Voltaire F.-M.
 
 

préface
Héraclite me soufflait : « Voilà quelqu’un qui, en se plongeant dans mon flux, ne pense qu’aux entrées et méprise la nage et la navigation ».
St-Augustin comprit ce que veut ma maîtrise : « Son esprit commande que son âme veuille » - « Imperat animus suus, ut velit anima sua ».
Montaigne fut mon bon lecteur : « En voulant se transformer en bête, il se transforma en ange ».
Pascal saisit le jeu de mes fibres : « Son intelligence sait céder au sentiment ».
Ma recherche de consolations fut bien résumée par Voltaire : « Dans le rêve il trouve son bonheur, en échappant à la réalité ».
Mon ami Nietzsche vit bien la place de mes trésors : « Au commencement il sera ce qu’il est » - « Er ist am Anfang, was er ist ».
Et pour apprécier mon chant de la faiblesse, il faut être Heidegger : « Le Bien n'est pas pour tout le monde, mais seulement pour les faibles » - « Das Gute ist nicht für jedermann, sondern nur für die Schwachen ».
Le regard de ma compagne, M.Tsvétaeva, me suivit dans les éléments opposés : « Il est Phénix ou Narcisse : il chante dans le feu et s’admire dans l’eau » - « Птица-Феникс он, в огне поёт, в воде в себя влюбляется ».
Cioran m'écrivit : « Comment se hasarder encore à une œuvre en partant de l'âme ? Et puis, il y a le ton. Le vôtre - j'en ai peur - sera du genre noble, entaché de mesure et d'élégance ». Curieusement, votre voisin d'en face, de l'autre côté de la rue de l'Odéon, me mettait en garde dans les mêmes termes. Mais les deux furent généreux avec moi ; celui-ci – en introduisant fraternellement ce livre, celui-là – en me laissant de la place, où je peux défier ses appréhensions, en dédiant, à titre posthume, mes soubresauts aux plus défaites des « hautes turpitudes ».
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action
Exercices de circonstances - c'est ainsi que Voltaire et Valéry voyaient la poésie. Bander, de temps en temps, mon arc et ne pas craindre de rejoindre l’au-delà sans vider mon carquois. L'essentiel n'est ni dans les flèches, ni dans les cibles, mais dans l'attouchement de certaines cordes et leur bonne tension. « L'espoir, c'est la flèche qui vole, tout en restant au fond du carquois »** - Kierkegaard.
audace,espérance,flèche

voltaire f.-m.
L'homme est né pour l'action, comme le feu tend en haut et la pierre en bas.
action
L'action est toujours du côté des pierres qui roulent, ce qui pousse les porteurs d'un feu intérieur à s'accrocher à l'inaction, même sous la forme de l'action absurde et symbolique de Sisyphe, qui ne fait que caresser les pierres (G.Bachelard) : que tes yeux se baissent ; que ton regard reste tendu vers le haut.
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amour
La passion est un besoin soudain de sacrifier ce qui est fort ou de rester fidèle à ce qui est faible. L'esprit, l'âme ou le corps sont les organes, en général – exclusifs, de ces résistances à l'inertie ambiante. Mais seul l'amour les aligne de front, tous les trois : « L'amour est de toutes les passions la plus forte, parce qu'elle attaque à la fois la tête, le cœur et le corps » - Voltaire.
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amour
La poésie naît du sens du merveilleux : la beauté, le Bien, l’amour. Les deux premières merveilles ont presque disparu, et même la dernière a déjà du plomb dans ses ailes. « Il n'y a aucun pays de la terre où l'amour n'ait rendu les amants poètes » - Voltaire. La mécanique des amants rendra l’amour – mécanique.
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voltaire f.-m.
On meurt deux fois, je le vois bien :
Cesser d'aimer et d'être aimable.
amour
La première de ces morts n'est pas inconsolable, depuis qu'on inventa la résurrection, qui est le retour vers l'amour-mystère, une fois épuisé l'amour-solution.
consolation,mort,mystère,retour

art
Les Chateaubriand et les J.Joubert (les Goethe et les Lichtenberg, les Nabokov et les Chestov) semblent être incompatibles. Le second se serait mis à imiter le premier - le rire de l'auteur nous empêcherait de nous émouvoir. Le premier se serait aventuré dans le genre du second - le rire du lecteur compromettrait toute estime. Il est clair qu'entre Chateaubriand et rien il y ait moins d'espace qu'entre Joubert et n'importe qui. Des exceptions : Shakespeare, Voltaire, Nietzsche, Tolstoï.
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art
Partout s'imposa l'écriture sobre et linéaire ; aucune trace de l'ivresse hyperbolique (Chateaubriand et Dostoievsky), parabolique (Voltaire et Nietzsche) ou elliptique (Hugo et Tolstoï).
folie,ironie

art
Quelle chance eut la France avec Voltaire et Chateaubriand en tant que juges complémentaires en esthétique ! Tout bon écrivain français devrait les avoir en vue, en permanence : l'ironie du premier l'empêcherait de ne se vouer qu'à l'exalté, et la noblesse du second lui désapprendrait à ne fréquenter que le genre persifleur.
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art
L’écriture, c’est la mise en musique de nos états d’âme, qui ne sont que de vagues tableaux. L’inverse : « L'écriture est la peinture de la voix » - Voltaire - c’est de la prosaïsation de la poésie, sa muséifaction, son aplatissement. L’écriture s'adresse plus souvent aux greniers ou, mieux, aux souterrains, où les hurlements et les soupirs ont la même épaisseur de pinceau. L'ennui de notre temps est que les hommes, n'ayant ni leur propre voix ni le talent d'en inventer une autre, se mettent à écrire. Il faut être mégalomane, pour bien écrire, mais ce don est interdit aux graphomanes.
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art
Le pire des holismes littéraires est le bourrage raisonneur, en largeur (complétude, liaisons). « Le secret d'ennuyer, c'est de vouloir tout dire » - Voltaire.Il faut savoir s'arrêter en profondeur - laisser le lecteur s'appesantir sur le dernier pas, qu'on ne fait pas soi-même. « Quand on n'a pas de talent, on dit tout. L'homme de talent choisit et se contient »* - Quintilien. Ou bien on cherche à conter, à tout dire par algorithme ; ou bien à chanter, viser tout en rythmes. Démuni de poésie, on en cherche des ersatz totaux dans l'action, la vérité, la liberté. Du tout au rien ou du rien au tout - les itinéraires de ceux qui ne visent pas le ciel. Les meilleurs sont dans l'éternel retour sur le soi-même imaginaire, retour fait de commencements d'intensité égale.
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voltaire f.-m.
Les livres les plus utiles sont ceux, dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié ; ils étendent la pensée, dont on leur présente le germe.
art
C'est une simplification algébrique et botanique : la lecture d'un beau livre est unification de l'arbre interrogatif de l'auteur avec l'arbre interprétatif du lecteur, dont le résultat n'est pas une somme mais un troisième arbre, où des rameaux furent substitués aux variables. Les germes doivent être pleins d'inconnues prêtes à s'unifier avec des fleurs ou des fruits.
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bien
Je veux suivre la vertu, la tolérance, la compassion, ou bien je cède au vice, à la passion, au mépris – on s'aperçoit très vite, que la seconde attitude est plus prometteuse, pour séduire ; les sots finissent par n'exhiber que ces noires valeurs et par avoir honte des couleurs trop transparentes : « Un monstre gai vaut mieux qu'un sentimental ennuyeux » - Voltaire. Le sage prend en charge l'axe entier, sur lequel toute valeur reçoit la même intensité de ses pinceaux.
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ovide
Video meliora, proboque, deteriora sequor.

Je vois le meilleur, l'approuve et fais le pire.
bien
Le mal se cache dans le Bien, je l'extirpe et le Bien me quitte. J'aurais fait le meilleur, d'autres juges l'auraient condamné, d'autres yeux y auraient vu le pire. Le conflit n'est pas entre ma liberté et la pensée, il est entre mon bras et ma tête. Et il n'est jamais certain, qui, entre les deux, est plus séculier ou plus spirituel. Ce qui est certain, c'est que dès que j'agis, je suis au service de l'acrasie. Le meilleur en moi est peut-être dans la faculté de voir le pire dans ce que d'autres, en moi, saluent. Ni St-Paul, ni J.Racine (« Je ne fais pas le bien que j'aime, et je fais le mal que je hais »), ni Voltaire ne l'ont compris. Le Bien se loge dans le regard. La cervelle est un bon interlocuteur des yeux ou des bras, elle n'en est néanmoins pas un intermédiaire fidèle. C'est à Adam et Ève que nous devons le passage fatal du choix entre bon et meilleur vers celui entre Bien et mal.
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voltaire f.-m.
C'est n'être bon à rien que n'être bon qu'à soi.
bien
Le sot, qui est toujours bon à soi, mais aussi aux autres, vaut quelque chose. Le sage, qui n'est jamais bon à soi et encore moins aux autres, a des chances d'être bon à quelque chose.
esprit,hommes,soi

france a.
Il faut donner à la vie humaine pour témoins et pour juges l'Ironie et la Pitié.
bien
Ce serait le procès de la vie le plus équitable ! Il faut empêcher l'Ironie de se présenter en tant que Procureur, et la Pitié - en tant que circonstance atténuante. L'Ironie, en souriant, nous rend la vie aimable ; la Pitié, qui pleure, nous la rend sacrée. Difficile de les voir cohabiter ; Voltaire, devenu larmoyant, ou Rousseau, devenu caustique, y perdraient beaucoup de leur verve.
ironie,pitié,sacré,tragédie,vie

cité
L'homme libre d'aujourd'hui ne connut ni l'élan, ni l'écartèlement, ni le joug d'une idylle politique, défiant la force de l'argent. Il ne connut que le règne, sans partage, du boutiquier. Les cobayes des expériences poético-inquisitoriales devinent plus aisément les délices d'une société des marchands, que les adeptes de la vérité économique n'imaginent les horreurs d'une vérité utopique faite chair. Plus on est libre, plus on est aveugle. « Voltaire a dit : plus les hommes seront éclairés et plus ils seront libres. Ses successeurs ont dit au peuple, que plus il serait libre, plus il serait éclairé ; ce qui a tout perdu » - Rivarol.
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cité
Le meilleur compagnon du prince, aujourd'hui, est le journaliste. Et dire qu'on vit Anaxagore admiré par Périclès, Aristote et Pyrrhon auprès d'Alexandre le Grand, Sénèque écouté par Néron, Boèce toléré par Théodoric, Thomas d'Aquin invité par Saint Louis, Pic de la Mirandole avec son mécène Laurent le Magnifique, Érasme auprès de Charles-Quint et de Vinci auprès de François 1er, Th.More apprécié de Henry VIII, Michel-Ange recherché par Jules II, F.Bacon par Elizabeth, Leibniz par Pierre le Grand, Voltaire par le Grand Frédéric, Diderot par la Grande Catherine et même Malraux par de Gaulle, ou tout au moins Guitton par Mitterrand. Je prédis, que les prochains princes seront journalistes, eux-mêmes. « Qualis grex, talus rex ».
antiquité,moyen âge,modernité,philosophie,platitude

cité
Mon acharnement contre les forts (et le robot, son aboutissement) parachève (?) une longue, et assez stérile, tradition française, où la cible fut : les scolastiques (Descartes), les cléricaux (Voltaire), les gentilshommes (Rousseau), les bourgeois (Flaubert), les intellectuels (mes contemporains). Hélas, vitupérer les zombies - Dieu, le peuple, l'ignorance - est un exercice sans grâce.
auteur,dieu,flèche,force,grâce,hommes,moyen âge,révolte,robot,savoir

cité
L'effet désastreux d'une liberté acquise : on succombe à une léthargique paix d'âme. Et ce n'est pas par hasard qu'on les mette souvent ensemble, soit en repus : « Je consacre mes retraites à ma liberté, à ma tranquillité » - Montaigne, soit en plaisantin : « Le repos et la liberté, les rois ne les donnent point, ou plutôt qu'ils ôtent » - Voltaire, soit en dépité, amoureux ou vaniteux : « Ici-bas, nulle trace d'un autre bonheur, que la tranquillité et la liberté » - Pouchkine - « На свете счастья нет, но есть покой и воля ». Dommage, puisqu'on sait bien, que ce sont les esclaves de deux maîtres, d'Apollon et de Dionysos, qui réussissent le mieux les nobles tâches de beauté et d'intranquillité.
angoisse,beauté,bonheur,élan,liberté,noblesse

cité
L'un des stratagèmes démocratiques, pour attirer l'adhésion des hommes, fut la quasi-disparition de l'humiliation de l'homme, bien qu'avec le maintien de son abaissement. « Les hommes sont si bêtes, qu'il faut les traîner vers le bonheur » - G.Bernanos (Voltaire et Hume furent du même avis). Le despotisme tyrannise la majorité silencieuse, sans humilier une minorité gémissante ; la démocratie humilie une minorité aphone, sans tyranniser la majorité, qui est toujours bien orchestrée par l'instinct grégaire. De bonnes âmes entendront toujours de la musique, là où un marginal de l'histoire râle, suffoque ou expire.
histoire,hommes,honte,mort,mouton,musique,silence,souffrance

cité
L'esprit ou l'âme s'enflamment facilement, quand on en appelle à la générosité, pour se lancer dans des aventures de la cité, tandis que le cœur reste fidèle à sa vocation de solitaire. C'est pourquoi les messages de Voltaire (l'esprit de liberté) et de Tolstoï (l'âme compatissante) jouèrent un rôle si néfaste dans les férocités révolutionnaires françaises et russes, tandis que le romantisme allemand (le cœur rêveur) excluait toute fraternité dans la rue avec des philistins.
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cité
Il fallut vivre les affreuses ténèbres du XX-ème siècle, pourtant nées des Lumières du XVIII-ème, pour assister à la fin d'une époque, qui dura deux siècles et demis, de Voltaire à Sartre, de Radichtchev à Soljénitsyne, de Goethe à H.Böll, ces hommes, qui portaient en eux toute la douloureuse conscience de l'humanité, et dont la parole portait quelque chose de surhumain. Aujourd'hui, il ne nous restent que des écologistes, des tiers-mondistes, des ardents défenseurs de la croissance ou des farouches adversaires de la discipline budgétaire.
argent,conscience,hommes,modernité,mot,ombre

cité
Prenez les philosophes nobles – Voltaire, Marx, Nietzsche – et voyez vers où nous conduisent leurs adeptes – la terreur, la férocité, la misère. Et voici ceux, dont n'émanent que la banalité et l'ennui – Descartes, Spinoza, Kant – mais admirez leur rôle dans les sociétés démocratiques, justes et prospères.
ennui,justice,liberté,misère,noblesse,philosophie

cité
Le communisme est enfant des Lumières (Voltaire, Rousseau, Danton), comme le nazisme est celui de la Renaissance ou du Moyen Âge (la Propagande de Goebbels s'inspira de la propaganda fide de la Curie romaine, comme le modèle de la SS de Himmler, ce Loyola de Hitler, fut l'Ordre des Jésuites, qui fut le modèle originel de tout totalitarisme) ; mais le nihilisme de leurs homme ou ordre nouveaux doit beaucoup aux nouvelles valeurs de Nietzsche.
allemagne,axe,hommes,moyen âge,nihilisme,russie

voltaire f.-m.
Quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu.
cité
Elle s'en mêla pour de bon ; personne ne s'inquiéta des pertes. Ses trouvailles captivèrent le raisonneur.
bassesse,défaite,raison

doute
Étranges étiquettes - « inutile et incertain » - que Pascal attribue à Descartes, tandis que celui-ci n'est justement qu'utile et certain. Comme ce lourdaud de Spinoza bourré de connaissances pratiques et traité par Voltaire de « subtil et creux ».
goût,intelligence,platitude,savoir,simplicité,utilité,vide

doute
Deux porte-voix possibles, pour m'exprimer : le soi connu ou le soi inconnu. Mes maîtrises et mes expériences, ou mes perditions et mes rêves ? Dois-je coller mon verbe à mon corps et à mon esprit, pour qu'il en soit solidaire, ou bien dois-je créer un personnage imaginaire, en contact mystérieux avec mon âme irresponsable, tenant des propos imprévisibles ? Je penche pour le second choix, mais ce que furent Socrate pour Platon, Zadig pour Voltaire, Zarathoustra pour Nietzsche, s'appelle, chez moi, - mon soi inconnu.
âme,auteur,esprit,inconnu,maîtrise,mystère,rêve,soi

doute
Quand votre corps vous tourmente par une douleur, quand des tracas sociaux ou sentimentaux déversent en vous des aigreurs ou des ressentiments, il est plus facile de dénoncer, avec Voltaire et Cioran, notre monde raté, que de voir, avec Leibniz et Einstein, dans notre merveilleuse planète – un paradis microscopique, dans l’immensité morte d’un Univers sans esprits, sans couleurs, sans musique.
acquiescement,esprit,musique,mystère

sénèque
Ignotus moritur sibi

Tu mourras, inconnu de toi-même
doute
Et peu importe si les autres te connurent ou pas. « Sommes-nous à jamais condamnés à nous ignorer ? » - Voltaire – il faudrait y préférer l'ignorance étoilée à la connaissance étiolée.
inconnu,savoir,soi

voltaire f.-m.
Les petits ruisseaux sont transparents, parce qu'ils sont peu profonds.
doute
Les grands fleuves sont troubles, parce qu'ils noient une vraie profondeur et laissent flotter une fausse planche de salut.
consolation,grandeur,hauteur,mensonge,vie

voltaire f.-m.
Nos prêtres ne sont pas ce que le vain peuple pense ;
Notre crédulité fait toute leur science.
doute
Ma foi, quand je vois l'élite non vaine, débarrassée de toute crédulité, ne faire que calculer et mémoriser, j'ai de la sympathie pour la vanité frissonnante et angoissée de l'ignorant. La science du comptable reçoit des cahiers des charges, l'ignorance du prêtre - des chuchotements, des gémissements, des hontes. Il faut prendre le prêtre pour une bocca della verità.
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hommes
Les contemporains de Montaigne, de Pascal, de Voltaire, de Hugo, de Valéry se lamentaient, exactement comme les nôtres, sur la dissolution des sens, l'effondrement des principes, la déchéance des hommes, la désintégration de l'humanité. La seule différence notable est que nous sommes contemporains des houellebecq. Ceux-là furent héritiers d'une grande culture, et ils concevaient leurs propres commencements ; ceux-ci sont porte-parole accumulatifs d'une inculture moutonnière ou robotique.
art,commencement,culture,modernité,mouton,robot

hommes
Aucune parenté avec la France de Molière, Marivaux, Guitry, Sollers ne m'est pensable ; des sentiments filiaux et presque tribaux pour la France de Montaigne, Voltaire, Valéry, R.Debray. Je sais que c'est la première France qui domine, et a toujours dominé, dans les … cœurs des Français, et la seconde - seulement dans leurs têtes.
auteur,cœur,esprit,france,proximité

hommes
De tous les temps, on savait, que tout système de pensée était réfutable (falsifiable), mais, pour garder quelques repères et éviter un relativisme général, mesquin et chaotique, certains hommes bénéficiaient d'un statut de presque intouchables, de micro-sacrés (on n'embastille pas Voltaire), les hostilités se déroulant autour, et non pas face à ces idoles tolérées. Aujourd'hui, toute autorité, morale ou intellectuelle, disparut ; la guerre de tous contre tous, le rabaissement immédiat de toute voix ambitieuse, l'agitation dans des mares et l'oubli des océans.
grandeur,lutte,modernité,système,universel,voix

hommes
Souvent, pour briller au second rang, on s'éclipse au premier (Voltaire) ; ceci n'est vrai que parce que le clinquant vient du rang et non de l'homme. La vraie scène n'est pas toujours du côté des gros projecteurs ; elle peut choisir ses planches jusqu'au paradis, en l'absence des lustres.
élite,gloire,jeu,ombre

hommes
L'ordinaire se déversant aujourd'hui de toutes les plumes, on devrait, d'après Voltaire : « Un art entre en décadence, lorsqu'on y met moins le souci du beau que celui du bizarre » - saluer la bonne santé de notre art. Non, plutôt une haute décadence des grimoires que de basses cadences des miroirs. Du stade de rare, le beau passa à celui de vestige.
art,beauté,grandeur,hauteur,modernité,mouton

hommes
Les intellectuels français – Montaigne, J.Joubert, Valéry – ennemis de la gazette. Sur la scène publique, ils furent évincés par les journalistes – guetteurs des faits divers – depuis les affaires de Callas ou Dreyfus jusqu’aux gilets jaunes. À la charnière entre ces tribus inconciliables se trouvait Voltaire – l’ironie des premiers et le faux pathos des seconds.
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voltaire f.-m.
À tous les cœurs bien nés que la patrie est chère.
hommes
Le cœur, c'est la musique ou le chuchotement d'un langage. La tête, c'est l'appel des questions et la portée des réponses. Le monde s'exerce de plus en plus en dialogues et se moque de soliloques musicaux. La patrie des têtes sera unique, elle s'appelle la Bourse. Les cœurs déchus garderont leurs titres de noblesse virtuelle et leurs superstitions rituelles dans un monde républicain et laïc.
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baudelaire ch.
Je m'ennuie en France, parce que tout le monde y ressemble à Voltaire.
hommes
Tu serais heureux aujourd'hui, en France, où tout le monde te ressemble, à toi et à tes acolytes, à des B.-H.Lévy, J.-L.Servan-Schreiber, A.Glucksmann, A.Minc, Ph.Sollers. L'écrivain, ce n'est pas sa didactique, mais ses métaphores. Et le bon vieil archer de Voltaire se rit de vos flèches imprudentes.
art,discursif,ennui,flèche,france,métaphore,universel

intelligence
Des jeux pseudo-logiques avec des concepts tirés au hasard des soutenances de thèses, en psychologie ou en physiologie, ce charabia insipide de la professoresque clanique, s'attachant, au gré des modes, au rationaliste le plus absolu, au charlatan de Vienne ou au dingue de Turin, mais sans leur talent, dans cette niche logomachique alimentée par Husserl et Heidegger, Sartre et Badiou, où l'on refuse à Pascal, Voltaire ou Valéry le titre de philosophe, que s'arrogent tous ces arides pontifes de faculté Barthes, Foucault, Deleuze, Ricœur, Derrida. Siècle de Dozenten et d'agrégés !
école,folie,idée,jeu,philosophie,platitude,raison,représentation

intelligence
Le mathématicien sait que les triangles n'existent pas dans la réalité, mais qu'ils sont des objets de ses représentations (Parménide, Platon ou Heidegger les auraient vus jusque dans l'être fantomatique), des créations de leur libre arbitre, qui, miraculeusement, ne sont jamais désavouées par la réalité. Mais l'homme de la rue, tel Voltaire, pense le contraire : « Il y a des carrés, mais il n'y a point d'être général, qui s'appelle ainsi ». Des objets mathématiques tapissent tout le fond de l'être.
concept,être,liberté,philosophie,réalité,représentation,science

intelligence
Transcendance ou immanence, dehors ou dedans, être ou étant, nature ou histoire, essence ou existence - aucune métaphore intéressante n'est jamais sortie ni de leur dialectique ni de leur opposition. Ce débat ne put jamais attirer que des rats de bibliothèques. Et comme ce bon vieux Voltaire a, une fois de plus, raison : « L'idée de l'être en général - j'ai soupçonné, qu'il n'était point nécessaire, que nous le sussions »** !
école,être,histoire,métaphore,nature,philosophie,religion

voltaire f.-m.
L'instinct, c'est tout sentiment et tout acte qui prévient la réflexion.
intelligence
L'instinct est la réflexion câblée, qui prévient la réflexion explicite ! Dans celle-là, on ne voit pas le mécanisme, silencieux et mieux huilé que dans celle-ci, aux syllogismes nus. Le réflexe intervient pour se passer de réflexion. La réflexion banale est inductive, elle se résume en réflexes ; mais la réflexion la plus subtile – et irremplaçable – est abductive : seul le qui, au-dessus du quoi, peut justifier les pourquoi et comment.
action,raison,sentiment,silence

ironie
De l'abus de négation de la négation : Nietzsche n'a ni l'ironie ni la gaieté, mais il proclame partir de l'ironie (le mot, en tout cas, signifiant, à l'origine, requête), voit sa négation dans le sérieux, nie celui-ci, pour tomber sur la gaieté, dont il croît inonder le public incrédule. « On ne peut guère rester sérieusement avec soi-même ; c'est parce qu'on est frivole qu'on ne se pend pas » - Voltaire.
bonheur,doute,mort,négation,platitude,question,soi

ironie
Ce que Voltaire dit des (bons) genres vaut pour les systèmes : sans ou avec un système on n'échoue que par l'ennui.
art,défaite,raison,système

ironie
La perfection mécanique (en solution de problèmes humains) n'a rien à voir avec la perfection organique (le problème du mystère divin). Dommage que mon vieux Voltaire n'ait pas compris la perfection du meilleur des mondes possibles, que prônait mon ami Leibniz, qui m'est si proche par ses horizons, par sa culture linguistique, par son expérience et même peut-être par ses origines.
auteur,culture,dieu,hommes,mot,mystère,nature

ironie
Ah, s’il était possible de réunir l’ironie, les yeux, les finalités de Voltaire avec la honte, le regard, les commencements de Rousseau ! Le luxe avec l’ascèse !
commencement,honte,regard

ironie
Pourquoi l'homme Nietzsche est si mesquin et malheureux ? - parce qu'il lui manque l'ironie, ce contraire du sérieux et du grave (dans la vie et dans l'art), et la pitié, ce compagnon du Bien (dans la vie). Ignorant ces deux élans, il les opposait ; pour lui, l'ironie de Voltaire et la pitié de Rousseau furent incompatibles.
art,bassesse,bien,bonheur,élan,négation,pitié,vie

ironie
Quand on voit où nous conduit l’intelligence mécanique, on est tenté de succomber à la bêtise organique, mais ce geste exige beaucoup de talent : « On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes » - Voltaire (de Rousseau).
esprit,intelligence,nature,robot,style

ironie
Ils ne sont pas si nombreux, ceux que j’aime en tant qu’auteurs et que j’aimerais aussi en tant qu’êtres humains : St-Augustin, Voltaire, Pouchkine, Rilke, Tsvétaeva, R.Char, R.Debray. La plupart des auteurs brillants furent des hommes ternes.
amour,auteur,hommes

ironie
Dans la littérature, le mérite principal des contraintes et de t’empêcher de t’engager dans un chemin ou dans un genre ennuyeux ; mais les égarements sont nombreux, puisque l’avertissement de Voltaire ne s’affiche pas aux carrefours.
art,chemin,contrainte,ennui

ironie
Le XVI-me siècle, c’est la fête de l’ironie dans la littérature – Cervantès, Shakespeare, Montaigne et même Luther. Le siècle suivant, celui des dramaturges et des philosophes, étouffa cette vitalité ; et le phénomène Voltaire n’est qu’un chant du cygne de l’ironie agonisante. Notre époque vit sous le signe de la gravité, de la lourdeur, de la pédanterie. Rappelons-nous que les chutes de la Grèce et de Rome furent annoncées par leurs derniers ironistes, Lucien et Juvénal.
art,grèce,histoire,modernité,mort,philosophie

ironie
Chaque fois que je tombe sur les dithyrambes au savoir philosophique professoresque (et même au savoir absolu), je me rends compte de la justesse, dans les mêmes circonstances, de la réaction voltairienne : « Il n’était point nécessaire que nous le sussions ».
auteur,école,nécessité,philosophie,savoir

mot
J'aimerais être contesté, plutôt qu'être constaté. On constate les idées, et l'on conteste les mots. Le constat est un acte d'horizontalité ; la contestation - celui de verticalité. Tente donc de t'installer en hauteur, d'où tu pourrais verser un « déluge de mots sur un désert d'idées » - Voltaire.
désert,hauteur,idée,lutte,platitude

mot
Avec la mort de Dieu, être enthousiaste (possédé par Dieu) devint incongru ; tout le monde serait aujourd’hui d’accord avec Voltaire, pour qui l’enthousiasme fut « l’émotion d’entrailles », « tremblements de la Pythie possédée », l’inspirateur de la Saint-Barthélémy.
dieu,enthousiasme,grèce,mort

voltaire f.-m.
Les paroles sont aux pensées ce que l'or est aux diamants : il est nécessaire, pour les mettre en œuvre, mais il en faut peu.
mot
La forfanterie des pensées endiamantées, dans des fêtes de l'utile, va de pair avec l'incapacité de dorer les mots, dans la révolte de l'inutile.
idée,nécessité,style,utilité

noblesse
Ce que n'importe qui peut dire, il faut le taire ; ce qu'on ne peut que dire, et non pas chanter, il faut le taire ; ce qu'un autre peut chanter, ce n'est pas la peine que je le dise ; ce qui est dit ne peut pas être chanté ; il ne reste au dire qu'un champ de silences ou un commentaire du chant. Et Voltaire : « Ce qui est trop sot pour être dit, on le chante » - aurait pu ou dû mettre vague ou beau, à la place de sot, pour défier Wittgenstein ou laisser Zadig inspirer Zarathoustra : « Chante ! Ne parle plus ! » - « Singe ! Sprich nicht mehr ! ». Le silence est une contrainte, plus qu'un moyen. D'ailleurs, Zarathoustra ne parle pas, il chante !
contrainte,danse,doute,esprit,intelligence,mot,silence

noblesse
Je suis indifférent à Platon, à Spinoza, à Kant ; mais je ne puis pas en être ennemi ; combattre la grisaille, c'est profaner mes propres couleurs. Mais il faut que je sache me dresser en ennemi de St-Augustin, de Voltaire, de Nietzsche, pour mettre à l'épreuve mes palettes.
auteur,ironie,lutte

noblesse
Si je devais choisir le siècle, où la profondeur humaine se manifestât de la manière la plus éloquente, j’opterais pour le XVIII-me. Mais, visiblement, même pour ses contemporains, la grandeur et la hauteur jouissaient d’un prestige plus précieux encore : « Comment avais-tu pris un essor si haut, dans le siècle des petitesses ? » - Voltaire (de Vauvenargues).
bassesse,élan,grandeur,hauteur,histoire,hommes

proximité
La distance est aussi peu absence que le silence - oubli. « Dieu ? Nous nous saluons, mais nous ne nous parlons pas »** - Voltaire.
dieu,mémoire,silence

proximité
Dieu est un tragédien, devant un public n'osant pas pleurer. (« Dieu est un comique, qui joue devant un public, qui a peur de rire » - Voltaire). Les sots écrivent, pour nous faire passer l'envie des larmes ; les naïfs - pour nous les faire venir ; les subtils - pour les recueillir. « L'art sert à nous essuyer les yeux »* - K.Kraus - « Die Kunst dient dazu, uns die Augen auszuwischen » - et la philosophie complète la tâche, en remplissant nos yeux d'éclat ou d'espérances.
angoisse,art,dieu,espérance,goût,philosophie,simplicité,souffrance,tragédie

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Ne pas être athée : ne pas pouvoir imaginer que la simple application des lois physiques, chimiques et biologiques puisse aboutir à l'apparition de l'œil, de l'oreille, de la langue, du cerveau. Ne pas être croyant : rejeter toute idée que le Créateur ait pu se manifester quelque part, dans l'Histoire de la Terre, sous quelque forme que ce soit. Ces deux négations sont à la base de la raison de désespérer et de la raison tout court, celle qui nous parle d'espérance. Si je réussis ces deux gageures, j'aurai droit à l'inscription panthéonique de Voltaire : « Il combattit les athées et les fanatiques ».
auteur,création,dieu,espérance,histoire,inconnu,lutte,négation

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L'artiste peut se permettre des mensonges iconoclastes à peindre ; le peuple aurait besoin de mensonges idolâtriques, transmis par des fripons ; quand on voit les résultats minables des prêches antichrétiens, contre la dévotion ou contre la morale, de Voltaire ou de Nietzsche, on a envie de remobiliser l'Inquisition et de rehausser les bûchers, puisque tout feu est désormais éteint, et y règne un terre-à-terre asphyxiant.
art,bassesse,christianisme,création,éléments,mensonge

proximité
Tout, dans la nature, est une merveille folle ; l’existence de ces mystères impossibles ne peut le devoir qu’à un Créateur fou, mais qui, visiblement, n’existe même pas. On a beau constater que « la nature tout entière nous dit qu'Il existe » - Voltaire, ou proclamer « Il est éperdument ! » - Hugo, Il ne se montra jamais, et nous mourrons, ignorant l’Auteur de nos jours.
absurde,dieu,folie,hommes,mort,mystère

russie
L'intellectuel russe est né d'une larme compatissante. Son homonyme européen - des débats autour des faits divers. La pitié de Radichtchev pour le paysan miséreux, ou l'implication de Voltaire dans la révision de procédures judiciaires. Tenir la conscience en éveil ou susciter un écho journalistique. Être attiré par le tragi-comique ou par le curieux.
bien,conscience,europe,pitié,tragédie

russie
Les plus français des écrivains russes : Pouchkine, Tiouttchev, M.Boulgakov. Les plus russes des français : Rousseau, Lamennais, A.France. Savoir sourire à tout, savoir s'apitoyer sur tous. À propos, le plus français des Allemands, ce serait, ma foi, Nietzsche, qui a dû avoir sous les yeux Voltaire et Rousseau, pour exclure de son champ, par souci d'originalité, leurs thèmes centraux - l'ironie et la pitié.
allemagne,art,france,ironie,pitié

russie
Saint-Pétersbourg, « la ville la plus abstraite et préméditée » du monde (Dostoïevsky - « самый отвлечённый и умышленный город »), une espèce d'Anti-Aléthoville de Voltaire, c'est ce qu'il faut faire du sous-sol de son soi, servant tantôt de ruines d'un passé sans pitié, tantôt de fenêtre sur un avenir sans honte. La meilleure fenêtre est celle, à travers laquelle « le ciel déverse sa plénitude à la rencontre de ma pitié »* - Camus. Venise pourrait disputer à Saint-Pétersbourg les lauriers de l'exil permanent, artificiel et inspirateur.
artificiel,création,honte,pitié,ruines,soi,temps,vide

russie
C'est dans le liquide que s'éploie l'âme russe : dans le sang, dans la sueur, dans la larme, dans la vodka. Le cerveau semble en être également atteint : « Le cerveau russe est mouillé ; il ne flambe pas du feu de l'intelligence, et quand tombe en lui l'étincelle du savoir, il s'enfume et s'éteint »* - Gorky - « Сырой русский мозг не вспыхивает огнём разума, когда в него попадает искра знания, - он тлеет и чадит ». C'est presque aussi mauvais qu'une âme sèche ; aux saignées ou sanglots du vouloir, qui l'interpellent ou l'inondent, elle ne renvoie que de la fumée. Voltaire, qui faisait du philosophe un pompier : « la superstition met le monde en flammes, la philosophie les éteint », aurait apprécié…
âme,éléments,intelligence,intensité,raison,savoir

russie
Souvent, on voit en Berdiaev, Chestov, V.Rozanov - des nietzschéens, tandis qu'ils sortent tout droit de Dostoïevsky, comme d'ailleurs Nietzsche lui-même, qui est mi-Français mi-Russe ; il méprisa et la lourdeur et les thèmes de Kant, Hegel, Schopenhauer, en prenant Voltaire et Stendhal pour modèles de l'esprit ; il puisa ses images centrales - la pureté s'empiégeant dans le péché, le surhomme, l'au-delà du bien et du mal - dans Dostoïevsky.
ange,art,bien,force,mal,philosophie,style

russie
L'écriture de Nietzsche fait penser à l'esprit français et au ton russe. Le style de Montaigne, Pascal ou Voltaire, le sujet y dominant le projet, et l'élégance de forme se moquant de la rigueur de fond. La véhémence et le conservatisme de Dostoïevsky, la pureté et la honte y étant inextricablement mêlées sur le même axe vertical. L'homme, ce soi connu, le soi du centre, le soi haïssable, il doit être surmonté par le surhomme, ce soi inconnu, le soi des commencements, le soi admirable.
ange,art,axe,commencement,france,haine,honte,inconnu,noblesse,raison,…

russie
Mon enfance, c'est sa scène : la boue, le froid, la famine au milieu d'un bagne, et c'est son décor : la forêt, immense et sauvage, où l'ours me disputait la framboise. Deux thèmes, toujours présents à mes yeux, toujours absents de mes tableaux. Et Rilke me donne un bon exemple, en laissant au stade de rêve son projet d'« assister à la résurrection du miracle russe de ma jeunesse » - « das russische Wunder meiner Jugend wiederauferstehen zu lassen ». Comme l’envisagea, plus tôt, Voltaire : « Si j’étais plus jeune, je me ferais Russe ».
arbre,auteur,enfance

russie
Quel dommage qu'aucun Russe n'ait découvert dans sa Scythie hyperboréenne, ce qu'y soupçonnèrent Voltaire et Diderot et devina Nietzsche – un Dionysos anti-apollinien !
création,dieu,négation

russie
Tous les courants protestataires russes proviennent d’un mysticisme primitif des francs-maçons du XVIII-me siècle, poussant les hommes à former des clans, des bandes, des cercles clandestins, animés par des formules ampoulées, surréalistes, inopératoires. Celui qui manqua à la Russie, ce n’est ni Voltaire ni Rousseau, mais Montesquieu.
cité,histoire,hommes,lutte,mystère

voltaire f.-m.
À mon feu, qui s'éteint, rends sa clarté première :
C'est du Nord aujourd'hui que nous vient la lumière.
russie
En fait de clarté il n'y a plus de pénurie au Nord. Le seul mérite de sa lumière est de se perdre dans une exaltante direction. Mais vous n'avez plus le temps d'y tourner la tête. Lux ex oriente, pruritus lucendi et lumen naturale eurent le même sort.
doute,ombre

voltaire f.-m.
Avec plus d'innocence ils consument leur vie, que le peuple de Mars.
russie
Et c'est assis sur de vastes bancs des accusés que ce peuple de Dionysos festoie. « Ce qu'on prend pour peines sévères sont souvent des grâces cachées » - Wilde - « What seems to us bitter trials are often blessings in disguise » - consumer ou consommer, question d'aliments, d'appétits et de besoin de feu.
ange,grâce,hommes,honte,soif,vie

ortega y gasset j.
Rusia y España, dos razas, coinciden en padecer una evidente y perdurable escasez de individuos eminentes.

La Russie et l'Espagne, deux races, qui souffrent d'un manque évident et permanent de personnalités éminentes.
russie
Car l'éminence n'est ni dans le pathos, ni dans l'ethnos, ni dans le cosmos, mais dans le style : de sceptre, d'épure ou de plume. Toutefois, dans ces deux pays se jouent de grandes passions ; le grand style, on le trouve chez Voltaire, Chateaubriand ou Hugo, mais : « En France, les grandes passions sont aussi rares que les grands hommes » - Stendhal – que l’auteur chercha à reconstituer, sans succès.
élan,élite,espagne,france,grandeur,style,voix

voltaire f.-m.
Tout notre mal vient de ne pouvoir être seul.
solitude
Et le bien aussi ! Pour le mal, autrui est suffisant, mais pas nécessaire (on peut souffrir tout seul) ; pour le bien, il est nécessaire, mais pas suffisant (il faut, en plus, un juge). Tout seul, on ne fait que rêver le bien ; dans la multitude, on l'oublie, au nom de l'agir, qui mène tout droit au mal. Le contraire du vrai, qui n'est crédible que dans un dialogue ; le soliloque ne produit que du rêve, c'est à dire du mensonge.
action,bien,mal,mensonge,nécessité,rêve,souffrance

souffrance
L'art du pathétique : pensées nouveau-nées nourries par un agonisant. Ce soliloque eut déjà un prédécesseur ironique, sous forme d'un dialogue entre un mourant et un homme qui se porte bien (Voltaire).
art,idée,intensité,mort

souffrance
Réduire la vie aux choses, c'est la rendre insipide et plate ; transférer le poids des choses des yeux au regard, même tragique, c'est apporter à la vie l'intensité créatrice. « Préférer la douleur à la fadeur, aimer ce qui est intense et vif » - Voltaire. Savoir alterner bonheurs et douleurs.
bonheur,création,regard,tragédie,vie

souffrance
Deux calamités s'opposent à la félicité des hommes – le sérieux et l'inégalité ; c'est pourquoi la plus belle image d'un homme parfait serait la fusion d'un Voltaire de l'ironie avec un Rousseau de la pitié - d'une lumière, profonde et espiègle, avec des ombres, hautes et tragiques.
bonheur,égalité,hauteur,ironie,ombre,pitié,tragédie

souffrance
Tout bon philosophe se trouve une bonne source de la consolation humaine : Voltaire – dans l’ironie, Nietzsche – dans la musique, Heidegger – dans la poésie, Valéry – dans le mystère de la création. Rien de plus bête que le pessimisme sceptique. Ce qui est admirable, c’est que la consolation philosophique ne devienne convaincante que grâce à la qualité du langage, de cette seconde facette de toute bonne philosophie. Avec ces deux auréoles, la tragédie humaine gagne en hauteur et en couleurs, sans perdre de son intensité.
consolation,création,enthousiasme,espérance,hauteur,hommes,intelligence,intensité,ironie,langue,…

voltaire f.-m.
Le bonheur n'est qu'un rêve, et la douleur est réelle.
souffrance
Le rêve s'interprète, la réalité est muette - donc c'est bien la douleur qui est plus près du songe, et le bonheur - de l'ineffable éveil.
bonheur,interprétation,rêve

vérité
Voltaire, contrairement à tous les philosophes titulaires, devait se douter de la différence entre la négation sémantique et la négation syntaxique : « Les deux contraires peuvent être faux. Un bœuf vole au sud avec des ailes, un bœuf vole au nord sans ailes ». Plus subtil serait : ce qu'une bestiole différente du bœuf fait au nord avec autre chose que ses ailes, n'est pas voler ni dérober. Par exemple, un homme au nord donne avec ses mains.
étoile,ironie,négation,philosophie,simplicité

vérité
C'est idiot que d'appeler à aimer la vérité ou à pardonner à l'erreur (Voltaire). Il faut aimer l'éveil de l'erreur, pour pardonner à la vérité ses accès de somnolence.
erreur,ironie,platitude

vérité
On ne percera jamais le mystère de l’apparition de la vie ni même de la naissance de l’univers. Une vérité de fait et une absurdité de raison. « C'est une absurdité de dire : Il y a une vérité essentielle à l'homme, et Dieu l'a cachée » - Voltaire – le grand Cachottier préféra la perplexité à l’évidence.
absurde,commencement,dieu,hommes,interprétation,mystère,nature,raison,vie

voltaire f.-m.
La vérité est un fruit, qui ne doit être cueilli que s'il est tout à fait mûr.
vérité
La vérité est un succès d'un parcours d'arbre. Son point culminant peut se trouver aux racines, dans la fleur, dans le fruit, aux cimes ou dans l'ombrage. Ce n'est pas la saison qui détermine le meilleur terme de cette recherche, mais l'intrigue des inconnues, qui chargent ses ramages. Les vérités mûres et immarcescibles appartiennent, en général, aux saisons dépassées ; les vérités comptent surtout par leur fécondité, dont les promesses sont toutes dans les saisons à venir.
arbre,climat,création,défaite,espérance
Voltaire F.-M.