est l'inverse.
ange,hauteur,négation

noblesse
Dans les profondeurs, il n'y a que très peu de points d'attache ; et en surface ils abondent. D'où l'austérité des profonds et l'exubérance des superficiels. Mais la personnalité n'a qu'une seule dimension probante - la hauteur, et elle accompagne plus naturellement les superficiels que les profonds, elle est plus près de la caresse que du forage. Et J.Benda : « En ce qui regarde l'amour, Descartes, Spinoza, H.Spencer travaillent en profondeur et Stendhal - presque uniquement en surface » - n'y est pas si idiot qu'il en a l'air. La peau n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus profond chez nous (Valéry), mais elle promet une belle hauteur.
amour,axe,caresse,hauteur,voix

noblesse
Pour défendre la liberté du Beau, Nietzsche lui sacrifie la valeur du Bien ; par souci de la liberté de l’Esprit, Valéry oublie la valeur du Beau : « La malheureuse valeur esprit ne cesse guère de baisser ». Involontairement, par des justifications psychologiques ou économiques, ils contribuèrent à l’extinction des cœurs et des âmes, et à la domination des esprits pratiques, rigoureux et bas.
bassesse,beauté,bien,cœur,esprit,liberté,sacrifice,valoir

noblesse
Aussi abstraite que soit n'importe laquelle de mes remarques, je ne parviens jamais à la détacher de mon corps, c'est à dire d'une caresse ou d'une douleur, vrillées au corps de mon discours. Valéry parle d'un corps de l'esprit comme d'une inconnue sur l'arbre intellectuel. L'inhumaine pseudo-ascèse platonicienne : « mourir au corps, pour libérer l'essence et renaître à l'être » - explique l'obsession des Anciens par la minable tranquillité de l'âme, prépare le chemin à l'idée saugrenue de la résurrection, et, surtout, justifie la robotisation actuelle des esprits (esprit de corps).
âme,angoisse,antiquité,arbre,auteur,caresse,esprit,être,idée,mot,…

noblesse
En l'absence des autres, je me place, spontanément, aux extrémités de tous les axes de valeurs ; mais mes superlatifs s'effondrent à toute épreuve du comparatif. Être dans la vie ou dans l'art, parfois, surtout si l'on n'est pas Nietzsche, s'excluent : « Je compare, donc je vis » - Mandelstam - « Я сравниваю — значит, я живу ». Il faut savoir choisir entre le regard et le poids : « Quand je me considère, je me désole ; quand je me compare, je me console » - Talleyrand. Dans considérer, on sent la présence des astres ; dans comparer, gît une égalité des pareils. « Si je me considère, je m'annule » - Valéry. Le soi connu, dont il est question ici, est, en effet, source de nos hontes, il est dans le comparatif ; le superlatif ne s'applique qu'au soi inconnu, dont on dit : « Humble quand je me compare, inconnu quand je me considère »*** - Tsvétaeva.
acquiescement,auteur,balance,consolation,égalité,honte,inconnu,regard,soi,vie

noblesse
Mon héros, c'est un anti-Antée : toucher la hauteur (m'ex-alter) et retrouver ma faiblesse. « Exhausser, exaucer, sont le même mot »*** - Valéry. Perdre la terre en l'exhaussant. Dans une tour, profonde côté terre et haute côté ciel. Des visées côté terre noire devraient élever mon regard côté ciel d'azur.
auteur,château,éléments,étoile,force,hauteur,platitude,rêve

noblesse
Les présomptueux (St-Augustin, Rousseau) imaginent pouvoir exhiber leurs vrais visages ; parmi les masqués avoués - profonds ou hautains - il y a ceux qui croient, que le masque les cache (Descartes, Nietzsche) et ceux, les plus lucides, qui les y réduisent (Valéry, Cioran). « L'homme ne vit pas, il s'invente »** - Dostoïevsky - « Человек не живёт, а самосочиняется ». Me montrer ou me cacher sont parfaitement équivalents ; m'inventer est mon seul visage transmissible.
création,hauteur,jeu,soi,voix

noblesse
Le langage des profondeurs spirituelles est largement universel ; mais la hauteur musicale de chaque homme a son propre langage. En compagnie de Valéry, je vis une fraternité admiratrice ; en celle de Nietzsche, je frôle le fratricide de complices.
auteur,esprit,fraternité,hauteur,langue,mort,musique,universel

noblesse
La même noblesse anime les grands poètes ; elle peut se manifester par attachement aux mots (le talent et l'âme), aux courants d'idées (l'intelligence et l'esprit), aux formations politiques (le besoin de reconnaissance et la raison). Byron, Chateaubriand, Rilke se contentèrent du premier volet, Hölderlin, Nietzsche, Valéry y ajoutèrent le deuxième, Hugo, Maïakovsky, Aragon – le troisième. Goethe fut le seul à tenter tous les trois, comme notre contemporain, refusant les titres de poète et de héros, R.Debray.
âme,cité,esprit,idée,intelligence,mot,poésie,raison

noblesse
L'artiste et sa force, face à la faiblesse du goujat, - trois illustrations : l'amplification de la haine (Cioran), la transformation du mépris (Nietzsche), le filtrage par l'indifférence (Valéry) – comme toujours, c'est Valéry qui adopta la pose la plus adéquate.
bassesse,filtre,force,haine,pose

noblesse
La négation comme moyen, central et explicite, ne vaut pas grand-chose ; mais en tant que contrainte, inchoative et implicite, comme refus d'aborder les choses basses, elle peut être noble. « Ma véritable valeur gît dans mes refus » - Valéry.
bassesse,commencement,négation,valoir

noblesse
Le véritable sens de verticalité, ce ne sont pas tellement des hiérarchies, ces manifestations du comparatif ; les maximes hautes de Nietzsche et les maximes profondes de Valéry, ce sont des triomphes du superlatif ; tandis que les chutes aristocratiques et les envolées lyriques de Cioran surgissent au bout des parcours horizontaux.
défaite,élan,élite,hauteur,maxime,romantisme

noblesse
Celui qui est conscient des mystères impénétrables, entourant nos savoirs et nos passions, reconnaît la faiblesse de son esprit et sait se fier à la faiblesse de son âme – c’est une vraie force. De la fausse ou de la bornée, on peut dire : « La faiblesse de la force est de ne croire qu’à la force »** - Valéry.
âme,esprit,force,mystère,sentiment

noblesse
L’homme de rêve est chez soi dans l’inexistant : dans le futur inconnaissable et dans le passé disparu. Contrairement au robot, au culte du présent palpable. « La machine tend à changer les souvenirs incertains, l’avenir confus - en présent identique »** - Valéry.
absurde,mémoire,rêve,robot,temps

noblesse
L’usage de ta liberté ne promet de la grandeur que si tu n’es qu’en compagnie des choses nobles ; mais tu n’arrives à cet état que par des contraintes, qui déblayent tout ce qui est secondaire, insignifiant. « Dans les travaux de l’esprit, à toute règle qu’on s’impose correspond aussitôt une liberté d’autre part »** - Valéry.
contrainte,esprit,grandeur,liberté

noblesse
Depuis tant d’années je me répands en louanges des contraintes, à l’origine de l’élan angélique, et voilà que je tombe sur ce beau résumé de la personnalité valéryenne : « Centre de ressort, de mépris, de pureté »*** - Valéry - ce n’est plus un maître qui me parle, mais un frère !
ange,auteur,contrainte,élan,fraternité,haine

noblesse
Tes désirs de l’inaccessible : en entretenir l’intensité ou la soif pourrait découler d’une longue impatience (Valéry).
auteur,inconnu,intensité,soif

kierkegaard s.
Là où doit naître un chrétien, il doit y avoir de l'inquiétude.
noblesse
L'accouchement sans douleur devint à portée de tout écorché vif ; de plus en plus de chrétiens préfèrent les maternités, où la quiétude étouffe tout hurlement. Même l'éros énergumène (Valéry) oublia le pathos de la peine. Ceux qui sont sans âme n'ont plus d'états d'âme. Les pauvres d'esprit ne sont plus pauvres.
âme,angoisse,caresse,christianisme,esprit,souffrance

flaubert g.
J'aime les gens tranchants et énergumènes. On ne fait rien de grand sans le fanatisme.
noblesse
La grandeur du fait, vue de la hauteur du rêve, dégringole affreusement. Le fait se réduit aux chiffres, lorsque sa lecture utopique ou symbolique s'efface. L'énergumène de Diderot ou le possédé de Dostoïevsky, bref, le fanatique grave dans l'air ce qu'un sobre maçon, le possédant, exécute en pierre. La valeur est dans la qualité d'un axe atemporel, le prix est dans la durée : « Le monde ne vaut que par les extrêmes et ne dure que par les moyens » - Valéry.
action,axe,éléments,élite,éternité,fanatisme,grandeur,hauteur,rêve,temps,…

valéry p.
Le moi le plus vrai n'est pas le plus important.
noblesse
Le plus important est le moi inconnu, l'invisible. « Il y a beaucoup d'hommes en un homme, et le plus visible est le moins vrai » - R.Debray. Le moi réel est l'action, le moi imaginaire - l'œuvre, le moi complexe - l'esprit créateur. Une hiérarchie des poupées gigognes. Dans les cendres de mon soi connu éteint, naîtra la flamme de mon soi inconnu.
création,désert,élite,esprit,inconnu,soi,vérité

valéry p.
L'horreur de ce qui n'entre pas dans un instant.
noblesse
La joie de ce qui y entre ne suffit que pour, à tout casser, une épitaphe, un testament, un aveu. Tandis que ceux qui préconisent la durée ou le développement sont si volubiles, qu'aucune platitude n'est assez vaste pour les accueillir.
bonheur,discursif,mort,platitude,temps

heidegger m.
Von allem Gewagten kann am ehesten dasjenige dem Offenen gehören, was seinem eigenen Wesen nach benommen ist, so dass es, in solcher Benommenheit, nie etwas anstrebt, was ihm entgegenstehen könnte.

De toutes les audaces, celle qui, surtout, exprime l'Ouvert est l'audace prise de vertige dans sa nature même, et qui fait que tu ne tends que vers ce qui ne peut t'appartenir.
noblesse
Tu eus une illumination à la Valéry, en voyant dans l'Ouvert - synonyme de l'Être : les représentations ne font que tendre vers les frontières de l'Être, sans pouvoir les atteindre ; toute représentation est une clôture, qu'on n'ouvre que par le sens - une autre fonction de l'Être. L'ouverture crée l'extase : être un Fermé, c'est connaître, toucher et posséder les limites de ses meilleurs désirs, qui restent finis, c'est à dire sans vertiges.
audace,être,frontière,inconnu,intensité,maîtrise,ouvert,représentation,sentiment

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Moins de faits et de verbes clairs à partager entre nous deux, plus indiciblement nous nous partageons. Les amoureux vivent de substitutions d'obscures inconnues par de lumineux arbres qui : « peuvent nouer leurs ramures et leurs racines pour s'élever et s'approfondir ensemble, pour ciel et terre »**** - Valéry.
amour,arbre,doute,égalité,éléments,hauteur,inconnu,mot

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Ce n'est ni le cœur (Pascal) ni l'âme (les romantiques) qui sentent Dieu, mais bien l'esprit (Valéry). Ne le reconnaissent que ceux qui ont du cœur et qui s'identifient avec l'âme.
âme,cœur,dieu,esprit,romantisme

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Pascal : la chose la plus proche de l'homme est la souffrance, vénérons-la ; Flaubert : il existe le mot le plus proche de la chose, cherche-le ; Valéry : toute pensée fixe s'écroule sous le regard plus proche, abandonne-la ; Cioran : la familiarité proche dégrade tout, réfugions-nous dans les ruines sans métrique. Sous peu, on se refusera même la proximité avec soi-même.
amour,balance,mot,regard,ruines,soi,souffrance

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Dans les commencements mythiques, le Verbe ne viendrait qu'en troisième position, après l'étonnement (Thaumas du thaumaturge) et les Couleurs (Iris de la poïésis : « Iris est fille de Thaumas » - Platon). Une fois de plus, c'est Valéry, avec son étrange, qui est le plus près des sources.
commencement,esprit,étonnement,mot,mystère,voix

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Dieu - une proximité bénie ou béate : « Rien de plus près de nous que Dieu » - Valéry. Dieu est la justification du monologue, par la forme, et l'impossibilité du dialogue, par le fond.
dieu,inconnu,style

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Les vrais commencements consistent surtout dans l'élan vers une limite humaine inaccessible, indicible, inévaluable ; être ouvert, c'est être homme des commencements, être celui qui comprend, que tous les pas suivants n'apportent rien à l'élan initial et ne nous rapprochent pas radicalement de nos limites. « Surface limite externe – et lois internes »* - Valéry – belle définition d'un Ouvert, dont l'élan interne vise son horizon, inatteignable et beau !
beauté,commencement,doute,élan,inconnu,ouvert

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Quand je scrute mon propre écrit, sur la plupart des critères littéraires je trouve facilement des accointances ou lignes d'héritage ou de partage avec des autres ; seule la nature de ma noblesse, recherchée, inventée ou peinte, qui n'admet pas de franche proximité et me singularise radicalement ; mais, par exemple, en matière de goût ou d'intelligence, je sens très nettement le souffle fraternel de Nietzsche ou le regard complice de Valéry.
art,artificiel,auteur,égalité,fraternité,goût,intelligence,noblesse,regard

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Il ne suffit pas de parler devant Dieu ; encore faut-il qu'on parle à soi-même, comme Hamlet, comme Pascal, comme Valéry. Et c'est ce qui manque à Cioran, qui se tourne tout le temps vers les autres, tout en se lamentant d’être obligé de s’adresser aux mortels. Même le destinataire de Nietzsche, le surhomme, n'est qu'une seule facette de soi, portant la puissance et méprisant la faiblesse. Mais ce qui est vulnérable en nous est plus noble.
dieu,force,hommes,noblesse,soi

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Comment se débarrasser de la hantise des profondeurs, pour n'en garder que le vertige ? - en vidant la mer (ce qui, pour Nietzsche, équivaut la mort de Dieu), ce qui classe parmi l'inconnu ce qui eut la prétention d'être inconnaissable ; les gouffres dénudés nous rendent plus honnêtes que la face faussement prometteuse ou mystérieuse (et que Valéry appellerait toit tranquille cachant l'altitude) ; ainsi, la hauteur sera la seule issue vers l'inaccessible, vers le rêve. « La terre, déçue par la profondeur, préserve les germes de la hauteur »** - Ovide - « Tellus seducta ab alto retinebat semina caeli ».
dieu,hauteur,inconnu,mort,mystère,rêve

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Au commencement était le couple l'Amour - la Haine (Empédocle), la Monade (Pythagore ou Leibniz), l'Apparence (Pyrrhon), l'Idée (Platon), le Verbe (le Christ), l'Action (Thomas l'Aquinate, Goethe, après avoir opté pour le Sens et la Force, Valéry, avant de lui préférer l’Étrange, Proudhon), la Violence ou la Lutte (Pascal ou Darwin), le Soupçon (Marx et sa Classe, Freud et sa Perversion, Nietzsche et sa Musique, Berdiaev et sa Liberté), la Donation (Gegebenheit de Heidegger), l'Étrange (à partir des fantômes et spectres : « Shakespeare genuit Marx, Marx genuit Valéry » - Derrida). Chacun au commencement de sa discipline : l'Idée (le Nombre, la Monade, la Force) - pour représenter le mystère, le Verbe (l'Amour, le Sens, la Donation) - pour formuler les problèmes, l'Action (la Haine, la Lutte, le Soupçon) - pour tester les solutions, la Perversion et l'Étrange - pour confondre ou embellir les passages de l'un à l'autre de ces trois niveaux.
action,amour,christianisme,commencement,doute,esprit,force,haine,idée,liberté,…

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On se rapproche par l'intérêt qu'on porte aux mêmes objets ; on se fraternise par l'intensité et la noblesse de relations entre objets. Nietzsche tombe sur la volonté et la puissance, chez Schopenhauer et Spinoza, mais la volonté du premier se forge dans le ressentiment (et non pas dans l'acquiescement nietzschéen), et la puissance du second s'attache à un esprit du savoir (et non pas sur l'âme du valoir nietzschéen). Et Nietzsche finit par se détacher de ses faux ancêtres (comme Valéry – de Descartes, avec sa méthode).
âme,concept,esprit,fraternité,intensité,négation,noblesse,savoir,valoir

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Le plus difficile, dans la belle littérature, est de ne s’adresser qu’à une lumière atopique, atemporelle, que j’appelle Dieu. La grisaille menace même les meilleurs, s’ils s’adressent surtout à leurs contemporains, c’est la facilité. « Une difficulté est une lumière. Une difficulté insurmontable est un soleil »* - Valéry. Une belle œuvre est faite d’ombres du connu et d’élans vers l’inconnu.
art,dieu,inconnu,ombre,platitude,temps

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En réfléchissant sur la Création, Valéry ne voit dans les causes premières que la naïveté et la futilité ; on y reconnaît deux grands défauts de son éducation : ne voir de mystère ni dans la naissance et la constitution de la matière ni dans les nobles affects ; superficiel dans la science, froid dans les sentiments.
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L’esprit n’aurait pas pu imaginer la réalité (même la plus simple, la matérielle), s’il ne l’avait pas vue. Plus qu’invraisemblable, la réalité est impossible, pour un esprit impartial. « Inintelligible, ininventable par l’esprit, et – cependant visible ; le dieu ne peut être que dans cette direction »** - Valéry. Et cette direction est encore plus flagrante, si, au-delà de la matière, nous poussons jusqu’au Vrai, au Beau, au Bien.
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proximité
Cioran communique avec des écrivains et piétons, Valéry – avec des philosophes et scientifiques, Nietzsche – avec Dieu. Mais leurs discours sont si individués qu’on aurait pu interchanger leurs interlocuteurs, sans qu’on s’en aperçoive.
art,dieu,philosophie,science,voix

gide a.
Il me paraît monstrueux, que l'homme ait besoin de l'idée de Dieu, pour se sentir d'aplomb sur terre.
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C'est pour cette excellente raison que les hommes raisonnables préfèrent la reptation. L'idée de Dieu est ce qui nous fait croire, que notre bosse peut cacher de belles ailes. Les meilleurs croyants sont sans Dieu, comme les meilleurs héros (Bakounine : « les anarchistes - héros sans phrases » - « анархисты - герои без фраз »). Tandis que chez les pires « la foi consiste à ne pas croire (aux sens, à la raison) » - Valéry.
dieu,éléments,étoile,gloire,idée,mot,platitude,raison,religion

valéry p.
Si le moi est haïssable, quelle ironie que d'aimer son prochain comme soi-même.
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On doit traiter son prochain, comme on traite son soi connu, et qui peut être parfaitement haïssable ; le soi aimable est le soi inconnu ; mais l'aimer comme un lointain étranger n'est pas à portée de tout le monde.
amour,haine,inconnu,ironie,soi

valéry p.
Rien n'est qui ne se puisse voir d'un peu plus près ou s'exprimer avec un peu plus de signes et de variables.
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Le tout est de savoir interpréter les substitutions des anciennes variables et d'imposer le respect des nouveaux signes (« le parfait impose l'inachèvement »***). La réalité, d'après cette naïve et géniale définition (surclassant l'immanence, asiatique ou spinoziste, et la docte falsifiabilité de Popper) et contrairement aux représentations, est tout bonnement la perfection. « L'être a toujours des réserves » - Heidegger - « Sein ist immer vorrätig ». En revanche, on épuise vite toutes les variables, en modélisant les centaures ou les licornes.
arbre,asie,être,interprétation,réalité,représentation,simplicité

valéry p.
Dieu a tout fait de rien. Mais le rien perce.
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Ce qui ne peut que rendre admiratifs ceux qui savent, que le Créateur est celui qui n'est pas. D'où l'intérêt de tenir prêtes nos propres vacuités au cas, où Dieu retrouverait l'envie d'agir.
action,création,dieu,être,vide

valéry p.
Le Moi est l'acte de passage de l'extranéité d'une demande à l'extranéité d'une réponse. Il se fait équinégation.
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Il est encore davantage dans l'intranéité des inconnues de la question et de l'interprétation de leurs substitutions dans la réponse, en quoi il est équidistance et équilibre.
arbre,interprétation,négation,ordre,question,soi

russie
Pour voir du Chaos, il faut de bonnes oreilles ; pour le faire parler - de bons yeux. Quand on invertit, benoîtement, les rôles, on n'obtient que du désordre. Les moments à guetter : l'ordre s'avérant harmonie (l'esprit français reflété par Valéry), le désordre se sublimant en chaos (l'âme russe, vue par Dostoïevsky).
âme,beauté,esprit,france,ouïe,ordre,regard

russie
Comment le Français, l'Allemand ou le Russe lisent la volonté de puissance ? - volonté de (seulement) pouvoir (à la Shakespeare), de faire (die Macht, à la Valéry) ou de posséder (власть, à la Nietzsche) ? Leur seul dénominateur commun s'appelle intensité.
allemagne,force,france,intensité,mot,valoir

russie
Quel impardonnable cocktail d'acceptions que le mot rêve - Traum - dream ! Mettre sous un même vocable ce qui nous hante, inconscients, dans nos sommeils, et ce qu'anime notre conscience, rivale du cerveau ! Le russe les sépare très nettement : сон - мечта. Interprétation de rêves-сны - de la voyance, de l'artisanat ; interprétation de rêves-мечты - le contenu même de l'art, de nos meilleures visions ! En tout cas, le verbe rêver ne se conjugue plus qu'au passé (au chapitre Rêve, chez les non-rêveurs Freud ou Valéry, - aucune trace d'un rêve au présent). Le nom de Morphée – faiseur de formes ! - nous rappelle, que le bon sommeil est créateur de rêves, dans les deux acceptions du mot !
art,conscience,interprétation,mot,rêve,temps

russie
Les grands artistes russes ne se mêlaient jamais à la multitude. Quel contraste avec l'Europe, où l'incrustation de fait se faisait sans peine et en pleine foire ! Pascal et son commerce de fiacres, Baudelaire, avec son Moniteur de l'épicerie, Claudel et la Mystique des bijoux Cartier, et même Valéry aux Louanges de l'eau de Perrier. Et pourtant, le héros russe le plus byronien, Eugène Onéguine, se moque d'Homère et admire A.Smith.
art,europe,mouton,hommes

russie
Le genre épistolaire ne réussit que dans des pays, où l'auteur et l'homme ne sont pas la même personne. L’Allemand, avec son culte d'objectivité, d'unité et de cohérence, y est particulièrement insignifiant (pas d'équivalent réel de l'Hypérion ou du Werther), tandis que le Français (Flaubert ou Valéry) et le Russe (Pouchkine ou Pasternak) y excellent. Et quelle terrible perte, que les lettres de Tsvétaeva à Pasternak, oubliées dans un métro.
allemagne,france,voix

valéry p.
Les Français veulent conserver, les Allemands - devenir, les Anglais - être, les Russes - vouloir.
russie
Les Français savent ce qu'ils ont à conserver, les Allemands - ce qu'ils veulent devenir, les Anglais - ce qu'ils doivent être, les Russes ne veulent même pas savoir ce que les autres savent vouloir. Svoïévolié - vouloir hors tout savoir et devoir. Leur nihilisme, les Russes le prêtent volontiers au monde entier, tandis qu'il n'est porté que par des Kirillov, sortis tout droit des Possédés.
allemagne,angleterre,balance,être,fanatisme,france,gloire,nihilisme,valoir

valéry p.
La Russie, naïve, mystique, sensuelle, a reçu pour premiers enseignements ceux des écrivains français, immunisés et rompus aux contradictions, et ceux des philosophes allemands, les plus extrêmes dans leurs déductions.
russie
Les élèves comprirent tout de travers : des leçons de la philosophie allemande sont sortis les nihilistes mystiques (Dostoïevsky, Berdiaev, Chestov) et des images de la littérature française - les anarchistes naïfs (Kropotkine, Bakounine, Tolstoï). Seul, le poète, tendre, sensuel, déchaîné, est resté en accord avec ses notes nationales, mais l'acoustique du russe l'isole de l'Europe.
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valéry p.
Les Anglais voient les choses comme elles sont ; les Français comme elles devraient être ; les Allemands, comme elles pourraient être.
russie
Les Russes voient les choses comme ils les veulent, soumises à leurs quatre volontés. Dans le domaine des idées, ils veulent exercer le même despotisme, la même incohérence, au nom d'un droit imprescriptible de caresser des chimères. Ni cynisme ni idéalisme ni romantisme, mais caprice, arbitraire, imprévisible.
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steiner g.
The reserves of irony, in Akhmatova, in Mandelstam, in Pasternak, have been preserved in the personal memory. Stalin condemned a poet for having cited Shakespeare, the Prague police killed a philosopher because he had taught secretly Plato.

Les réserves d'ironie d'Akhmatova, de Mandelstam, de Pasternak ont été préservées par la mémoire individuelle. Staline condamnait un poète pour avoir cité Shakespeare, la police pragoise tuait un philosophe, parce qu'il avait clandestinement enseigné Platon.
russie
Pourquoi les voir sous cet angle sinistrement pittoresque ? Ces auteurs sont de la famille de Yeats, Valéry et Rilke. Quand est-ce que vous les envisagerez, comme vous voyez Shakespeare sans Elizabeth, J.Racine sans Louis XIV, Goethe sans le grand-duc de Weimar ? Et c'est bien en Russie soviétique que Shakespeare et Platon eurent les plus gros tirages !
art,école,ironie,cité,mémoire

solitude
Il est plus noble de m'immoler à un autel vide, au lieu de Tout immoler à l'autel de nos dieux ; la fumée y gagne en pureté, le feu - en intensité, l'étincelle - en hauteur. Mais cet autel, où je dépose mes trésors, est une ruine ; je devrais m'y moquer des offrandes d'Héraclite au Temple d'Artémis, de Rousseau - à Notre-Dame, de Valéry - au Palais Chaillot.
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solitude
La Panthère de Rilke, l'Animal intellectuel de Valéry, le gorille de Nabokov, le cachalot de Melville, l'orang-outan mélancolique d'Ortega y Gasset : un regard, dont la beauté ou l'intelligence se reflètent dans les murailles ou dans les barreaux de leurs cages. « Nous vivons tous derrière des barreaux, que nous traînons avec nous-mêmes » - Kafka - « Jeder lebt hinter einem Gitter, das er mit sich herumträgt ». Quitter cette cage, serait-ce rencontrer le Dieu innommable ? - « Pour retrouver Dieu sans le Nom ou le Mot de ce qui est ou n'est pas, il faut franchir cette cage d'Être » - Artaud. Ma cage prouve-t-elle la liberté divine ? Ou l'inverse : mieux je vois mes barreaux, mieux je comprends la (com)passion de leur créateur. Mais ma cage à moi, c'est la langue, ce français, qui grossit les barreaux, rapproche l'horizon et rabaisse le ciel.
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solitude
Ils ont raison : tout déracinement est barbare. Mais il nous donne une chance d'être libérés de la basse pesanteur ; aucun enracinement, en revanche, ne se fait dans la hauteur (quoiqu'en pense Platon) ; il se fait en étendue, pour ne pas dire - en platitude : « L'enracinement est le besoin le plus méconnu de l'âme » - S.Weil. Dans la dialectique de la croissance et de la pesanteur, Valéry voyait la grâce de l'arbre.
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solitude
Une journée-fraternité, journée de rare intensité : le matin - dans les collines, au-dessus du toit tranquille de Valéry ; l'après-midi - traduire du Mandelstam se fraternisant avec Homère ; le soir - serrer la main fraternelle de R.Debray ; la nuit - suivre l'agonie de J.Ferrat. Dans ma jeunesse moscovite, seul et aux abois, j'écoutais la belle voix de J.Ferrat me chanter la France, celle qui m'attendait. Celle qui vint à ma rencontre, porta le nom de R.Debray, mon frère. Je ne fus jamais moins orphelin, avec ma mère adoptive, la France, qu'en compagnie de ses deux plus belles voix.
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solitude
Vivre couché ou caché, pour vivre debout et heureux - depuis Épicure (« Vis caché »), cette coquetterie est propre de ceux qui baissent les yeux pour mieux attirer sur soi ceux des autres. « Se cacher pour vivre, c'est piller une tombe » - Plutarque. Dès qu'on agit, on n'est plus soi-même ; toute action est un masque : « Je m'avance masqué » - Descartes - « Larvatus prodeo ». Pour mieux te verser, cache ta source (si, par malheur, tu la connais). À comparer ce calcul tourné vers l'avenir, avec un regard, sur le passé, d'un poète : « Celui qui s'est bien caché a bien vécu » - Ovide - « Bene qui latuit bene vixit ». Et en plus, l'homme même serait, hélas, ce qu'il cache (Malraux), tandis que « les hommes se distinguent par ce qu'ils montrent et se ressemblent par ce qu'ils cachent » - Valéry.
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solitude
Depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, il existèrent trois types de philosophes, dont la voix s'articulait : dans un dialogue (avec un complice), dans un soliloque (du soi inconnu), dans un chœur (avec un rôle dicté par l'époque) – Platon, Nietzsche, Hegel. Les solitaires furent toujours plus pénétrants – Héraclite, Pascal, Valéry.
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solitude
La solitude, c'est, quoi qu'en pensent les blasés, - un manque d'hommes, un envahissement par des choses. Chamfort a tout vu de travers : « Dans la solitude, on pense aux choses et dans le monde on est forcé de penser aux hommes » - bien que les hommes eux-mêmes ne pensent plus qu'aux choses, et moi, dans ma solitude, ayant pour seuls témoins les choses, j'invente l'homme, libéré des choses et livré aux rêves. J'invente mon soi inconnu, je m'invente : « Le moi me contraint à l'inventer – lui que je ne vois jamais »*** - Valéry.
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solitude
Ces notes solitaires prirent un ton si mélancolique, que je les qualifierais de vespérales, en complément de Nietzsche, le diurne, de Valery, le matinal, de Cioran, le nocturne.
auteur,mélancolie

solitude
On se précipite dans la solitude, lorsqu'on entend le troupeau - la foule de la Johannes-Passion - ou lorsqu'on s'écoute soi-même - Il Vecchio Castello, la Pathétique, Dostoïevsky, Nietzsche. Après réflexion - l'appel du Concerto №1 ( Allegro Maestoso) de Paganini, Goethe, Tolstoï, Valéry - on se met à chercher son prochain, mais on ne l'atteint plus, on est hérissé d'éloignements, dans lesquels on n'entendra que le Dieu du Concerto №21 ( Andante) de Mozart.
esprit,mouton,musique,proximité,soi

solitude
Cioran écrit pour le salon (d'où l'importance du style) ; Valéry réfléchit devant Dieu (cet inexistant, indispensable pour une belle intelligence) ; Nietzsche s'extasie devant lui-même (dans une solitude du mot et de l'idée, nous bouleversant par leur musique). Je tente de réunir ces trois milieux, en un lieu que j'appelle mon soi inconnu. Mes trois confrères ont leur voix propre, puisqu'ils n'ont pas de collègues à rassurer ou à flatter ; pourtant, c'est ce que cherche la gent professoresque, en écrivant dans un jargon, miteux, lourd et farfelu.
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solitude
Si j'efface de ma mémoire toute trace d'Héraclite, Pascal, Nietzsche, Valéry, je peux garder inchangée l'intégralité de mes postulats des commencements – c'est ainsi que je confirmerais et justifierais mon attachement au vrai nihilisme – avoir été seul à la naissance de mon essence.
commencement,être,mémoire,nihilisme,voix

solitude
Leurs narrations de batailles, de casernes, de machines me maintiennent dans un état banal de veille. Et moi, je cherche la liberté et l'inaction du rêve. La seule écriture, qui m'intéresse, est celle d'une île déserte, avec des images et actes à la Robinson (au sens que donne à cette métaphore Valéry, puisque le vrai Robinson ignore la solitude et que connaissent les mondains Ch.Harold ou E.Onéguine).
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solitude
Les autres ne sont pas plus infernaux que ton propre soi connu ; c’est par l’absence de celui-ci que ton soi inconnu solitaire, devenu Narcisse, reflète un art paradisiaque : « Je ne suis curieux que de ma seule présence ; tout autre n’est qu’absence »* - Valéry – c’est ainsi qu’on échappe à l’enfer sartrien.
art,être,inconnu,soi

solitude
Je ne vois que deux profils de lecteur qui apprécieraient mon écriture : le personnage tchékhovien, sachant ce que sont la tragédie et l’espérance, et Valéry, comprenant la place du langage en poésie et en philosophie.
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valéry p.
Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie.
solitude
Que la tragique Tsvétaeva est plus noble : « La solitude me rend hautaine – rester en permanence en haute société »*** - « Одиночество делает меня высокомерной - постоянное пребывание в высшем обществе » ! La bonne compagnie me maintient en droit chemin, ce sentier battu dans la platitude humaine. Dans la solitude, le sous-homme du souterrain ou le surhomme de la tour d'ivoire m'isoleront des hommes, en me dégageant de l'horizontalité. J'aimerai la trajectoire, vertigineuse ou honteuse, sans quitter mes ruines. « Garde-toi de mauvaise compagnie, mais si tu as choisi la solitude, tu ne te trouveras pas toujours dans la meilleure » - Schnitzler - « Hüte dich vor schlechter Gesellschaft, aber wenn du die Einsamkeit erwählst, befindest du dich nicht stets in der besten ».
chemin,hauteur,immobilité,soi,tragédie

souffrance
Comment me débarrasser du désespoir ? - vivre dans un Ouvert et ne me passionner que pour les perspectives se perdant hors de cet Ouvert. Tout ce qui débouche sur un monde clos est source d'ennui. Cet Ouvert est plus près du Fermé de Valéry que de l'Ouvert révélé (entborgen - aléthéia - illatence) de Heidegger. La passion est fusion, désirée, impossible et imaginaire, de mon élan et de mes limites : « Quand la forme vitale, créée par l'union naturelle de l'illimité et de la limite, vient à se détruire, cette destruction est souffrance ; et le retour à son essence constitue le plaisir »** - Platon.
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souffrance
Les sages sont beaucoup plus exposés à la souffrance que les sots ; les premiers vivent au milieu des problèmes, qu'ils inventent, et les seconds - des solutions, que les autres leur procurent. « La douleur est toujours question et le plaisir - réponse »*** - Valéry.
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souffrance
Qu'est-ce qu'espérer ? - te rendre compte qu'aucune raison ne justifie ton enthousiasme et persister à t'enthousiasmer. Parier sur l'inexistant. « Pour être désespéré, il faut avoir espéré l'impossible » - Valéry - on reconnaît une belle espérance par son entente avec un beau désespoir.
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souffrance
Entre ma naissance, où j'étais le seul à pleurer, et ma mort, où je serai, peut-être, pleuré par les autres, la larme n'ennoblit plus la vie, ni la joie - la mort. Mes paupières fermées, qu'ils découvrent mon regard, mon rêve ou mon ironie ! « Ci-gît moi, tué par les autres » devint, pour le regard de Valéry : « un long regard sur le calme des dieux ». Pour le rêve de Rilke : « enseveli sous le poids des paupières, tu n'es plus rêve de personne » - « Niemandes Schlaf zu sein unter so viel Lidern ». Pour les larmes de Tsvétaeva : « Plus envie de rire » - « Уже не смеётся ». Pour l'ironie de Gogol : « Je rirai un jour avec mon mot amer » - « Горьким словом моим посмеюся ».
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souffrance
Dès que j'élève ma maîtresse, mon regard ou mon espérance à une grande hauteur, en dehors des valeurs intelligibles, une inexplicable inquiétude ou même angoisse me prennent à la gorge. « Souffrir, c'est donner à quelque chose une attention suprême »** - Valéry. Le paradis, c'est peut-être la platitude de l'ordinaire ; et l'accès à la grande beauté mène à l'enfer.
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souffrance
La falsifiabilité du mot juste : ce qui rehausse un sanglot devrait échouer, face au bâillement. C'est pourquoi la psychanalyse est charlatanesque : elle s'applique également à l'univoque et au loufoque. Prenez cette aberration psychique : « le trajet de substitutions subliminales », qui est une métaphore intellectuelle de première bourre, à la Valéry ! La poursuite du mot juste éloigne de l'ironie et de la larme et ne conduit, tout juste, qu'aux berceuses : « La vraie poésie produit une béatitude ronronnante, plutôt que des larmes ou des rires » - Nabokov - « Истинная поэзия вызывает не смех и не слёзы, а блаженное мурлыканье » - seulement, voilà, on ne découvre l'existence de béatitudes qu'à travers les sanglots, tragiques ou rieurs.
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souffrance
Toute vie est une histoire de chutes : de l'extase (passion, poésie), vers l'enthousiasme (bonheur, harmonie) et vers l'ataraxie (équilibre, création). Par le travail implacable de la raison, toute justification d'une hauteur acquise s'érode et s'effondre. Et le but de la philosophie devrait être d'inventer de nouvelles raisons de s'immobiliser à la hauteur courante, de ne pas s'agiter. Plotin, Nietzsche, Cioran - pour la marche la plus haute, non-numérotée ; Épicure, Pascal, Dostoïevsky - pour l'avant-dernière ; Platon, Tolstoï, Valéry - pour la dernière.
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souffrance
La pensée doit introniser le langage et ennoblir l’espérance. « Une idée ne vaut que par l’espoir, qu’elle excite »* - Valéry. L’excitation est une soif de l’âme, soif maintenue auprès de la fontaine de l’esprit.
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souffrance
Si l'on farcit une pièce tragique avec des renvois aux concepts pompeux, cérémonieux et abstraits – la gloire, le péché, la grandeur – on obtient du Racine ou du Corneille, qui inspiraient à Valéry « le dégoût de ces confusions entre la mystagogie, la falsification du rêve » - la plus dégoûtante des falsifications étant le langage conventionnel, monotone, évident, clanique, codifié. Toute vraie tragédie doit pouvoir se dérouler sur une île déserte, dans la conscience d'un homme solitaire, et ne rien devoir aux chutes des ambitions ou aux manigances des méchants ; de la poésie ou de la compassion, c'est ce qu'on trouve chez Shakespeare ou Tchékhov.
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souffrance
De tout carillon de Valéry, le marteau de Nietzsche extrait le glas de Cioran.
création,intensité,ironie,musique

souffrance
Des rapports étranges entre le sentiment et son idée : l'intelligible projette sa coloration qualitative sur le sensible, les sentiments reçoivent des étiquettes de souffrance ou de volupté, de positif ou de négatif, de désirable ou d'indésirable, tandis que, à part la douleur physique, les sentiments se valent, sur la palette du vivant. Aucun rapport logique ne peut exister entre le sentiment et sa représentation idéelle, contrairement à ce que suppose Valéry : « Les plus importantes pensées sont celles qui contredisent nos sentiments » - une pensée ne peut contredire qu'une autre pensée.
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souffrance
Les seuls commencements, dignes d'un philosophe, sont : la souffrance (Dostoïevsky), la noblesse (Nietzsche), le langage (Valéry). Les commencements logique (Aristote), méthodologique (Descartes), dialectique (Hegel) ne sont que des pas intermédiaires et, donc, - insignifiants.
commencement,langue,noblesse,philosophie,science

souffrance
Aucune terreur dans ma vie ne fut comparable à celle que je vécus le jour de la mort de ma mère : une sensation bestiale d'abandon, de danger imminent, de pétrification de tout lien avec le monde des vivants, de perte de toute source vivifiante. L'absurdité de tout acte, l'insignifiance de tout mot, la bassesse de toute idée. Et quelle horreur, cette réaction de Valéry, dans les mêmes circonstances : « Je voudrais écrire un petit recueil sur elle ».
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souffrance
Quand le plus impassible des penseurs m'assène : « Angoisse, mon véritable métier » (Valéry), je comprends, que ma vision de la consolation comme d'une moitié de toute bonne philosophie n'est pas exagérée.
angoisse,consolation,philosophie

souffrance
La souffrance et le langage – les seuls sujets d'une philosophie noble (peut-il y en avoir d'autres ?). La sécheresse pseudo-savante d'Aristote, Kant, Hegel les rend indifférents à la hauteur du premier sujet ; leur ignorance langagière leur cache la profondeur du second. D'où la grandeur de Dostoïevsky, de Nietzsche, de Valéry.
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souffrance
Tout bon philosophe se trouve une bonne source de la consolation humaine : Voltaire – dans l’ironie, Nietzsche – dans la musique, Heidegger – dans la poésie, Valéry – dans le mystère de la création. Rien de plus bête que le pessimisme sceptique. Ce qui est admirable, c’est que la consolation philosophique ne devienne convaincante que grâce à la qualité du langage, de cette seconde facette de toute bonne philosophie. Avec ces deux auréoles, la tragédie humaine gagne en hauteur et en couleurs, sans perdre de son intensité.
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souffrance
Ce qui est matériel aboutit à l’ennui ; ce qui est spirituel – à l’angoisse. Pour entretenir une lueur d’espérance, il ne reste que l’inactuel, le rêve. « L’Espérance regarde au-delà du corps et de l’esprit »*** - Valéry.
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souffrance
Privée de création artistique, sentimentale ou spirituelle, la vie se fige, dans de plates douleurs ou angoisses. « Tout ce qui est spirituel fut toujours mon anti-vie, mon anesthésique »** - Valéry. Si le remède n’est que spirituel, j’ai peur que l’accalmie ne soit qu’insipidité, engourdissement, paralysie. L'art ou la passion approfondissent la douleur et rehaussent l’angoisse.
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souffrance
Habités surtout par le réel, les hommes succombent au désespoir ; même Valéry voyait le but suprême de l’artiste dans le désespérer. Tourné vers le rêve du passé, le poète rencontre l’espérance du présent.
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cicéron
Patria est ubicumque est bene.

Où l'on est bien, là est la patrie.
souffrance
Et c'est quand on y sera mal qu'on comprendra, qu'on s'était trompé (avec Aristophane ou tel Milton : « our country is where ever we are well off » ou, mieux, Fénelon : « La patrie d'un cochon se trouve partout, où il y a du gland »). La patrie est le pays, qui veut partager ta souffrance, autant dire, que le solitaire est toujours un exilé. Ou Robinson ou un bon dramaturge : « Ubi pater sum, ibi patria » - Nietzsche. Ou un bon interprète : « La patrie n'est pas là où tu habites, mais là où tu es compris » - Morgenstern - « Nicht da ist man daheim wo man seinen Wohnsitz hat, sondern wo man verstanden wird ». Ou un bon spectateur : « où je comprends et suis compris » - Jaspers - « wo ich verstehe und verstanden werde ». Ou un bon sculpteur : « Où je me crée, là est ma patrie »** - Valéry. Ou un bon philosophe : « On est bien, là où l'on n'est pas » - proverbe russe - « Там хорошо, где нас нет ». Ou un ange, enfant du ciel, la patrie de ta voix et l'exil de ta voie.
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cioran é.
Être vrai, c'est blesser et se blesser.
souffrance
La vérité est incolore, et ses blessures indolores. C'est dans le beau qu'on exerce ses meilleures lames et c'est par le bien (« la beauté en action est le bien » - Rousseau) que se calment les pires des plaies. Mais ces trois courants coulent d'une même source, la passion, qui est elle-même brisure et blessure. C'est le faux - charité, style, enthousiasme - qui « colore et fait vivre le vrai » (Valéry).
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vérité
Vivre et raisonner sans prémisses - mais c'est le plus précieux de nous-mêmes ! Valéry a tort de voir dans les conditions de la pensée le seul moteur d'une écriture noble - les contraintes sont plus près du mystère que les présuppositions. Chasser le fiduciaire de notre vie, c'est tout étiqueter, même ce qui est sans prix : « La vie est un mystère qu'il faut vivre, et non un problème à résoudre »** - Gandhi.
art,contrainte,doute,mystère,noblesse,raison,soi,vie

vérité
Que l'illusion soit plus vitale que toute vérité se prouve avec la même rigueur à partir des trois démarches : de la représentation (la puissance d'Aristote), de la quête (la poésie de Valéry), de l'interprétation (la noblesse de Nietzsche). Ce qui est curieux - et juste, car ces trois dons ne s'influencent guère mutuellement -, c'est que chacun d'eux voyait dans sa démarche la seule menant à cette vitalité.
esprit,force,interprétation,noblesse,poésie,question,représentation,rêve,vie

vérité
La beauté a besoin de monstration créatrice, la vérité - de démonstration calculatrice ; c'est pourquoi les deux nous désespèrent : la première - par verdeur (Valéry), la seconde - par laideur (Nietzsche).
beauté,création,raison

vérité
Il est si facile de réduire n'importe quel édifice d'idées véridiques à l'état de ruine, qu'il vaut mieux me consacrer au difficile entretien de mes ruines immémoriales, au confort des mensonges immortels et sans cette hypocrisie : « toute ruine est aussi une ruine d'idées fausses » - Valéry.
auteur,idée,mensonge,ruines

vérité
Ils « ont la mauvaise habitude de nommer Vérité - ce qui devrait se nommer Conformité, Identité, Accord » - ceci est vrai pour tous, sauf pour les logiciens, auxquels, pourtant, étrangement, Valéry attribue cette méprise.
ordre,science

vérité
La vérité appartient au langage (langue, avec sa logique syntaxique, plus représentation, avec sa logique sémantique) ; son contraire, intuitif ou purement langagier, pourrait appartenir à un autre langage et y être non moins vrai ; et les langages ne sont que des traductions différentes de la même réalité. « Vérité signifie traduction et valeur de traduction ; réalité signifie l'intraduit – le texte original même »** - Valéry. Pour l'enrichissement de vérités, les heurts frontaliers sont plus prometteurs que les barrières langagières ou douanières. Savoir manier la vérité, c'est savoir franchir les frontières des langages.
balance,frontière,langue,négation,réalité,représentation

vérité
Sans le don poétique, tourner autour de la vérité, comme autour d'une machine à vapeur ou du Code de la route, est condamné à l'ennui et à la routine. Aristote, Spinoza, Kant, Hegel – tout ce qu'ils exposent, lourdement, sur la vérité, et que leurs acolytes remâchent infiniment, ne présente plus aucun intérêt et doit être oublié. Nietzsche et Valéry, deux poètes, si éloignés du clan professoresque, émettent la-dessus des avis autrement plus rafraîchissants. Quant aux avis en marbre, c'est auprès des logiciens et des linguistes, comme Chomsky, qu'il faut les chercher.
école,ennui,langue,mémoire,poésie,science

vérité
Vivre dans un monde du vrai ou du faux, dans un monde sans métaphores, est rassurant mais plat. « La métaphore me désespère de la littérature » - Kafka - « Die Metapher läßt mich am Schreiben verzweifeln » - mais c'est comme avec le beau de Valéry – il est aussi ce qui procure la plus haute des espérances ! La hauteur s'appuyant sur la profondeur. Ce n'est pas l'accès lui-même à l'objet qui valorise celui-ci, mais le chemin d'accès. La métaphore, c'est la délicatesse du chemin.
beauté,chemin,concept,espérance,métaphore,nature,platitude

vérité
Son soi connu, le véridique, ressemble tellement au soi de son prochain, que Narcisse, à la recherche de son visage, se réfugie dans son soi inconnu, l'inexistentiel. « Ce qui a été cru par tous, et toujours et partout, a toutes les chances d'être faux. Il n'y a d'universel que ce qui est suffisamment grossier pour l'être »** - Valéry. Le raffinage d'une vérité universelle est un exercice grossier. Ce paradoxe : l'ennui des concepts dans l'universel ; leur caractère vital dans l'individuel. Plus que la vérité elle-même, c'est notre œil, notre sens du langage, qui s'infléchissent.
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vérité
Pour porter aux nues Spinoza et Hegel, il faut être : ignare en logique, obsédé par le mot savoir, insensible au style, entraîné vers le bavardage ou la graphomanie. Pour aimer Nietzsche et Valéry, il faut tenir à la noblesse, à l’intelligence, à la poésie. Poursuite, hors langage, des occultes vérités pseudo-universelles ; ou création de langages, pour exprimer des vérités lumineuses individuelles.
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dostoïevsky f.
Истина - тускло-прозаическая и обыкновенная. Чтобы сделать её редкой, нужно от неё отворачиваться.

La vérité est trop ennuyeuse et prosaïque, trop habituelle. Il faut la fuir, pour en faire une rareté.
vérité
Les plus belles choses (femme, harmonie, vérité) se conquièrent par la fuite devant une intimité menaçante. « Est beau ce qui est rare » - Valéry.
beauté,ennui,femme,ordre

valéry p.
Ne cherche pas la vérité - mais cherche à développer ces forces, qui font et défont les vérités.
vérité
Et ce principe s'appelle langage ! On défait une vérité par la règle (syntaxe), par le souffle (sémantique), par la liberté (pragmatique).
création,discursif,force,intensité,liberté,langue

valéry p.
Plus on serre ce qu'on tient, plus on se trouve approcher de l'inintelligible, du dissemblable - la vérité ne ressemble à rien.
vérité
Tu veux dire réalité, le réceptacle des vérités asymptotiques, la formule hors tout langage intelligible. Elle ressemble au seul point de notre liberté d'où nous tendons nos rayons ou puisons notre volume.
balance,inconnu,langue,liberté,maxime,réalité,représentation

valéry p.
Ce qui est le plus vrai d'un individu, c'est son possible.
vérité
Le possible est pour la pensée ce que le disponible (readiness !) est pour l'acte (volonté en puissance et non de puissance, l'inutilité de l'intellect en acte : « Le bien réel suppose un mal potentiel » - V.Soloviov - « Актуальное благо предполагает потенциальное зло »). Ouverture vers l'altérité et l'indétermination. Art de placer des variables, où d'autres fixent des constantes. Capital de possibilités - l'implexe !
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benjamin w.
Die Wahrheit will jäh aus der Selbstversunkenheit gescheucht und sei es von Krawall, sei's von Musik, sei es von Hilferufen aufgeschreckt sein.

La vérité, dans son abandon, veut être soudain bouleversée et terrifiée : par rugissement, musique ou appel au secours.
vérité
La vérité n'a qu'une grammaire, dans un coin obscur du cerveau. L'harmonie, acoustique ou salutaire, se procure par la faute appelée rêve. Toute vérité fixe devient plante d'un herbier (comme le deviennent les métaphores usées), dont on doit se détourner (Valery) ; les sots pensent le contraire : « Le plus grand outrage que l'on puisse faire à la vérité est de la connaître et, en même temps, de l'abandonner » - Bossuet.
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Valéry P.